Interview
Viola Davis ("Murder") : "J'étais terrifiée par le côté sexuel du personnage"
Publié le 30 juin 2015 à 16:52
Par Prune P.
L'actrice est l'héroïne de la nouvelle série que M6 lance ce soir en première partie de soirée. Interview.
"Murder" arrive ce soir sur M6 © DR
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Avant d'intégrer sa case du mercredi soir en deuxième partie de soirée, après "Qui est la taupe ?", M6 dégaine ce soir en prime time les quatre premiers épisodes de "Murder". Portée par Viola Davis, nommé aux Oscars pour ses rôles dans "Doute" et "La Couleur des sentiments", elle suit une prof de droit qui ne recule devant rien - absolument rien - pour innocenter ses clients et qui enseigne ses préceptes à des étudiants, dont quelques heureux élus qu'elle prend en stage. Mais quand ils se retrouvent impliqués dans une affaire de meurtre, tout se complique... A l'occasion de l'arrivée de la série sur M6, l'actrice évoque ce rôle rare et sexuel, la diversité à la télévision ou encore le fait qu'on travaille parfois sur des projets de faible qualité...

Propos recueillis par Benoît Daragon.

Quelle a été votre première réaction quand vous avez lu le premier script de "Murder" ?
J'ai adoré. Mais j'ai adoré pour moi. J'ai adoré parce que je ne reçois pas ce genre de scripts, avec un personnage sexy, mystérieux, attirant... Ces adjectifs ne s'appliquent pas à moi dans les scripts qu'on m'envoie habituellement. D'ailleurs, quand j'ai commencé ma carrière, dès que je voyais "attirante" dans la description d'un personnage, je savais que le rôle n'était pas pour moi. Et ce n'est pas parce que je pense que je ne le suis pas ! Mais quand je me rendais à l'audition, je voyais les autres femmes qui étaient en compétition, et je savais qui allait décrocher le rôle. Donc j'ai trouvé le script de "Murder" fabuleux. Et j'étais prête.

"J'étais terrifiée par le côté sexuel du personnage"

Vous n'étiez pas inquiète du côté très sexuel du personnage ?
Si, j'étais même terrifiée ! Mais tout le monde est terrifié par les scènes de sexe. Je vais vous dire un truc : les acteurs mentent quand ils disent qu'ils sont à l'aise avec ce genre de choses. Mais quand on tourne une scène de sexe, il y a toute une équipe autour. Quand vous avez des rapports sexuels, y a-t-il toute une équipe devant vous ? Donc on se retrouve à faire quelque chose de très, très privé - en public. C'est normal qu'on soit mal à l'aise. Et c'est une bonne chose. C'est le cas pour tout le monde.

C'est pareil quand on pleure ? Vous pleurez souvent dans la série !
Ma fille me dit "Maman, tu arrives dans une pièce, tu hurles sur les gens, tu es méchante, puis tu pleures"... (Rires)

Le personnage est très changeant, effectivement. Comment se prépare-t-on ?
Ca dépend du script du jour. Quand on travaille en télé, il faut toujours un peu de temps pour s'approprier le personnage. Parce que le rythme fait qu'on n'a pas le temps de faire ce travail. Le personnage d'Annalise est très extrême. Et je me suis dit que si elle était si extrême dans sa vie professionnelle, elle devait l'être autant dans sa vie privée. Elle est peut-être un peu bipolaire. Donc je lui ai créé un passé, comme tous les acteurs le feraient. Des secrets. Toutes les femmes que je connais qui sont aussi extrêmes ont été abusées sexuellement. Ca impacte toutes les relations qu'elle développe.

"Je ne suis pas une grande fan des rebondissements"

Comment qualifiriez-vous les relations qu'elle entretient avec ses collègues, ses élèves... ?
Avec certains des étudiants, je sais très bien ce qui les lie. Avec d'autres, j'ai dû inventer, parce que ça n'a pas encore été écrit. Avec Wes par exemple, ce que j'ai créé, c'est qu'il est comme mon personnage, il était sur liste d'attente. Il se sert de son charme et de son intelligence. Et il est sans doute l'enfant qu'elle aurait aimé avoir. Donc elle essaie de le protéger - mais elle ne sait pas comment faire en réalité. Il y a des femmes qui n'ont pas cet instinct maternel. Elles ne savent pas développer une connexion. C'est pourquoi, quand elle le touche, ça paraît sexuel.

Il y a énormément de rebondissements dans la série : vous êtes souvent surprise ? Vous adhérez à tous ?
Je ne suis pas une grande fan des rebondissements... Je suis sans doute dans la mauvaise série ! (Rires) Mais j'ai parfois du mal à suivre tout ce qui se passe. Je suis un peu lente sur ce point. Je lis même lentement ! Il faut que je revienne en arrière, etc. Mais il y a eu des rebondissements que j'ai aimés dans la première saison, oui. J'étais juste incapable de les deviner avant de les lire.

"Je comprends les critiques dont Shonda Rhimes fait l'objet"

Shonda Rhimes est l'une des productrices les plus puissantes des Etats-Unis. Elle produit "Murder" et elle a un rôle très important dans la représentation de la diversité sur le petit écran...
Je l'adore. Je comprends les critiques dont elle fait l'objet. Mais ce que j'apprécie, c'est qu'elle essaie de faire avancer les choses. Et ceux qui font avancer les choses ont toujours beaucoup de détracteurs. On peut critiquer certains choix narratifs, mais ce qu'elle essaie de faire, au fond, c'est de redéfinir la femme de couleur à la télévision. Je viens de l'école Juilliard, j'ai des goûts très cérébraux, j'aime Tchekhov, Shakespeare et George Bernard Shaw. Ce sont des auteurs que j'ai dévorés quand j'étudiais. Et j'ai toujours su que les personnes de couleur étaient compliquées. Mais quand je lis un script et qu'il n'est pas précisé qui est noir, j'arrive à le deviner. Ce sont des personnages qui disent toujours ce qu'ils pensent, qui ont toujours de la répartie ou des valeurs très morales. Avec Shonda, ce n'est pas comme ça. Elle prend tous les stéréotypes et crée quelque chose d'autre. On peut reprocher par moments la façon dont c'est fait, mais au moins, c'est différent. Moi, j'apprécie cette démarche.

Vous faites part de vos remarques aux scénaristes de "Murder" quand vous recevez les scripts ?
J'ai toujours un mot à dire. Mais en télé, ça va si vite qu'il est difficile de suivre tout ce qui se passe. Donc il faut faire tout ce qu'on peut. Au cinéma, on a le temps de critiquer. Quand on est producteur et qu'on ne joue pas, aussi. Mais à la télé, on tourne un épisode en 8 à 10 jours. Je suis dans beaucoup de scènes donc je tourne toute la journée, toute la soirée. Le septième ou le huitième jour, on reçoit le script de l'épisode suivant mais on tourne encore toute la journée. Donc on peut changer peu de choses. J'aimerais pouvoir revenir en arrière et changer 15 millions de choses, mais c'est impossible.

"Sur les grandes chaînes, il y a une vraie censure"

La première saison ne compte que 15 épisodes, à votre demande...
J'ai essayé de les convaincre de n'en faire que 13 ! (Rires) Mais je veux continuer à faire du cinéma. Et j'en ai beaucoup en projet. J'adore tourner pour le cinéma, j'adore le rythme, j'adore le fait qu'on peut prendre plus de risques...

On n'a pas plus de liberté à la télé, notamment sur le câble ?
Sur le câble, c'est vrai. Mais sur les grandes chaînes, il y a une vraie censure. On ne peut pas montrer toutes les parties du corps, il y a des mots qu'on ne peut pas employer, donc la télé sur les grandes chaînes est plus restrictive. Mais au cinéma, les choses sont différentes. Il ne faut pas que tout soit beau, qu'on aime les personnages. Julianne Moore peut se faire pipi dessus dans "Still Alice" parce qu'elle n'a pas trouvé les toilettes. A la télé, on l'aurait filmée en gros plan, en train de regarder vers le bas, et on en aurait déduit l'action. Mais sur le câble, effectivement, il y a de vraies opportunités. C'est pourquoi des actrices fantastiques comme Glenn Close, Sally Field ou Kyra Sedgwick y vont. Maintenant qu'elles ont plus de 40 ans, elles ont moins d'opportunités au cinéma et le câble leur offre des rôles écrits pour elles.

"Je ne peux pas me permettre de quitter Hollywood"

Face au manque de rôles, vous n'avez jamais pensé à quitter Hollywood ?
Je peux comprendre qu'on le fasse quand on a la notoriété de Sandra Bullock ! Mais moi, je ne peux pas me le permettre ! (Rires) Je ne peux pas dire "Je quitte Hollywood pour me consacrer au théâtre pendant les 20 prochaines années". Et puis, je trouve que ça serait un peu lâche. J'aime le challenge. J'ai créé ma société de production, mon mari et moi avons des projets très bons en développement. Ce serait lâche de me plaindre "Je n'ai que des rôles de domestique, les séries ne marchent pas..." J'ai le sentiment que c'est aujourd'hui à moi de prendre le relai et de faire ma part du chemin.

Ca consiste en quoi, exactement ?
Ca passe par ma société de production. On m'envoie énormément de choses. Des scénarios géniaux écrits par des gens inconnus. Et la seule façon que j'ai de les aider, c'est d'avoir un nom. Quand on n'a pas un nom à Hollywood, et qu'on n'est pas bankable, on ne peut rien faire. Alors bien sûr, je ne peux pas mettre en marche un film à 10 millions de dollars, mais j'ai mon mot à dire. "Murder" et mon prochain film "Suicide Squad", ça me permet de rester visible et attractive. C'est peut-être élitiste de le dire, mais tant pis : 99% des gens ne comprennent pas du tout le business, et je parle même des acteurs. On accepte un rôle pour plein de raisons autres que le rôle en soi. Et souvent, on n'a rien à dire sur la qualité du rôle. Il y a 500.000 acteurs dans le syndicat Screen Actors Guild, mais moins de 700 d'entre eux gagnent plus de 50.000 dollars par an. Et une toute petite quantité travaille sur des projets assez bons pour être nommés aux Oscars. La plupart n'ont pas la chance d'avoir un bon script. Donc on se retrouve à faire du mieux qu'on peut avec de mauvais dialogues. Et il faut être aussi bon que possible. Parfois, on accepte un rôle pour continuer à être vue, parfois pour l'argent, parfois pour le réalisateur. Et c'est en navigant à travers tous ces choix qu'on construit sa carrière. Voilà ce que je fais depuis 27 ans !

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