
C'est un euphémisme que de dire que Pascal Praud se délecte de l'altercation entre Patrick Cohen et Rachida Dati. Quand l'éditorialiste de "C à vous" sur France 5 jugeait hier "déshonorant" le procédé de son invitée qui lui a demandé s'il harcelait ses collaborateurs, le présentateur de "L'heure des pros" sur CNews, jamais tendre avec son collègue de France Inter et France 5, a donné sans l'ombre d'un doute le point à la ministre de la Culture.
"Rachida Dati s'est payé Patrick Cohen, un garçon qui donne des leçons à la terre entière. Peut-être que lui-même devrait balayer devant sa porte", a-t-il insinué avant de rediffuser la séquence en question dans laquelle Rachida Dati, ne souhaitant pas répondre aux soupçons de conflit d'intérêts qui pèsent sur elle à l'époque où elle était députée au Parlement européen, a convoqué en retour une enquête de "Mediapart" sur "le comportement passé" de Patrick Cohen à Radio France.
"Ce n'est pas vraiment déshonorant", a considéré Pascal Praud. Rachida Dati "s'appuie sur une enquête journalistique (concernant) M. Cohen. (Il aurait eu recours) à un management toxique avec beaucoup de gens qui ont témoigné", a-t-il précisé avant de relayer un témoignage apparaissant dans l'enquête. "Pendant la diffusion d'un reportage, il pouvait dire 20 secondes avant la reprise d'antenne : 'Ah dis moi, ta brève à venir, c'est nul, je ne comprends rien'. 'L'ordre de ton journal, c'est n'importe quoi'", a lu à l'antenne celui qui se dit "sensible à la manière dont les gens qui ont des responsabilités se conduisent avec leur entourage".
"C'est vrai qu'il humiliait", a-t-il déclaré ensuite. "Je l'ai dit hier, on est un tout petit milieu. Tout le monde sait qui est qui. Interrogez tous les gens qui ont travaillé avec Patrick Cohen, de RTL à Europe 1, et notamment ceux qui sont entre guillemets en dessous de lui. Parce que c'est toujours intéressant de voir comment on se comporte (ceux qui occupent) une place privilégiée, c'est un éditorialiste de renom, avec ceux qui ne sont pas entre guillemets à son niveau. C'est simple. Posez la question partout".
"Le temps est venu que les politiques commencent à dire les choses aux journalistes", avait jugé Pascal Praud, "agacé par ces donneurs de leçons" la veille quelques minutes après "l'incident" dans "C à vous". "Je fais juste une petite parenthèse sur le monde des journalistes qui donne des leçons à la terre entière. Il y a une chaîne qui est concurrente de la nôtre qui s'appelle BFMTV. Ils sont tous en train de partir pour la clause de cession (ouverte après le rachat de la chaîne par le groupe CMA CGM de Rodolphe Saadé, ndlr). Cette clause de cession est net d'impôt, cela s'appelle un privilège. C'est net d'impôt", a-t-il répété pour décrédibiliser ce qui est en fait un "droit dérogatoire au droit commun". Selon le Code du travail, les journalistes ont la possibilité de quitter l’entreprise en cas de cession sans démissionner.
Cette parenthèse refermée, Philippe Bilger a nuancé l'engouement de Pascal Praud pour la méthode de Rachida Dati : "Imaginez si les entretiens politiques prenaient tous la même tournure. On ne peut pas à chaque fois qu'un journaliste formule une question le renvoyer à sa propre immoralité. Je trouve que c'est très discutable. J'aime énormément que les journalistes soient mis en cause mais cet exemple-là ne pourrait pas être généralisé, franchement", a déclaré l'ancien magistrat sans remettre en cause le fond de l'enquête de "Mediapart".
Rachida Dati, ministre de la Culture, a été mise en cause dans l'émission "Complément d'enquête", qui a documenté l'existence de liens – via un cabinet d'avocats – entre l'eurodéputée et GDF-Suez en 2010 et 2011. Ce qui pourrait soulever un hypothétique conflit d'intérêts. La députée européen – qui a toujours nié avoir été rémunérée par le groupe gazier – aurait en effet perçu près de 300.000 euros de l'entreprise renommée Engie depuis, "alors qu’elle multipliait les prises de position favorables au secteur gazier".


