C'est un récit qui s'inscrit dans le mouvement #MeToo. Judith Godrèche , actuellement en promotion de sa série "Icon of French Cinema" sortie fin décembre sur Arte, a décidé de briser le silence sur une relation qu'elle qualifie "d'emprise" avec le réalisateur Benoît Jacquot. À l'époque, elle n'avait que 14 ans, tandis que le cinéaste était âgé de 40 ans. Invitée sur le plateau de "Quotidien" ce lundi 8 janvier 2024, l'actrice est revenue sur l'affaire.
La cinéaste a notamment réagi à un extrait d'un documentaire tourné en 2011, dans lequel Benoît Jacquot admet cette relation avec l'actrice, alors adolescente, qu'il qualifie de "transgression". "Ne serait-ce qu'au regard de la loi (...) on n'a pas le droit en principe, je crois. Donc une fille comme cette Judith qui avait alors 15 ans et moi 40, on n'a pas le droit. Mais ça, elle n'en avait rien à foutre et même elle, ça l'excitait beaucoup je dirais. Le fait est que faire du cinéma c'est une couverture de trafics illicites, pour des moeurs de ce type là" assure le réalisateur.
"Ça m'a rendue malade"
C'est cet extrait, qu'elle n'a découvert que ce week-end sur les réseaux sociaux, qui a poussé Judith Godrèche à évoquer le nom de son bourreau. Au bord des larmes face à Yann Barthès, la femme de cinéma de 51 ans a témoigné du moment où elle a découvert ces images pour la première fois. "Ça m'a rendue malade..." a-t-elle d'abord déclaré, avant de reprendre son souffle.
"Ce serait encore plus choquant si on m'avait montrée à 14 ans ans dans ce documentaire, donc ils ont bien fait de prendre des images de moi à 17 ans et pas à 14 ans où j'ai vraiment l'air d'un bébé, quoi... Et de le voir, comme ça, me transformer en objet et parler de moi comme d'un truc, quoi. Mettre des mots, parler à ma place, parler de mon désir... C'était tellement violent, j'essaie de trouver les mots encore pour expliquer ce que j'ai vécu. Je me suis mise à trembler de façon complètement compulsive, les enfants m'attendaient pour dîner et je ne pouvais pas sortir de ma chambre, j'ai vomi... J'étais dans un état de panique. J'essaie encore de comprendre pourquoi c'est si violent pour moi."
La comédienne et réalisatrice a ensuite poursuivi sur la notion de consentement et d'emprise due à la différence d'âge et au pouvoir accordé à un réalisateur renommé. "Cet enfant, dans le fond, n'avait pas la possibilité de saisir l'idée même du consentement. Je ne savais même pas ce que c'était, le consentement. Il n'y a pas eu de consentement, il n'existe pas à 14 ans. On ne consent pas et on n'est pas excité à l'idée de coucher avec un type de 40 ans à 14 ans. Ça n'existe pas. Donc il projette, il inverse les rôles, il projette sur moi son excitation, il me sexualise. Je l'ai vécue, j'y étais. Mais de l'entendre, en 2011, parler comme ça, lui, un type qui vit aujourd'hui à 76 ans... C'est la première fois que je l'entends parler comme ça de moi. Donc c'était un choc !", a-t-elle ajouté.
"Il a le visage d'un monstre"
"J'étais toujours sous l'emprise. Mais de l'entendre comme ça en parler et de façon très mondaine en rigolant, en s'en vantant... L'impunité est à un tel niveau ! C'est la jouissance du monstre. J'ai l'impression de voir un monstre. Il a le visage d'un monstre. Il a quelque chose de monstrueux et il tient des propos de monstre" a-t-elle ensuite remarqué, avant de dénoncer la complicité des médias.
"Mais le problème, c'est que c'est à la télévision. Et c'est une émission qui a été très regardée, je crois. (...) Il dit 'd'ailleurs on me regarde de façon assez envieuse et c'est pas désagréable'... Comment c'est possible de dire ça ? Comment c'est possible qu'aucun journaliste en 2011 n'ait appelé la police ? Il y a un type qui dit à la télévision qu'à 40 ans, il était avec une fille de 14 ans, il le dit en souriant et personne qui n'appelle la brigade des moeurs ? Ça me crée une colère...", s'est-elle interrogée, révoltée.
