Sébastien Thoen : "Pendant dix ans, on a fait ce qu'on a voulu sur Canal+, c'était même honteux"

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Sébastien Thoen : "Pendant dix ans, on a fait ce qu'on a voulu sur Canal+, c'était même honteux"
Par Florian Guadalupe Journaliste
Passionné de sport, de politique et des nouveaux médias, Florian Guadalupe est journaliste pour Puremédias depuis octobre 2015. Ses goûts pour le petit écran sont très divers, de "Quelle époque" à "L'heure des pros", en passant par "C ce soir", "Koh-Lanta", "L'équipe du soir" et "La France a un incroyable talent".
Sébastien Thoen parodie Pascal Praud pour Winamax. © Jonathan Rebboah / Panoramic / Bestimage
À l'occasion de la sortie de son livre, "Chagrin d'humour", aux éditions Harper Collins, l'humoriste Sébastien Thoen a accordé une série d'entretiens à puremedias.com, dont nous publions une première partie aujourd'hui.

Le roi de la caméra cachée sur Canal+. Début novembre, Sébastien Thoen, l'ancienne figure du collectif "Action discrète" sur la chaîne cryptée, a sorti un livre autobiographique, "Chagrin d'humour", aux éditions Harper Collins. Dans cet ouvrage, il retrace son parcours au sein du groupe Canal+, de ses débuts avec Julien Cazarre dans l'émission "Action discrète" à son éviction après un sketch sur Pascal Praud fin 2020. A cette occasion, celui qui a présenté "Le journal du hard" s'est confié auprès de puremedias.com, dans une série d'interviews.

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Dans cette première partie, Sébastien Thoen revient avec son ton délirant et cash sur les caméras cachées d'"Action discrète", la fin de son collectif avec Julien Cazarre et Thomas Séraphine et son passage dans "Le grand journal" sur Canal+, à l'époque d'Antoine de Caunes. Attention, certaines réponses sont à prendre au millième degré !

Propos recueillis par Florian Guadalupe.

puremedias.com : Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Sébastien Thoen : Pour trois raisons. La première, c'est que j'ai enfin un objet. Tout ce que je fais est assez éphémère. Au moins, j'ai un truc posé que mes petits-enfants pourront lire... Que mon chien pourra lire ! Deuxièmement, j'ai vu que c'était un peu la mode pour les comiques de s'épancher. J'ai vu récemment une vidéo de Kyan Khojandi où il a demandé à Payanotis Pascot si c'était dur de dire "Je t'aime". L'autre a pleuré. J'ai trouvé ça hyper touchant parce qu'un clown qui pleure, c'est beau. Je me suis dit : "Pourquoi pas moi ?". Sachant que moi, par rapport à eux, j'ai des trucs intéressants à raconter. Troisièmement, il fallait que je raconte ma vérité sur ce qu'est le monde de l'humour et sur le fait que je n'ai pas été viré de Canal+. Il y a la vérité dans le livre. On le sait par rapport à l'affaire du sketch sur Pascal Praud. Il est important que je donne ma vérité, qu'elle soit vraie ou fantasmée.

Quelle est la part de vérité et de faux dans votre ouvrage ?
On va dire que c'est du 80-20. Si tu vois à peu près ce que je fais et si tu es un peu intelligent - je pense que les gens qui achètent mon livre sont intelligents sinon ils n'achèteraient pas mon livre -, tu peux considérer qu'il y a 80% de vrai et 20% de faux... ou de rêvé.

Ils ont dit
"A part avec Jeff Bezos ou le patron de Kiloutou, c'est injouable de refaire 'Action discrète' aujourd'hui"
Sébastien Thoen

Dans votre ouvrage, vous revenez beaucoup sur votre parcours avec "Action discrète" sur Canal+. Dans cette émission, vous faisiez des caméras cachées et des parodies, parfois très trashs. Pensez-vous qu'une émission comme celle-ci pourrait encore exister aujourd'hui ?
Il faudrait la même chose qu'à l'époque d'"Action discrète". Il faudrait un producteur et un diffuseur qui n'en ont rien à foutre des quelques emmerdes et du peu d'audience. (rires) On ne faisait pas une audience de dingue. On se démerdait mais ce n'était pas fou. Ils devraient être capables d'assumer une émission comme ça, qui n'est pas sur l'échiquier politique. On était ni de gauche, ni de droite. On était de droite le lundi, de gauche le mardi, d'extrême-droite le mercredi, végan le jeudi, hétéro le vendredi et homo le samedi. On n'en avait rien à foutre. Aujourd'hui, à part Jeff Bezos ou le patron de Kiloutou s'il lance sa plateforme - un gros patron quoi ! -, c'est injouable.

Parmi les caméras cachées que vous avez faites, laquelle a été la plus dangereuse à tourner ?
Il n'y a pas eu de trucs vraiment dangereux. Mais tu sais que quand tu vas au siège du Front national à Nanterre, ça ne va pas très bien se finir. Je sais qu'ils n'étaient pas contents qu'on ait foutu le bordel chez eux. Mais on s'est aussi fait taper à des manifestations de gauche. On s'est fait molester du moins. Après, on arrive et on fait les cons. Il y en a qui ne le prennent pas très bien. Là où ça a été un peu chaud pour nous, ce sont dans les lieux improbables. Par exemple, au salon de l'Agriculture, Julien Cazarre s'est fait passer pour un politique qui était venu serrer les mains aux agriculteurs comme tous les politiques en campagne. Dès que la caméra s'était coupée, dans son rôle de politique, il avait lâché : "Oh, ils font chier ces paysans ! Ils puent !". Il a dit ce que pensent tous les politiques. Devant les caméras, ils sont sympas avec les paysans, pour l'image. Une fois que la caméra est coupée, ils n'en ont rien à foutre des paysans. Il y a eu un agriculteur qui a pété un plomb. Il a attrapé Cazarre. J'ai eu l'impression qu'il allait l'étouffer alors qu'à la base, le salon de l'Agriculture n'est pas censé être un endroit dangereux.

Et il y a eu une autre caméra où c'était chaud ! Ce n'est pas dans le livre, mais on avait fait les cons entre Porte de la Chapelle et Barbès. Au milieu des revendeurs de cracks, nous, on revendait autre chose... Des médicaments contre la grippe A. Là, c'était un peu tendu. (rires)

Ils ont dit
"Il y a pire que le GIGN et Christine Kelly peut témoigner : il y a le CSA"
Sébastien Thoen

Vous évoquez plusieurs interpellations par la police dans votre ouvrage lors de tournages. Combien de plaintes ont été déposées contre vous ?
On peut piéger quelqu'un dans un établissement ou une manif, si ça part en vrille, la police arrive. Et oui, on est arrêté et envoyé au poste. Ils vérifient nos papiers. Très vite, ils voient qu'on est des zozos. Ils voient les micros planqués et les caméras. Les policiers voient des pauvres types qui font des caméras cachées. Canal+ appelle et ça s'arrange. Eventuellement, on est convoqué pour un rappel à la loi six mois après. Finalement, les plaintes, il n'y en a pas eu tant que ça. On a eu plus d'arrestations que de plaintes. Mais on a eu quelques plaintes sérieuses, dont l'une d'un maire d'un village qu'on a piégé pour un parrainage pour la présidentielle. On est allé trop loin, parce que ça a coûté la vie au groupe. C'est l'un des éléments qui a précipité la chute du groupe en hebdomadaire. Ca n'avait pas aidé. Il avait appelé le CSA. Le CSA avait pété les plombs pour la dixième fois. Donc, il y a pire que le GIGN et Christine Kelly peut témoigner. Il y a le CSA. (rires)

Certains sketchs d'"Action discrète" sont justement allés très loin et ont pu faire prendre des risques au diffuseur. La direction est-elle déjà intervenue en amont ?
Non, que dalle ! Canal nous a toujours laissé faire. A la fois ils adoraient l'émission, à la fois ils n'en avaient rien à foutre. Le service juridique fait encore des cauchemars parce qu'ils ont dû nous cacher et mentir plein de fois pour nous. J'embrasse d'ailleurs Christine du service juridique qui nous a sauvé la vie plein de fois. Après, quand Canal a vu qu'ils commençaient à avoir pas mal d'embrouilles, ça a commencé à les saouler. Globalement, pendant dix ans, on a fait ce qu'on a voulu. C'était même honteux. Il y avait des Etats dans l'Etat. Aujourd'hui, on sait que le patron de Canal, c'est un peu Cyril Hanouna. A l'époque, l'un des patrons de Canal, sans être nommé patron de Canal, c'était Yves Le Rolland, qui était le patron des "Guignols de l'info". Donc, ça a toujours été une boite à pistons et à réseaux... J'adore cette boite.

Ils ont dit
"Les gens des médias sont des demeurés"
Sébastien Thoen

Comment avez-vous vécu la fin d'"Action discrète" ?
Bizarrement. Je ne voulais pas qu'on devienne des fonctionnaires de la caméra cachée. Une émission n'est pas censée durer des années. Ce n'est pas vrai. C'est même mieux pour elle qu'elle ne vive pas longtemps. Dix ans, c'est un peu la date de péremption. Soit il faut tout changer, soit il faut arrêter. Par exemple, "Groland", il faut l'arrêter depuis dix ans. Qu'est-ce qu'ils font ?! (rires) J'ai grandi en les regardant mais les gars, arrêtez ! Faites autre chose ! Vous avez des sous de côté !
A côté de ça, j'étais dégoûté. Je pense qu'on aurait pu faire un an ou deux de plus. On aurait pu former des jeunes. Faire la "Action Discrète Academy", tout ça pour faire rire les Français et amuser le pays. J'étais entre les deux. Puis, je savais très bien que je ne retrouverais pas une émission comme ça, avec mes potes, qui était notre bébé. Il n'y aura plus jamais ça. Plus jamais.

Comment expliquez-vous que personne n'arrive à retenir le nom "Action discrète" ? Même Léa Salamé a fait l'erreur lors de votre passage dans "Quelle époque !" sur France 2.
Mais parce que les gens des médias sont des demeurés. Ils font les malins, mais il y a la moitié qui a le bac. L'autre moitié a acheté le bac... Ou le permis de conduire. Salut Ali Baddou ! (rires) Mais c'est normal. On était une émission confidentielle. Ce qui comptait, ce n'est pas tant le nom mais ce qu'on faisait. Je sais que tous les Français ont au moins vu un sketch d'"Action discrète". Et ils ont souri ! Il vaut mieux un bon sourire, qu'un mauvais rire. Mais il y a 5% qui sait que c'est "Action discrète". Quand on fait la caméra cachée où on apprend à insulter la police sans avoir de soucis, ce sketch-là, des gens m'en ont parlé mais ne savaient pas que c'était nous. Parce qu'on était cagoulés, sur une petite chaîne. On a souvent changé d'horaire, c'était le bordel. Comme on aimait bien se grimer et que c'était filmé à l'arrache, forcément, t'es moins identifié. Un jour, j'étais un skinhead. L'autre jour, je suis un lascar de banlieue qui vend du shit. Dix jours après, j'étais un envoyé du gouvernement. J'étais aussi bien déguisé que dans "Lupin" sur Netflix. Pour te dire le niveau. C'est misérable. Donc, tu changes toujours de tête et les gens ne te reconnaissent pas.

Ils ont dit
"Si j'avais été à la place d'Antoine de Caunes, j'aurais viré tout le monde et j'aurais présenté tout seul"
Sébastien Thoen

Dans votre livre, vous égratignez Antoine de Caunes avec qui vous avez collaboré au "Grand journal". A "TV Mag", il a dit qu'il gardait pourtant un bon souvenir de vous...
Ah, ça ! Ca vous intéresse les médias ! (silence) Antoine est un homme formidable. J'aimerais avoir son talent, sa vie, son patrimoine ! Je n'ai pas de souci avec Antoine de Caunes. Mais quand je raconte mon parcours, je raconte la vérité. Oui, au "Grand journal", je me suis retrouvé dans une bande qui n'était pas extrêmement homogène et cohérente. J'avais un chef de bande qui m'aimait bien, mais qui ne m'avait pas mis en avant plus que ça. "Le Grand journal", c'est un chef de bande. S'il te donne 2 minutes tous les jours en faisant ce que tu veux, t'as compris qu'il te mettait en valeur. Comme Laurent Ruquier avec "Les Grosses têtes" sur RTL. Là, j'ai juste fait un état des lieux. J'ai bossé avec quelqu'un qui m'aimait bien, mais qui n'avait pas envie que ça pète pour moi. Lui comme l'équipe. Il n'avait pas choisi la bande. Donc, ça ne lui plaisait pas. Mais libre à lui. Je ne suis pas en train de dire que c'est un immense connard ! Ce n'était pas la Chine ! Mais je sais ce que ça veut dire, dans une émission quotidienne, en access prime time, aussi mythique que "Le grand journal". Quand tu as 45 secondes par semaine, on te dit indirectement qu'on t'aime bien, mais pas plus que ça. Voilà ! Mais chacun fait ce qu'il veut. Dans le livre, je le dis. Si j'avais été à sa place, j'aurais viré tout le monde et j'aurais présenté tout seul. Mais ça aurait cartonné. Donc, je ne lui en veux pas à Antoine. C'est un mec sympa.

Par la suite, vous avez lancé sur Canal+ "Les Zozos Migrateurs" avec Julien Cazarre et Thomas Séraphine. Et ça n'a pas très bien marché...
Oui ! C'était une superbe expérience. Le combo entre le documentaire touristico-rigolo, à la fois tu apprends des choses et à la fois tu fous le bordel dans un pays... C'est super intéressant. C'est à creuser comme concept. Effectivement, on a eu trois euros pour le faire. On n'a pas beaucoup de temps à chaque fois. Il y a les impondérables du moment. Tu ne demandes pas aux gens de l'Himalaya de t'attendre pour un tournage. Il y avait plein de choses qu'on ne pouvait pas maîtriser. On est quand même allé dans des contrées assez tropicales. Puis, on était sur Canal+ décalé, le mardi à 23h. Les abonnés de Canal, qui sont nos amis et nos clients, on s'adresse à eux avant tout. Mais on a compris qu'on n'était pas le mercredi soir en prime time, lancé par Mouloud Achour. On nous a fait comprendre qu'on nous aimait bien mais on n'est pas Alex Lutz ou Jonathan Cohen, à qui on a filé des millions et la grille. Notamment Jonathan Cohen qui a été envoyé en pompier de service avec "La flamme". Bravo Jonathan. Tu es très drôle.

Interview à suivre demain sur puremedias.com.

Sébastien Thoen
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