Toute la journée, Jean-Jacques Bourdin, matinalier sur RMC, est l'invité exceptionnel de puremedias.com. Le journaliste raconte dans son livre ("L'homme libre", Ed. Cherche Midi) les coulisses de ses entretiens quotidiens à la radio, sa vision du journalisme et du rapport de certains médias aux politiques. Il défend aussi son modèle, celui de donner la parole aux auditeurs, quotidiennement. Troisième partie de cet entretien consacrée à la radio RMC.
> La P1 : "Je fais ce que je veux, c'est moi qui décide, voilà ma liberté"
> La P2 : "Je plains ceux qui travaillent avec Nicolas Canteloup"
Propos recueillis par Julien Bellver et Benoît Daragon.
puremedias.com : Le succès de RMC, et donc de votre matinale, est-il selon vous indexé sur la crise et le moral des Français ?
Jean-Jacques Bourdin : Mais non ! Le succès dure depuis 12 ans. Vous allez me dire que le moral des Français est au plus bas depuis 12 ans ? (rires) Notre succès est indexé sur l'activité des Français et la force de l'actualité. C'est une radio active, RMC. C'est une radio où l'auditeur doit se sentir concerné en permanence par ce qu'il entend. On est très tributaire de l'actualité. Si celle-ci les concerne moins, ils suivront moins, d'autant qu'ils sont très calés sur l'info. On est très fort quand il y a des sujets majeurs.
Parlons des auditeurs. La matinale de RMC est un défouloir, un espace de dialogue ou une tranche d'informations ?
C'est d'abord une tranche d'information avec des journaux toutes les 30 minutes et entre 7 et 8 interviews, toutes en direct, avec des acteurs de la vie publique, dont la grande interview de 20 minutes non stop.
"RMC n'est pas un défouloir"
Ce n'est jamais un défouloir ?
Non, RMC n'est pas un défouloir ! Parfois, certains auditeurs disent qu'ils ne sont pas contents mais ils ont le droit de le dire. Les interventions des auditeurs sont à 80% des témoignages et 20% des opinions comme j'aime souvent le rappeler.
Comment démêler le vrai du faux témoignage ? Vous n'êtes pas à l'abri d'une manipulation...
On a des filtres, notamment en sélectionnant les auditeurs au standard. Comme on rappelle les intervenants, on a leur nom et leur numéro. Ca fait 30 ans que je fais ça, je sens la sincérité et le mensonge. Cela ne m'a pas empêché de me faire tromper, mais pas plus de deux ou trois fois.
Vous dites qu'il n'y a aucun "hors-la-loi" à l'antenne, que c'est la seule et unique limite. Peut-il y alors y avoir des "hors la vérité", des auditeurs qui partagent leur expérience et revendiquent certaines choses sans forcément s'appuyer sur des faits justes ?
Mon rôle est alors de recadrer. Parfois, à travers le filet se glisse la mauvaise graine, je le reconnais. Mais il est plus difficile de tromper avec un témoignage.
"J'assume le témoignage, j'adore ça"
Il n'y a pas de spécialistes en plateau pour "fact-checker" leurs déclarations... Pour les modérer avec des chiffres par exemple...
On le fait dans le rendez-vous économie à 7h55 de Jean-Marc Daniel. Mais vous avez raison, on devrait offrir parfois plus de perspectives. Tout est perfectible. Mais j'assume le témoignage. J'adore ça. Bien plus que les statistiques.
RMC est en bonne santé, même si la matinale a un peu faibli lors du dernier sondage. Vous avez toujours envie de croquer Europe 1 ?
Notre prochain sondage sera meilleur, vous verrez ! Battre Europe 1, ce serait la deuxième fois de ma carrière. Cela m'était arrivé quand je présentais le journal de 8h de RTL (qui durait 23 minutes !). On avait bu le champagne dans la rédaction de RTL pour fêter ça. Peut-être que ça m'arrivera une deuxième fois, je ne sais pas. Mais je voudrais juste faire remarquer que si nous avions la même couverture géographique qu'eux, et le même potentiel d'auditeurs, on serait sans doute devant !
Finir votre carrière sur ce dépassement vous plairait ?
Oui, ce serait pas mal !
