Interview
Mouloud Achour (Clique TV) : "On veut une télévision bavarde mais qui ne hurle pas"
Publié le 9 novembre 2018 à 14:55
Par Florian Guadalupe | Journaliste
Passionné de sport, de politique et des nouveaux médias, Florian Guadalupe est journaliste pour Puremédias depuis octobre 2015. Ses goûts pour le petit écran sont très divers, de "Quelle époque" à "L'heure des pros", en passant par "C ce soir", "Koh-Lanta", "L'équipe du soir" et "La France a un incroyable talent".
L'animateur de Canal+ se confie auprès de puremedias.com à l'occasion du lancement de sa chaîne, Clique TV.
Mouloud Achour se confie à puremedias.com. Mouloud Achour se confie à puremedias.com.© Maxime Bruno/Canal+
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Le 4 novembre dernier, Mouloud Achour a lancé sa chaîne généraliste et musicale "Clique TV" au sein du bouquet Canal+, disponible également sur les box Free et Orange, ainsi que sur l'application MyCanal. Le groupe Canal+ a d'ailleurs annoncé que la chaîne sera gratuite et accessible à tous pendant tout le mois de novembre sur MyCanal. Cette nouvelle chaîne est dans la continuité de son émission dominicale "Clique dimanche", diffusée à 12h45 sur Canal+. puremedias.com s'est entretenu avec Mouloud Achour à l'occasion de ce lancement.

Propos recueillis par Florian Guadalupe.

puremedias.com : Pourquoi avoir créé cette chaîne de télévision ?
Mouloud Achour
: Quand on est un média un ligne, on est de plus en plus tributaire des décisions des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple, ndlr), des politiques restrictives de Facebook et des algorithmes de Youtube ou Google. J'ai la conviction que les trois quarts des médias en ligne actuels vont se retrouver sur le trottoir, qu'ils appartiennent ou pas à des grands groupes. Si demain les GAFA décident de couper ce qu'on appelle le "reach" (estimation d'une population touchée par une production sur le web, ndlr), on est mort. Aujourd'hui, beaucoup de médias vivent à travers le "brand content" (contenu sponsorisé, ndlr) ou à travers des opérations spéciales, mais ils sont trop dépendants des GAFA. Nous, comme on a la chance d'être dans un groupe qui est structuré avec une offre télévisée, j'ai eu le sentiment qu'il fallait revenir au linéaire. On nous raconte que tout se délinéarise et que l'avenir, c'est Netflix. Moi, ce qui me plaît chez Netflix, c'est qu'il arrive à cibler les gens. On s'était dit que si on avait une chaîne qui cible les gens, peut-être que ce n'était pas si con que ça. Peut-être qu'il fallait juste faire une chaîne de télé qui regarde les gens.

"On a besoin d'une télévision moins violente" Mouloud Achour

Quelle est l'origine de cette chaîne ?
Ca fait très longtemps que j'ai ça en tête, depuis que je suis parti de MTV. On avait une émission qui s'appelait "Mouloud TV", qu'on faisait avec Fabrice Eboué et Franck Gastambide. C'était déjà une boutade de se dire qu'on aurait notre télévision à nous. C'était toujours l'idée de se dire : "Pourquoi est-ce qu'on n'a pas une télé qui nous ressemble ?". On dit que les jeunes ne regardent plus la télé, mais en fait, c'est la télé qui ne regarde plus les jeunes. Ca parait simple à faire. On s'est dit qu'on allait essayer de le faire. On n'a pas de grands moyens, mais on a plein de gens ici qui ont plein d'idées. On va juste leur donner la parole. Les deux lignes de la chaîne, c'est parole et musique. On veut une télévision bavarde mais qui ne hurle pas. Aujourd'hui, quand on allume la télévision, tous les talk-shows, c'est du public, avec des lumières dans tous les sens pour capter l'attention des gens. Parce que les gens du marketing des chaînes de télévision disent : "A cette heure-ci, quand il y a un talk, les gens font la cuisine, ils ont leurs enfants qui crient. Alors, il faut que la télé crie encore plus fort". Je pense que si la télé apaise, ça peut faire du bien. On a besoin d'une télévision moins violente.

Quels sont les programmes de "Clique TV" ?
Il y a une quotidienne qui s'appelle "Clique Claque". C'est la descendante de ce que je faisais sur MTV. C'est présenté par Sébastien Abdelhamid et John Sulo, deux humoristes. Ils auront chaque semaine un invité spécial. Ca commence avec un jeune rappeur qui cartonne sur internet et qui s'appelle Koba LaD. Ils auront aussi Patrick Sébastien. La programmation est ultra-hétéroclite. Il y a Karim Bennani qui présente "Clique sport", un rendez-vous hebdomadaire. Chaque semaine il s'interroge sur une légende du sport. Il y a l'émission littéraire de Pauline Baduel, qui s'appelle "Tapage", où elle revient sur une page importante d'un roman avec son auteur. Il y a Mathieu Madénian, qui va faire un format dont on ne peut pas encore expliquer les contours. Ce sera un mec triste dans un monde de clown. Il y a aussi les artistes qui prennent la parole chez nous. Il y a une émission qui s'appelle "La clique de". Durant une heure et demie, les artistes invitent leur "clique" (bande, ndlr). On ouvre le bal avec le groupe de rap Sniper. Il y a aussi mon émission qui s'appelle "Passion conversation". Ce sont des face-à-face de 90 minutes. Les premiers seront avec Damso et Soprano. On proposera de nombreux reportages où on donne la parole à des artistes. Ils feront des très longs formats de 90 minutes. Le premier à commencer est Lacrim qui va au Bangladesh dans un camp de Rohingyas. Ce sont des choses qu'on n'a pas encore vues à la télévision. Ca fonctionne parce qu'on donne la parole aux artistes.

"Si on cumule le digital à notre audience à la télévision, on tape le million" Mouloud Achour

Avez-vous la volonté de recréer une sorte de MTV ?
C'est un mélange entre MTV, Canal et Radio Nova. C'est le fruit de toutes les expériences que j'ai pu avoir, parce qu'il y a eu du bien partout. Comme j'aime bien France Culture, il y aura l'ethnopsychiatre Tobie Nathan qui va présenter une émission où il psychanalyse des gens. L'idée est de ne pas cibler. Aujourd'hui, un directeur des programmes, c'est quelqu'un qui a fait des études, qui sait lire une étude marketing. Moi, je ne sais pas faire ça. J'ai en souvenir des propos d'Alain De Greef (ex-directeur des programmes de Canal+, ndlr) qui disait que quand il recevait les études à Canal+, il faisait tout le contraire. Aujourd'hui, personne n'a la liberté de faire ça à la télévision. Nous, on a la liberté de ne pas écouter les études.

Avez-vous un objectif d'audience à atteindre ?
Au début, personne ne comprenait ce qu'on faisait sur "Clique". Tout le monde disait qu'on était au placard quand on était sur internet. Aujourd'hui, on a un vaisseau-amiral viral et très puissant. L'idée, c'est de ne pas dissocier les écrans. Notre puissance sur internet est compatible avec notre audience à la télévision. Aujourd'hui, quand on prend une émission comme "Clique dimanche", qui fait des scores "OK" sur Canal+. En vérité, ces scores sont multipliés par dix. Il suffit de taper par exemple SCH sur Google, notre invité la semaine dernière dans "Clique dimanche". En 48 heures, on est monté à 800.000 vues. Si on cumule avec notre audience à la télévision, on tape le million. C'est une autre façon de consommer la télévision parce qu'on touche d'autres gens. Bientôt toutes les chaînes de télévision vont calculer comme ça. Si on regarde les audiences des talks en access, vous voyez bien qu'une bonne audience aujourd'hui est une très mauvaise audience il y a cinq ans. Nous, on a été les premiers à faire les frais de cette mauvaise audience. On a commencé très très bas mais on monte petit à petit. On multiplie ça avec notre puissance virale. Aujourd'hui, si dans "Clique dimanche" on arrive à avoir un casting prestigieux, c'est parce que les invités savent qu'ils sont très vus. Ils sont très vus grâce à la puissance digitale de "Clique". Maintenant, les deux vont ensemble.

Clique TV sera donc la continuité de "Clique dimanche".
Exactement. La chaîne sera dans la continuité de l'éco-système "Clique". On a un enseignement tiré de Canal+. C'est le clair et le crypté. Sauf que notre clair, c'est internet. Il y aura énormément de contenus gratuits. Mais si vous voulez prolonger l'expérience, il faut aller sur la chaîne.

"Quand on a une audience qui s'écroule, on flatte l'audience qu'on a" Mouloud Achour

"Clique dimanche" se démarque par la diversité des invités présents autour de la table. Que cherchez-vous à créer en mettant à côté des artistes urbains et des personnalités plutôt grand public ?
On essaye d'avoir tout le monde. Moi, j'étais fan des castings d'invités de Thierry Ardisson. Je n'ai pas honte de dire que ma culture, je l'ai faite par "Nulle part ailleurs". C'est l'émission qui m'a donné envie d'être curieux. A l'époque de "Nulle part ailleurs", il refusait le mélange des genres entre politique et artiste. Souvent la parole politique est trop biaisée et ça ne donne lieu qu'à du clash. Aujourd'hui, les artistes qu'on invite représentent la société actuelle. Lacrim est beaucoup plus populaire qu'énormément d'acteurs et de bons clients que l'on voit à la télévision. Ce sont des gens qui ont leur place sur les plateaux. Quand on reçoit SCH, on ne le reçoit pas comme un rappeur extraterrestre. On le colle à Virginie Efira et Tobie Nathan et il y a un échange réel qui est en train de se passer. Le monde actuel, il est fait par des gens qui ne ressemblent pas à ce qu'on voit à la télévision. Les stars actuelles, elles sont découvertes sur Youtube, sur les plateformes de streaming. Il faut arrêter de les présenter comme des phénomènes, mais comme des choses qui passionnent les Français.

Les rappeurs ne sont pas non plus enclins à aller sur ces plateaux télés.
Ils sont souvent maltraités. Ils sont pris pour des extraterrestres. On leur fait encore des signes de gang. Des "wesh", des "yo", des blagues. En fait, ils n'ont rien à faire là-bas. La plupart des rappeurs qui viennent ici savent qu'ils ont des codes qu'on comprend. Ils n'ont plus envie de se faire maltraiter sur les plateaux télés. Mais c'est aussi une question de génération. Quand le rock'n'roll est arrivé en France, Léon Zitrone savait très mal en parler. C'est en fait la même chose. Il y a un "switch" de culture. Ce n'est pas normal : je suis le seul président de chaîne qui est plus jeune que le président de la France. Il faut qu'il y ait un renouvellement. La télé, si elle est en perte de vitesse et que les jeunes ne la regardent plus, c'est que les jeunes ne la font pas.

En face, les médias dits "mainstream" ne sont-ils pas aussi réfractaires à ce type de musiques ?
C'est une question de cible. Aujourd'hui, quand on prend la moyenne d'âge des émissions de talk ou des émissions grand public, ça dépasse souvent les 50-55 ans. Ce sont des gens qui ne vont pas être réceptifs au rap. Quand on a une audience qui s'écroule, car la télé est de moins en moins regardée, on flatte l'audience qu'on a. Souvent, on a une vision "court-termiste", on décide de flatter son public plutôt que d'aller en chercher un autre. Donc, je comprends que l'on n'invite pas des rappeurs.

Pourrait-on imaginer à la télévision une émission comme "Rentre dans le cercle" présenté par le rappeur Sofiane sur Youtube ?
C'est prévu. Ca va arriver sur "Clique". C'est mon petit frère qui travaille avec lui sur la production. Oui, c'est prévu.

"Quand on voit des offres comme Salto, ça ne fait pas envie" Mouloud Achour

Vous collaborez aussi avec des youtubeurs sur votre site. Vous avez donné carte blanche à Will Aime, Jimmy Labeeu et entre autres Maskey. Pourquoi en voit-on si peu à la télévision ?
On ne sait pas leur parler. Quand on voit aujourd'hui Maskey, il a plus d'un million d'abonnés, il est plus puissant que certains médias. Maskey, on a eu le coup de coeur tout de suite. Souvent, quand on invite des youtubeurs, la seule question qu'on leur pose, c'est "Comment vous gagnez votre vie ?", parce qu'on les prend pour des "branleurs". Alors qu'aujourd'hui, être vidéaste sur Youtube, c'est énormément de travail, c'est énormément de passion, c'est énormément de risques. On s'expose à la violence des commentaires et à de possibles moqueries. C'est pour ça que Maskey est masqué. C'est hyper dur comme métier youtubeur. Ce n'est vraiment pas des blagues. Il y en a très peu qui en vivent. Je suis épaté par leur créativité et leur professionnalisme. Il y a une magie qui est en train de s'opérer et c'est pour ça que la chaîne Clique TV est un écrin pour eux. Ils savent qu'ils peuvent venir n'importe quand faire ce qu'ils ont envie. On discutait avec Hakim Jemili, qui est un gros youtubeur. Il n'a qu'une envie, c'est de venir. Il est venu dans mon bureau, ça a duré dix minutes. C'était réglé. On a écrit un concept et ça sera à l'antenne.

Est-ce que la télévision doit craindre l'essor de ces plateformes vidéo comme Youtube ?
La télévision doit craindre son vieillissement. La télévision devrait normalement ne rien craindre. Elle devrait accepter. Ce sont des mots qui ne vont pas ensemble normalement. Là on a une télévision de peur. Elles sont toutes en train de se concentrer. Netflix leur fait tellement peur. Quand on voit des offres comme Salto, ça ne fait pas envie. Il faudrait être inventif, pas craintif. La télévision devrait accepter la jeunesse. C'est le moment si elle veut perdurer. C'est pour ça qu'on a réussi à faire cette chaîne. Il a fallu expliquer ça depuis la naissance de Clique, c'est-à-dire il y a cinq ans. Notre url, c'est ".tv". Depuis le début, on savait qu'on allait arriver là. On a la chance que Canal nous ait compris. Mais on a mis du temps à leur expliquer.

"Nous ne sommes pas des bisounours" Mouloud Achour

Concernant votre style d'interview, vous allez rarement dans la confrontation. Êtes-vous contre les clashs et les polémiques ?
Dans la confrontation, il ne se dit rien. On a envie qu'ils se disent des choses. Sur la chaîne de télé, on rediffuse des émissions et des contenus qui ont été faits il y a plus de trois ans et qui sont encore actuels, parce qu'on s'intéresse sur le sens. Le sens, on l'avait dans l'émission de Bernard Pivot. On l'avait dans "Radioscopie" de Jacques Chancel. On peut réécouter aujourd'hui les émissions de Jacques Chancel sans problème. On a envie de cette excellence. Un des plus beaux conseils que l'on m'a donné, c'est Laurent Bon, le producteur de "Quotidien", qui m'a dit : "Il faut aimer ce qu'on fait et il faut tout faire pour être le meilleur". C'est quelqu'un qui fait de la télévision sans cynisme. Si on allait au clash, on ne retiendrait que du bruit.

Mais n'y a-t-il pas trop de bienveillance ?
Il n'y en a jamais assez. Pourquoi est-ce qu'il y en aurait trop ? Il y a une différence entre bienveillance et niaiserie. Nous, on n'est pas dans la niaiserie. Quand on a sur le plateau Joeystarr et Beigbeder ( les invités du prochain "Clique dimanche", tourné jeudi 8 novembre, ndlr), on parle de sujets très sérieux. On n'est pas naïfs. On aborde les attentats, la paternité, le problème politique des cheveux afros. Ce sont des choses qu'on n'entend pas à la télévision. On a parlé de drogues, de repris de justice. A aucun moment, il n'y a eu de cris ou d'invectives. Finalement, on aborde des sujets très lourds sans être léger. Souvent, bienveillance, c'est bisounours. Nous ne sommes pas des bisounours.

Vous êtes souvent assez proches de vos invités. Ne risquez-vous pas de tomber dans de la connivence ?
En fait, je ne les connais pas. Je les ai beaucoup reçus, mais je ne les connais pas. Mon meilleur pote, il est à côté de vous, il s'appelle Couscous, c'est un chien (rires). L'autre, il s'appelle Marc, il présente une émission sur la chaîne. J'ai les mêmes potes. Je ne fréquente pas le showbiz. Mes copains, ce sont ceux avec qui j'ai travaillé. Par la force des choses, il y a des gens que j'ai beaucoup reçus. Mais ça s'arrête là. C'est Michel Denisot qui m'a appris ça. Tu peux recevoir quelqu'un souvent, mais on n'est pas obligé d'aller faire la fête ensemble après. C'est plutôt du confort. Je ne pense pas qu'on voie Joeystarr à "Clique dimanche" comme on le voit dans les autres émissions. Il sait qu'il n'est pas reçu comme un animal de foire. Comme Beigbeder, il a pu développer sa pensée. On n'est pas allé sur l'excentricité. Il n'était pas dans son personnage désinvolte.

"Les réseaux sociaux sont liberticides pour les médias, c'est un piège" Mouloud Achour

Parlons un peu audiences. L'émission "Clique dimanche" ne fait pas des scores incroyables. Comment arrivez-vous à conforter votre émission à Canal+ ?
Il faut savoir qu'on ouvre le clair. Pour une émission qui ouvre le clair et vu les audiences de Canal, on s'en sort pas mal. Surtout on multiplie par dix sur le digital en moins de 24 heures. Aucune émission de télévision ne fait ça. Donc, ils sont très contents.

Mais une chaîne négocie ses pages publicitaires en partie via ces audiences. Il n'y a pas un souci avec les annonceurs ?
Une émission comme "Clique dimanche", c'est le rêve pour les annonceurs, avoir cette viralité et cette puissance en ligne sur des cibles qu'ils n'arrivent plus à toucher à la télévision. Donc, on n'a aucun problème là-dessus. Aujourd'hui, plus personne ne pense la télévision sur les audiences de 9h du matin. Vous êtes les derniers à le faire, parce qu'il faut le faire...

C'est quand même très regardé par les chaînes de télévision chaque matin.
Oui, mais c'est regardé pour certaines cibles. Pour les nôtres, ce qui compte, c'est ce que l'on va faire au global. Ce sont les audiences cumulées. Vous allez voir que bientôt ils ne vont penser qu'au cumulé. Ca va arriver avec la réforme de l'audiovisuel public. C'est comme ça que l'on va communiquer. Aujourd'hui, Netflix ne communique jamais les audiences de ses programmes. On ne connait plus que leur nombre d'abonnés. Donc, ça ne sera plus un sujet. Les prochains sujets ne seront plus l'audience, ce sera la pertinence et l'engagement. C'est ça qui va intéresser les annonceurs.

Vous avez quand même une place assez rare à la télévision aujourd'hui...
Parce que c'est aussi l'histoire de Canal+. Des talents comme Omar et Fred, ils ont été développés pendant quinze ans. En 2003, Omar et Fred étaient au placard et tous les jours, ils faisaient un pilote d'émission différent. C'est un trésor. Ce truc-là a été passé quand plus personne ne croyait en Omar et Fred sauf Canal. Ils étaient sur la chaîne depuis 1998. Omar et Fred, ils ont décollé vraiment en 2010. Vous imaginez le temps pour développer un talent. Arielle Saracco, qui est aux programmes à Canal, m'a dit un jour que la télévision, c'est un doudou. Il faut que les gens s'habituent. Mine de rien, on existe depuis trois ans à la télévision. Ce n'est pas beaucoup. Les gens commencent à s'habituer à nous.

Si vous fonctionnez mieux sur internet, pourquoi lancer une chaîne à la télévision et pas uniquement sur le web ?
Le web est détenu par cinq puissances économiques qui, demain, peuvent décider de notre mort. On a voulu être dans un écrin, qui est celui du groupe Canal+, pour être à l'abri de cette décision-là. Si demain Facebook décide qu'on n'est pas pertinent, parce qu'un autre média aura acheté plus que nous, on sera mort. Et vous aussi ! Et vous le savez ! On est tous en train de se demander comment garder notre audience sur internet. Tout le monde pensait qu'internet était un espace de liberté où on pouvait tous exister sur le même plan. Mais maintenant, ça ne fonctionne qu'en post sponsorisé et en achat d'espaces. Ca devient encore plus restrictif que la télévision. Les réseaux sociaux sont liberticides pour les médias. C'est un piège.

"Si Emmanuel Macron est prêt à s'adresser à la jeunesse, qu'il le fasse sur une chaîne qui est faite par des jeunes" Mouloud Achour

Quelle est la personnalité que vous rêvez de recevoir sur votre chaîne Clique TV ?
Emmanuel Macron. Il est le bienvenu. S'il est prêt à vraiment s'adresser à la jeunesse, qu'il le fasse sur une chaîne qui est faite par des jeunes. On peut même lui donner des conseils pour le service public. Même pour la francophonie. On est une chaîne qui incarne la francophonie dans le monde entier. Aujourd'hui, les contenus de "Clique" sont vus à 60% à l'extérieur de la France. On représente une France et une culture française qui est la réalité. Cette France qui est multiple, qui est métisse, parle à l'extérieur du monde. Quand Kanye West prend la parole, c'est chez "Clique" et ses contenus font le tour du monde. Quand Justin Bieber vient chez nous, on a de la reprise dans la presse internationale. Dans le monde et aux Etats-Unis, on est un média incontournable. En France, on nous classe comme un média urbain. C'est quand même fou. Si Emmanuel Macron veut venir dans un média incontournable, qu'il vienne. On lui posera de vraies questions. On ne lui demandera pas s'il préfère les frites ou les pâtes (rires).

Est-ce que vous vous interdisez de recevoir des personnes que vous n'appréciez pas ?
Non. Pour moi, la seule limite, c'est l'antisémitisme, l'islamophobie et l'homophobie. Les gens qui prônent la haine ne sont pas les bienvenus chez nous. C'est notre seule limite. Il y en partout sur les plateaux télés, les racistes en tout genre.

Récemment, une pétition a été lancée par Hapsatou Sy pour interdire Eric Zemmour dans les médias. Il n'est clairement pas dans la ligne de Clique TV. Pourriez-vous l'inviter ?
Je pense qu'il ne faut pas l'interdire. Il faut le confronter, le travailler. Il faut lui mettre les bonnes personnes en face, pas des caricatures. S'il acceptait le débat contradictoire avec quelqu'un qu'on aurait choisi, on pourrait l'inviter. On n'est pas racistes contrairement à certains. Je pense à lui. Contrairement à lui, on n'est pas raciste.

Est-ce qu'il ne manque pas une ligne directrice dans le groupe Canal+ ? Votre émission qui est dans le long entretien se retrouve dans le même univers que "L'heure des pros" sur CNews dans la polémique et "Touche pas à mon poste" sur C8 dans le buzz.
Vous parlez de trois chaînes différentes, avec trois histoires différentes et trois directions différentes. Ce ne sont pas les mêmes chaînes. Et moi, maintenant, j'ai ma chaîne à moi. On n'est pas sur les mêmes médias et on ne fait pas les mêmes choses. S'il y a une émission proche de nous sur Canal+, c'est "21cm" d'Augustin Trapenard. Si vous regardez ce qu'il se passe sur Canal+ décalé, c'est une ligne très cohérente. C'est comme si vous demandiez aux chaînes de France Télévisions d'être les mêmes. Vous avez tout sur le groupe Canal+. C'est un groupe de télévision. Ce n'est pas une équipe de foot.

"Pourquoi l'homme blanc de plus de 50 ans n'aurait rien à dire à la femme noire de 25 ans ?" Mouloud Achour

Comprenez-vous que les médias vous assimilent uniquement à la diversité ?
Mais c'est parce que je m'appelle Mouloud Achour en fait. C'est aussi simple que ça. Pendant longtemps, on ne me donnait pas de nom de famille. Et après, on me disait que je faisais une émission sur la diversité alors qu'on a reçu des gens de tous les univers, de tous âges, de tous les milieux sociaux et de tous types de pensée. Je pense qu'il faut habituer les gens. Quand quelqu'un s'appelle Mouloud Achour, ce n'est pas forcément un comique. Mais ça viendra ! Aujourd'hui, Karim Rissouli présente "C Politique" sur France 5. Il s'est fait un nom. Les choses sont en train de changer. Je ne suis vraiment pas dans un discours victimaire. Je pense que c'est à nous d'éduquer les gens. Mais en vérité, la diversité, c'est la majorité. Ce qu'on appelle la minorité, c'est la majorité des Français. C'est la télévision qui fait croire que les Français sont divisés et racistes. Les Français, c'est un peuple accueillant. Il y a des débordements, il y a des errances politiques, mais il y a un moment, il va falloir les rassembler. Sinon, on va vraiment droit dans le mur. C'est effrayant comment c'était normal pour les médias que Marine Le Pen soit présente au deuxième tour de la présidentielle. Là, on réalise un documentaire sur Jacques Chirac, sur le séisme de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour. Quand on voit l'émoi et l'effroi de l'arrivée de Le Pen au deuxième tour, là Marine Le Pen, pour les médias, c'était normal. Mais ce n'est pas elle qui s'est normalisée, ce sont les médias qui l'ont normalisée. Pourquoi ? Parce qu'elle fait de l'audience, c'est tout ! Les médias et la télé sont trop acquis à la cause de l'audience. C'est pour ça que les Français ne la regardent plus. La perte de confiance entre les Français et les médias, elle s'exprime à une seule chose : Pour les Français, les médias sont faits par les élites, pour les élites. Donc, ils ne les regardent pas et la confiance n'existe pas.

Cette diversité dans les médias doit-elle passer par une politique de chaîne comme celle de Delphine Ernotte à France Télévisions avec une mise à l'écart progressive des hommes blancs de plus de 50 ans ?
Non, parce que les hommes blancs de plus de 50 ans font partie de la diversité et font partie de la France. Il faut juste mettre tout le monde ensemble et ne pas séparer les gens. Pourquoi l'homme blanc de plus de 50 ans n'aurait rien à dire à la femme noire de 25 ans ? Il faut les réunir, il ne faut pas les séparer.

Sauf que pour la présidente de France Télévisions, c'était justement un argument pour mettre en avant la diversité à la télévision qui serait absente sur ses antennes.
Qu'elle nous appelle, on va produire des programmes. On sait faire. (rires)

"J'ai un message pour Delphine Ernotte" Mouloud Achour

Depuis la reprise en main par Vincent Bolloré du groupe Canal+, vous avez vu disparaître "Le grand journal", "Le zapping", "Le supplément" et d'autres émissions historiques comme "Les guignols". Que vous a inspiré la disparition de ces programmes ?
Déjà, il se trouve que la disparition de "Clique" a commencé avant Vincent Bolloré. On s'est fait virer avant. On est revenu par le biais du digital et on a été rappelé parce qu'on faisait de bonnes audiences sur le digital. La disparition de ces émissions... Déjà, ce sont des amis. Si je n'avais pas eu les équipes de "Quotidien", "Clique" n'existerait peut-être pas, parce qu'on a lancé "Clique" au "Petit journal". Pendant longtemps, Yann Barthès nous avait accueilli pour qu'on vienne réaliser les entretiens de "Clique". Ali Baddou, c'est l'un de mes meilleurs amis. On a fait nos classes ensemble au "Grand journal". Donc, forcément, c'était douloureux et compliqué. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, aujourd'hui une émission comme "Clique dimanche" ou "Le gros journal", avec les invités qu'on a eus, aucune autre chaîne n'aurait pu le faire. A partir du moment où ce pacte de liberté est scellé, je n'ai aucun problème. Pour l'instant, personne ne m'a fait une remarque sur rien alors qu'on a reçu des gens décrits dans la presse comme de dangereux gauchistes, comme Edouard Louis ou Geoffroy de Lagasnerie. On a été les seuls à se mobiliser sur l'affaire Traoré. On a incarné des luttes sociales. On a invité des penseurs comme Alain Badiou. Des gens qu'on ne voit pas à la télévision. Cette liberté n'a pas de prix et n'est pas négociable pour nous. Tant qu'on a cette liberté, on reste et on est très bien. Et c'est Maxime Saada qui nous a demandé de rester, car nous faisions une bonne audience sur internet. Il nous a laissé le temps de créer, de devenir un vrai média. Nous sommes restés fidèles a Canal+, même pendant des périodes difficiles, on a gardé notre cap et continué à travailler. Et aujourd'hui, on voit que la roue tourne pour le groupe, c'est important d'être solidaire et reconnaissant envers ceux qui nous ont portés.

Est-ce que l'esprit Canal existe encore à Canal+ ?
En tout cas, il y a un esprit Clique qui est en train de naître. A la mort de Philippe Gildas, Dominique Farrugia a dit une phrase : "Il n'y a pas un esprit Canal, il y a des esprits Canal". Clique est la réunion de plusieurs esprits. On espère qu'on fera naître un esprit Clique.

Philippe Gildas est décédé au mois d'octobre dernier. C'est une page de l'histoire de la télévision qui s'est tournée ?
J'ai pensé très fort à Antoine de Caunes. J'ai pensé très fort à Laurent Chalumeau qui est la dernière personne à m'avoir donné des nouvelles de Philippe. Vraiment, c'est grâce à "Nulle part ailleurs" que j'ai eu de la curiosité. S'il y a un mot qui peut résumer l'esprit Canal, c'est curieux, comme "Nulle part ailleurs". "Nulle part ailleurs", c'est vraiment les trois mots qu'on se répète tous les jours quand on décide de ce qu'on va faire sur Clique TV. Tout le temps, on essaye de voir ce qu'il y a nulle part ailleurs. J'ai un message pour Delphine Ernotte. Le problème, ce n'est pas la diversité mais l'originalité. On a besoin de l'originalité. Et la diversité, ça fait partie de l'originalité. Il y a un boulevard pour les nouveaux producteurs. Donc, si vous ne savez pas quoi faire sur votre chaîne, appelez-nous, on en a créé une, on peut vous aider pour les vôtres (rires). J'espère que le message est passé. Moi, c'est grâce à un homme blanc de plus de 50 ans que j'ai été découvert. Michel Denisot, il m'avait mélangé avec Yann Barthès, Ali Baddou, Omar et Fred, Ariane Massenet, Jean-Michel Aphatie. C'est ce qui a fait que la sauce du "Grand journal" a pris. C'est la France !

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