
La fausse information avait fait les gros titres au début de l'été 2022. Dans un article publié sur le site internet de l'hebdomadaire "Le Point" le 21 juin 2022, le journaliste Aziz Zemouri avait accusé à tort les ex-députés La France insoumise Raquel Garrido et Alexis Corbière, d'avoir employé une femme de ménage sans papiers. Trois ans après, ce lundi 12 mai 2025, le tribunal correctionnel de Paris a condamné pour diffamation l'auteur de l'article à 4.000 euros d'amende. La présidente de la 17e chambre a également condamné Étienne Gernelle, le directeur de la publication du "Point", à une amende de 4.000 euros. Raquel Garrido et Alexis Corbière devront par ailleurs recevoir la somme de 6.000 euros au titre des dommages et intérêts.
Dans sa motivation, le tribunal a évoqué "une base factuelle lacunaire" et dénoncé l'absence de volonté d'Aziz Zemouri d'"étayer les informations recueillies", résume l'AFP. Dans cet article, le journaliste Aziz Zemouri y mettait en cause le couple de députés de Seine-Saint-Denis, les accusant d'exploiter une femme de ménage sans papiers qu'ils auraient "soumise à des cadences infernales". Dès le lendemain, le journal avait retiré l'article et admis publiquement son caractère "faux" et "mensonger" par le biais de son directeur de la publication.
Les investigations avaient permis de remonter jusqu'à Rudy Succar, un ex-chauffeur de Jean-Christophe Lagarde, député sortant et candidat UDI opposé à Raquel Garrido. Après plusieurs interrogatoires, l'ex-chauffeur avait reconnu s'être fait passer pour la femme de ménage auprès du journaliste sur demande pressante voire "obsessionnelle" de Jean-Christophe Lagarde, car celui-ci aurait voulu obtenir un élément compromettant contre sa concurrente. Jean-Christophe Lagarde, Rudy Succar et Noam Anouar, le contact policier d'Aziz Zemouri, sont tous les trois mis en examen, notamment pour escroquerie en bande organisée, autre volet de l'affaire dans lequel l'ex-journaliste du "Point" est partie civile aux côtés du couple Garrido-Corbière.
Quelques jours après la publication de cette fausse information, Étienne Gernelle avait accusé Aziz Zemouri d'avoir "enfumé sa hiérarchie". "Il y a un double enfumage (...) Des gens ont essayé de monter une affaire qui n'existait pas (...) Ça, c'est l'enfumage externe (...) Et puis il y a l'enfumage interne avec un journaliste (...) qui a perdu la raison, qui a fait n'importe quoi, et qui a enfumé sa hiérarchie en ne disant pas la vérité".
Selon le patron du "Point", Aziz Zemouri aurait ainsi menti à sa hiérarchie sur les entretiens menés dans le cadre de son enquête, mais aussi sur les documents en sa possession, et la façon dont il les avait obtenus. "Aziz Zemouri a probablement fondu un plomb par indignation, par écoeurement", a-t-il analysé ensuite. "S'il avait dit la vérité sur la nature des documents qu'il avait et sur la manière dont il les avait obtenus, jamais le papier n'aurait été publié", a-t-il ajouté. Aziz Zemouri, qui a quitté l'hebdomadaire après cette affaire, avait rapidement présenté ses "excuses les plus sincères", estimant avoir été "victime d'une manipulation" d'une de ses sources policières.
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"Il n'est pas acceptable de publier des articles faux sans aucune vérification", a réagi Alexis Corbière à l'issue du délibéré. Selon le député de Seine-Saint-Denis, il s'agit d'un "débat d'intérêt général, parce que tout le monde a droit a une information de qualité".
Raquel Garrido, elle, a réservé sa première réaction à ses abonnés sur X. "L’hebdomadaire 'Le Point' avait publié sur son site un long article totalement mensonger, nous accusant notamment de disposer d’une 'esclave algérienne' à notre domicile que nous ferions vivre dans la terreur et les menaces. Tout était faux. Et l’article fut finalement retiré du site après avoir provoqué de très nombreuses réactions, parfois très violement hostile contre nous, notre engagement politique et notre famille. Cette 'affaire' est un cas d’école, à la rare grossièreté, mais surtout il ne doit jamais se reproduire", a estimé celle qui officie aujourd'hui en qualité de chroniqueuse sur LCI, déplorant que "lors de l’audience qui s’est tenue le 14 mars dernier, ni le journaliste concerné, ni le directeur de publication n’aient eu le courage ou l’élégance de venir s’expliquer, et détailler l’engrenage de cet incroyable naufrage".