Certains films de par leur sujet, leur casting, leur bande-annonce – et on sait pourtant que se fier à une bande-annonce est une mauvaise idée –, donnent une image d’eux-même un chouilla trop classique. Un sujet « royal », de grands acteurs et une réalisation soignée pouvaient laisser craindre que Le discours d'un roi ne fût qu’un honnête film historique, la peinture soignée d’une époque comme le cinéma anglo-saxon sait les livrer sans faire trop de vagues, une manne aux awards pour ses interprètes. Sans plus.
Fort heureusement, c’est peu dire que le film de Tom Hooper réussit à s’envoler bien au-delà de ces considérations académiques. En s’attelant à cette histoire méconnue de la monarchie britannique (du moins pour nous Français), il parvient à brosser le portrait bouleversant d’un homme en proie au doute le plus vorace, une crise de la quarantaine causée par un trouble physique et suspendue aux limbes de l’Histoire.
L'Histoire n'est qu'un prétexte
Le prince Albert d’York est sujet à un bégaiement intense depuis l’enfance. Fils cadet du roi d’Angleterre George V il n’est pas destiné à monter sur le trône, mais sa position royale exige de lui des apparitions publiques dans lesquelles son tic de langage le ridiculise. Sa femme l’aime passionnément et cherche désespérément jour après jour le moyen de le guérir. Elle finit par dénicher un docteur australien aux méthodes peu orthodoxes qui jure qu’il peut soigner son mari – en même temps que l’Histoire s’en mêle pour faire de celui-ci le roi George VI.
Ce qui est passionnant ici, c’est l’angle humain et « quotidien » choisi par Tom Hooper pour filmer son sujet. Les agapes de la royauté sont réduites au strict minimum et c’est l’ascension d’un homme terriblement complexé que l’on suit. Les enjeux monarchiques apparaissent comme de simples prétextes au vrai sens du film : les atermoiements de ce roi malgré lui qui ne se sent pas à sa place, la relation avec son père et l’amour inconditionnel de sa femme.
Un drame intimiste servi par des acteurs brillants
Ce dernier aspect est particulièrement bien servi par l’éblouissante prestation d’Helena Bonham Carter, tout en finesse et émotion. Geoffrey Rush campe un docteur Logue malicieux, témoin passionné de son époque. Et Colin Firth est au firmament de son art, particulièrement émouvant – il n’aura pas volé son Oscar le 27 février prochain.
Les plans sont léchés, serrés comme pour mieux capter l’essence de cette tragédie personnelle. Et quand la grande Histoire s’invite, les visages sont familiers (George V-Michael Gambon, Edward VIII-Guy Pearce, Churchill-Timothy Spall…) – mais l'on reste confiné aux salons du Palais et au cabinet du docteur.
Le discours d'un roi est un drame qui reste donc intimiste, et dont le véritable roi est le langage. Les mots sont le mal du prince alors que sa carrière politique ne peut se passer d'eux ; c’est autour d’eux que se tisse la trame du film, et par eux que celui-ci existe, verbeux et savoureux. Magistralement servi par ses acteurs et brillamment écrit et mis en scène, Le discours d'un roi est un grand film.