Le 24 février, le monde a retenu son souffle : la Russie de Vladimir Poutine a attaqué l'Ukraine de Volodymyr Zelensky. Aux premières loges de ce conflit qui s'enlise, BFMTV a réalisé son record d'audience historique le mois suivant. Dans la deuxième partie de notre entretien avec Marc-Olivier Fogiel, le directeur général de BFMTV fait le bilan de la couverture de cette guerre par sa rédaction.
A LIRE AUSSI : Marc-Olivier Fogiel (P1) : "BFMTV a franchi un cap en audience cette année"
Propos recueillis par Ludovic Galtier
puremedias.com : Vous l'avez cité, l'événement qui a chamboulé l'actualité en 2022 est sans aucune mesure la guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie le 24 février. Quels sont les angles que vous privilégiez désormais ?
Marc-Olivier Fogiel : Dès le 24 février, le conflit a occupé énormément de place sur l'antenne de BFMTV. On a créé des émissions spéciales, comme "Reporters de guerre", dans lesquelles les reporters racontaient comment ils travaillaient, cela éclairait différemment. Aujourd'hui, ce qui dicte la ligne éditoriale de BFMTV, c'est l'information et on ne la choisit pas. Nous ne nous sommes pas concentrés sur des niches, comme ont pu le faire des challengers parce qu'ils sont challengers. A BFMTV, nous traitons l'information telle qu'elle nous arrive. Quand il y a l'inflation, quand il y a la pénurie d'essence, la finale de la Coupe du monde, les gens viennent sur BFMTV pour être informés globalement. Sur l'Ukraine, cela oblige d'un coup à en faire un peu moins mais nous conservons toujours notre capacité à remonter très fort quand cela se justifie.
Combien de journalistes de BFMTV couvrent encore aujourd'hui l'événement sur place ?
Il y a toujours deux équipes sur place en permanence, voire trois. Pour la semaine des un an de guerre, on se prépare à délocaliser une émission là-bas avec Jean-Baptiste Boursier. La mort le 30 mai 2022 de notre journaliste Frédéric Leclerc-Imhoff a marqué toute la rédaction. Les équipes, qui partent sur place, poursuivent cette mission d'information essentielle. C'est remarquable.
Pour analyser un conflit international aux enjeux souvent complexes, comment choisissez-vous les intervenants en plateau ?
Avec Céline Pigalle (directrice de la rédaction, ndlr) et Nicolas Marut (directeur adjoint de la rédaction, ndlr), nous avons des consultants militaires, diplomatiques, de défense et avons par ailleurs étoffé notre équipe d'éditorialistes de politique étrangère. Exactement comme pendant le covid-19, assez vite, quand l'actualité a surgi, on s'est employé à scanner les meilleurs profils et établir avec eux des liens de consultants, ce que l'on a fait avec Michel Goya (militaire et historien français, ndlr), Jérôme Pellistrandi (rédacteur en chef de la revue "Défense Nationale", ndlr) et Sylvie Bermann (ambassadrice de France en Russie entre 2017 et 2019, ndlr).
En veillant à la pluralité des courants ?
En veillant surtout à l'expertise. A chaque instant où l'on regarde BFMTV sur ces sujets-là, le téléspectateur réceptionne des faits. Même s'ils ne sont pas journalistes, les experts doivent venir en plateau avec des faits, pas avec de l'idéologie. Il n'y a pas d'idéologie dans l'expertise. Ça valait pour le covid, ça vaut pour l'Ukraine.
L'international est devenu le thème référence de LCI en 2022. Et ça marche ! La chaîne a atteint 2,0% de part d'audience en octobre et novembre. Cette montée en puissance est-elle une source d'inspiration ?
Non, LCI est une chaîne challenger, qui comme CNews a trouvé un créneau sur un public différent, qui est un public sénior. BFMTV, c'est la chaîne de toute l'actualité et de tous les publics. Le positionnement de LCI est celui d'un challenger, ce n'est pas du tout le positionnement d'une chaîne d'info leader. Cela ne m'empêche pas de saluer leur travail. C'est un positionnement intelligent et bien fait mais ce n'est donc pas le nôtre.
Pourquoi BFMTV n'a t elle pas pris le virage de Twitch à l'image de RMC et RMC Sport par exemple dans le groupe Altice ?
On l'a fait au début sur les émissions politiques, pas assez après. On a commencé à faire les premiers Live Twitch sur le covid. On a été assez précurseur, puis on a un peu trop levé le pied.
Vous comptez réinvestir ce terrain-là?
Absolument.
Avec un projet en particulier ?
Celui d'être un peu plus réactif. Par exemple, le 12 décembre, on aurait pu avec l'interview exclusive, réalisée par Maxime Switek et Ulysse Gosset, d'Olena Zelenska, épouse du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avoir un prolongement sur Twitch. Nous devons retrouver ce réflexe-là que l'on a un peu perdu.
Au sujet du numérique, comment les rédactions de BFMTV et BFMTV.com travaillent-elles ensemble ?
On se vit comme une entité. Souvent, pour avoir vécu ça ailleurs, les rédac sont des rédac historiques, le web n'existait pas puis se sont créées des petites rédac à côté. L'histoire de BFMTV est différente, elle est plus récente. Le digital est arrivé en même temps que la chaîne. Les rédactions ont été construites et ont grandi ensemble à l'initiative d'Hervé Béroud. Il y a moins qu'ailleurs cette notion de deuxième rédaction qui est venue accompagner la première. Il y a deux rédactions qui ont grandi à côté et presque en même temps. Quand vous voyez les locaux du digital (130 à 150 journalistes, ndlr), c'est aussi grand que les locaux de la télévision. Ce n'est pas une sous-rédac, ce sont deux piliers d'une même rédaction. Les journalistes TV écrivent sur le web, les équipes du web viennent à l'antenne. Tout ça est conçu comme une seule et même rédaction.