Il y a trois ans, personne n'avait entendu parler de Lady Gaga. Aujourd'hui, elle est sans doute l'artiste dont on parle le plus dans le monde. Mais si sa stratégie marketing et de communication s'est avérée impeccable jusqu'à l'été 2010, elle multiplie les erreurs depuis et s'est elle-même savonné la planche avant la sortie de "Born This Way", sans conteste l'un des albums les plus attendus de l'année. Depuis des mois, elle le survend au point de l'annoncer comme le meilleur album de la décennie. Rien que ça. Le souci, c'est que "Born This Way" est déjà loin d'être le meilleur album de l'année, plombé par tous les défauts de Lady Gaga, que la chanteuse semble accentuer à chaque clip, chaque prestation live et chaque apparition publique.
Le problème majeur de "Born This Way" est le manque total de subtilité de Lady Gaga, qui transpire absolument partout sur le disque, qu'il s'agisse des textes, de la production ou même des influences. Le beat est trop lourd, les synthés trop présents, la quasi-totalité des titres sont surproduits - écoutez "Americano" ou "Judas", par exemple - et les références sont presque des plagiats. Il y a beaucoup de Madonna dans le premier single, "Born This Way", beaucoup de Cher dans "The Edge of Glory", beaucoup de Whitney Houston dans "Fashion of His Love"... Les textes sont quant à eux plombés par la volonté de Gaga de se présenter comme la mère de tous les exclus et marginaux, de manière particulièrement opportuniste ("Born This Way") et maladroite ("Bad Kids"). L'omniprésence de la religion n'est pour sa part ni originale ni utile et les références à la chanteuse elle-même ("Judas, Judas, Judas, Gaga") sont elles aussi agaçantes. On a compris qu'elle s'appelait Lady Gaga, merci. Et quand elles ne sont pas faussement provocatrices ou tout aussi faussement opportunistes, les paroles sont parfois tout simplement idiotes. "Judas kiss me if offenced, or wear an ear condom next time", chante-t-elle ainsi dans "Judas". En français, ça sonne encore plus idiot : "Judas, embrasse-moi si je t'ai offensé, ou porte un préservatif d'oreille la prochaine fois". OK...
Mais "Born This Way" est loin d'être un échec. Malgré tous les faux pas, les mauvais choix et les erreurs de jugement, il y a plusieurs réussites. Les titres "Marry the Night", "The Edge of Glory" et autres "Hair" positionnent la chanteuse comme une star du rock des années 80 transposée dans un monde d'eurodance et sont portés par des mélodies fortes. "Judas", malgré sa production discutable et ses charabias insensés, est indéniablement accrocheur et Lady Gaga frappe fort quand elle n'en fait pas des tonnes : sur le planant "Electric Chapel", que Kylie Minogue aurait pu chanter, ou sur le tout aussi inattendu "Heavy Metal Lover". Un peu de douceur dans un album de brute. Dommage que la très belle ballade "Yoü & I" soit gâchée par une production scandaleuse de "Mutt" Lange.
En fait, "Born This Way" résume à lui tout seul ce qui cloche aujourd'hui autour de Lady Gaga. Etant donné son succès phénoménal, plus personne n'ose la contredire. Personne ne lui dit que greffer sa tête sur une moto pour la pochette est une mauvaise idée. Ou que jouer avec la religion ne choque plus grand-monde. Plus personne ne lui dit non plus qu'elle ne ressemble à rien ces derniers temps ou que ramener le saxophone n'est pas l'idée du siècle. Dommage, parce qu'il y a plein de bonnes idées dans "Born This Way" et qu'il aurait sans doute pu être le digne successeur de "The Fame Monster", si quelqu'un avait enlevé tous les artifices et avait fait passer la musique avant la com'.
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