Gilles Bouleau (P2) : "Je n'ai jamais rencontré Nicolas de Tavernost"

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Gilles Bouleau (P2) : "Je n'ai jamais rencontré Nicolas de Tavernost"
Par Ludovic Galtier Lloret Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" - "Oh-ohohohoh" - et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
Gilles Bouleau sur TF1 © CHRISTOPHE CHEVALIN - TF1
Le journaliste de TF1 revient auprès de puremedias.com sur ses 10 ans dans le fauteuil du "20 Heures" et son avenir.

2012-2022. Gilles Bouleau boucle ce printemps ces dix années à la tête du "20 Heures" de TF1. Dans cette deuxième partie de l'entretien qu'il a accordé à puremedias.com, l'ancien correspondant de TF1 à Washington et à Londres revient sur son arrivée inattendue, le 4 juin 2012, dans le fauteuil occupé avant lui par Laurence Ferrari, en proie à des difficultés d'audience. "Pas programmé" pour un tel poste, comme il le reconnaît lui-même volontiers, Gilles Bouleau révèle également les dessous de l'écriture de ses lancements, un exercice qu'il juge, avec dix ans d'expérience, "toujours aussi difficile".

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Propos recueillis par Ludovic Galtier

puremedias.com : Vous avez succédé à Laurence Ferrari le lundi 4 juin 2012. Avec bientôt dix ans de recul, comment percevez-vous votre rôle ?
Gilles Bouleau :
Déjà, je n'avais pas imaginé prendre l'antenne le 4 juin 2012. Je n'avais pas prévu de faire ce métier. Je n'étais pas du tout dans ce trip. Je lisais une interview passionnante de mon amie Maryse Burgot ce matin (l'interview a été réalisée jeudi 31 mars, ndlr). J'étais à Washington avec Maryse, on faisait des choses ensemble en Haïti ou ailleurs. On n'était pas du tout, ni elle ni moi, programmés pour faire cela. Maryse a poursuivi son chemin, moi j'en ai pris un autre. Ce sont les accidents heureux de la vie professionnelle. J'aime beaucoup l'idée d'être un passeur. C'est un drôle de job. C'est un travail de traducteur de la complexité du monde, comme un prof d'histoire-géographie ou de SVT. J'adore me questionner moi-même : que dois-je comprendre de ce qui se passe à tel endroit, de telle découverte scientifique ? J'essaie moi-même de comprendre et de valoriser le travail de mes amis de la rédaction.

Ils ont dit
"On a tous quelque fois le syndrome de l'imposteur"
Gilles Bouleau

Vous veniez du terrain. Pour faire une analogie avec le marathon, l'une de vos passions, vous ne partiez pas avec le dossard de favori. Comment expliquez-vous que votre style se soit finalement imposé ?
Mes anciens patrons, Nonce Paolini et Catherine Nayl, m'ont dit : "On te fait confiance pour être ce que tu es dans la vie. Donc, ne t'invente pas de personnage, ne paraît pas être ce que tu n'es pas profondément". On a tous quelque fois le syndrome de l'imposteur. Ce que je ne savais pas faire, affronter la pression de l'audience, ils ont supposé que j'allais arriver à le faire. Ils se sont dit que j'avais suffisamment de recul pour que ce métier ne me rende pas dingue. C'est aussi la réflexion qui a mené au choix d'Anne-Claire (Anne-Claire Coudray présente les éditions d'information du week-end depuis le départ de Claire Chazal en 2015, ndlr). On est un peu du même bois.

Présenter un JT, c'est aussi et surtout lancer les reportages de la rédaction. Qu'est-ce qu'un bon lancement ?
C'est affreux comme épreuve, le lancement. C'est 10, 12, 15, 18 secondes. 20 ou 22 secondes, je me fais gronder. C'est court, c'est vraiment la quintessence de ce que j'ai appris quand j'étais étudiant à Science Po, c'est-à-dire "Racontez-moi l'histoire des États-Unis, vous avez trois minutes" ou "Expliquez-moi la complexité d'un faits divers, d'une situation géopolitique en dix ou douze secondes". Il faut avoir beaucoup lu, avoir une compréhension profonde, pour ensuite fermer les yeux et restituer cela. Le lancement est là pour mettre en contexte et valoriser le sujet qui arrive après. C'est un artisanat que je trouve toujours aussi difficile. Ce que je souhaite, c'est que les gens puissent comprendre que cela ne me demande aucun effort. Je veux que ce soit comme du patinage artistique et que les gens se disent : "Mais, c'est formidable, c'est naturel, il arrive à 19h40 au boulot, il est là, il prend sa limonade et puis il fait ça !". Ça m'agace mais en même temps, je le prends comme un hommage en me disant : "S'ils ne voient pas les coutures...".

Ils ont dit
"Un moment embarrassant ? Robert de Niro et Michelle Pfeiffer qui font la grève en direct"
Gilles Bouleau

Jusqu'à quel instant vous permettez-vous ce travail de réécriture ?
Tout le temps. Je réécris pendant le journal parce que j'affine et je ne suis pas content. Je trouve qu'il y a parfois une petite rugosité, un terme pas assez précis ou un chiffre qui n'est plus tout à fait actualisé. J'ai mes dépêches AFP sous le nez. Après tous les efforts consentis dans la journée, toutes les lectures, tous les échanges et toute la construction du journal, à la fin des fins, il ne reste que des mots. Je le dis aux jeunes journalistes de la rédaction, qui eux le font dans le cadre du reportage : "Choisissez vos mots, achetez-vous un dictionnaire. À la fin de tous vos efforts, après avoir parcouru la France, parcouru le monde et surmonté mille obstacles, à la fin en télé, il reste des images, des sons, du montage et des mots et en quantité limitée". C'est comme les auteurs de littérature qui sont économes de leurs mots. J'aime bien Jean Echenoz qui a résumé la guerre de 1914-1918 dans un ouvrage, intitulé "14", de 120 pages. C'est le livre le plus puissant que j'ai lu. Je pense qu'il a du en baver pendant des années pour écrire cela.

En dix ans de JT, quel est votre moment le plus embarrassant ?
Mon moment embarrassant est un échec professionnel. J'aime beaucoup le cinéma et je suis un grand fan de Robert de Niro. Il y a quelques années, j'étais très content car il venait dans le journal. Je savais qu'il était taiseux, cela ne m'avait pas échappé. Il était venu avec Michelle Pfeiffer pour un film dont j'avais compris très rapidement qu'il n'y était pas très attaché ("Malavita", sorti en 2013). Ils avaient fait la grève en direct. Leurs réponses avaient été monosyllabiques. Ils tiraient une tête de six pieds de long et j'avais beau essayé par la face nord, la face sud, avec sourire, rien ne se passait. C'était deux astres morts. Moi, j'étais le troisième astre mort. Les téléspectateurs, chez eux, avaient dû se dire : "Il est ennuyeux ce soir le journal de TF1". C'était un échec.

Ils ont dit
"Je suis totalement les mains dans la glaise du début à la fin du journal"
Gilles Bouleau

Vous semblez être en désaccord profond avec Christophe Hondelatte qui avait décrit le JT comme "une machine où tout le monde décide à votre place".
Demandez à mes camarades de la rédaction, on ne décide pas pour moi. Je suis totalement les mains dans la glaise du début à la fin et on refait le monde après le journal. J'ai horreur des arguments d'autorité, c'est-à-dire que je ne viens pas à la conférence à 9h20 en disant : "Il faut ci, il faut ça". Mais j'ai mon carnet à spirales que j'apporte le matin, qui est plein de gribouillis, de questions et de pistes. Le soir, il faut que la partition soit en ordre. (Il lit ce qu'il a inscrit dans son carnet, ndlr) Renaud qui sort un nouveau truc, McKinsey, la météo, la neige, la hausse folle des billets d'avion, l'affaire Buitoni, le cessez-le-feu à Marioupol, le retrait des Russes de Tchernobyl, le renseignement français qui perd son chef. Voilà, tout ça est là, c'est ouvert.

Êtes-vous plutôt favorable à la retraite à 60 ou 65 ans ?
Si c'est 60 ans, cela va être un souci personnel (il aura 60 ans le 25 mai 2022, ndlr). Je ne sais pas trop ce que c'est que la retraite en ce qui me concerne. Si la question est personnelle, je ne sais pas. Le jour où j'arrêterai de présenter le journal, ce ne sera pas forcément le jour de la retraite, je ferai peut-être d'autres choses après. Peut-être que je recommencerai à donner des cours, j'écrirai des bouquins, je ferai des documentaires... Et puis peut-être pas. Peut-être que j'arrêterai tout et j'irai vivre dans un monastère, je ne sais pas.

Ils ont dit
"Je n'ai jamais rencontré Nicolas de Tavernost"
Gilles Bouleau

Connaissez-vous Nicolas de Tavernost ?
Je ne l'ai jamais vu, jamais croisé, jamais rencontré. Mais je croise peu de monde et je connais très peu de monde. Je ne l'ai jamais salué, je ne le connais pas.

Cela ne vous a pas échappé, une fusion entre les groupes TF1 et M6 se prépare en coulisses. Avez-vous eu, pour le "20 Heures" et votre avenir, des garanties en cas de fusion ?
Je suis convaincu que TF1 restera ce qu'elle est, c'est-à-dire avec en ligne de mire l'ambition de proposer des journaux leaders, pour tous et qui donnent le la. Nos journaux ne nous appartiennent pas. Je suis locataire de ce siège. Il y en a eu avant moi, il y en aura après. Il y a une continuité. L'image de TF1 a plus de quarante ans. C'est un patrimoine immatériel. Cela dépasse la vie professionnelle d'un présentateur. Les excellentes chaînes américaines, ABC, NBC et CBS ont changé dix fois de propriétaires en quarante ans. Tout change mais rien ne change. Il peut y avoir des fusions, des rapprochements, mais à 18h30, vous regardez quand même le journal d'ABC News.

Ils ont dit
"Nous essayons de trouver des astuces de narration"
Gilles Bouleau

Travaillez-vous à des nouveautés pour le "20 Heures" à la rentrée ?
Le journal, c'est un chantier permanent. Tous les trois mois, on se réunit, on se dit : "Tiens, tu as vu telle nouveauté technologique, tel truc ou tel petit point que l'on pourrait améliorer". Le scoop, c'est que le journal de "20 heures" passera à 20h (sourire). Mais c'est vrai que chaque année, notre obsession, c'est de ne pas s'assoupir et s'endormir. Il faut essayer d'innover, essayer de trouver des astuces de narration et s'attacher les talents des meilleurs journalistes.

Un retour de "Le 20 Heures, le mag", interrompu en 2020 avec le choc de la crise sanitaire, est-il envisageable ?
Pourquoi pas. C'était une expérience très heureuse. Et j'ai des souvenirs quand je sortais, j'allais faire mes courses et les gens me disaient : "Votre journal, Gilles, c'est un peu dur, un peu âpre, on le regarde mais après j'ai vu le portrait de cette femme et j'ai beaucoup apprécié". Je suis très heureux que l'on ait joué cette petite musique. Quand la pandémie est arrivée, on a fait l'édition spéciale à 19h45, qui était aussi une sorte de déclinaison du navire amiral. Que nous réserve l'avenir ? Je ne sais pas.

Et sur la forme, des évolutions sont-elles attendues ? Un nouveau plateau par exemple ?
Un jour quand j'étais correspondant aux États-Unis, j'avais un copain qui travaillait à NBC, qui était le journal le plus regardé. J'avais pu voir le plateau de NBC. C'était une boîte à chaussures. Je lui avait dit : "Avec tout l'argent que vous avez, vous pourriez vous offrir le château de Malmaison, Versailles". Il m'avait répondu : "Mais non, le journal télévisé, ce n'est pas une salle de bal. C'est un écrin pour raconter les dernières 24 heures". Pas la peine d'avoir des cintres à vingt mètres de haut, ce n'est pas la course à l'écran géant. Nous avons un plateau qui est magnifique mais qui ne s'est jamais inscrit dans une course au gigantisme.

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