Aude Lancelin , l'ex-numéro 2 de "L'Obs" évincée en mai dernier, était l'invitée de l'interview quotidienne de Léa Salamé hier matin dans la matinale de France Inter. L'occasion pour la journaliste de revenir sur un licenciement qu'elle qualifie de "purge politique".
"Il n'est pas admissible que des purges de cette nature puissent exister dans notre pays"
Celle qui était jusqu'au mois dernier en charge des pages "Débats" de l'hebdomadaire de gauche avait jusqu'alors décidé de ne pas commenter son départ prématuré. "Il est temps de donner ma version des faits, c'est un sujet d'intérêt général. Qu'à un an d'une élection présidentielle on puisse débarquer de façon aussi brutale et inédite la numéro 2 du premier hebdo de gauche de France intéresse, je pense, le public", a-t-elle déclaré hier matin.
Quelques jours après son éviction, une quarantaine de personnalités et de journalistes avaient décidé de cosigner une tribune dans Libération pour dénoncer un "licenciement très politique". Une vision que l'ancienne numéro deux partage désormais. "Il n'est pas admissible que des purges de cette nature puissent exister dans notre pays. Je tiens à dire que l'ensemble des sociétés des rédacteurs du groupe le Monde (Le Monde, La vie, Télérama, L'Obs) donne des raisons politiques, ouvertement politiques à mon éviction. Ils dénoncent la connotation politique assumée par un actionnaire", a-t-elle confié. "Nous avons des preuves que l'actionnariat du groupe est intervenu dans cette affaire. Elle est devenue réellement, pleinement politique, à partir du moment où Claude Perdriel (l'un des fondateurs et actionnaires de l'hebdomadaire) a donné des raisons politiques à mon éviction. Il l'a fait en Conseil de surveillance (...) et dans une correspondance privée en me disant que mon travail n'était pas en cause, que mes opinions politiques étaient en cause".
Une ouverture à la gauche de la gauche décriée
Parmi les raisons principales de son départ, Aude Lancelin évoque notamment la volonté d'avoir "souhaité ouvrir la ligne de L'Obs". Les pages "Débats", dont elle était à la tête, laissent en effet libre expression à de nombreux intellectuels venant de différents bords politique. Une ouverte à la gauche de la gauche, notamment, qui semblait en déranger certains. "Ce journal ne supporte même plus aujourd'hui qu'on puisse ponctuellement, une ou deux fois par an, donner la parole à des radicaux. Ces propos tenus sur ma supposée ligne de gauche radicale sont réellement des fariboles. Certes, j'ai souhaité ouvrir la ligne de L'Obs à ce type d'intellectuels qui n'avaient pas le droit de cité les années auparavant".
Aude Lancelin confirme cependant avoir reçu le soutien deMatthieu Pigasse, l'un des actionnaires majoritaire du journal. "Si Matthieu Pigasse ne peut pas sauver d'un licenciement une journaliste dont il considère, lui-même, qu'elle représente ses idées à l'intérieur d'une rédaction, je m'interroge sur le degré de liberté d'expression qui règne au sein de ce groupe", a-t-elle ajouté. Et de conclure : "Je pense simplement que la gauche actuellement au pouvoir et la gauche dans certains journaux ne supportent plus que l'entre-soi". Suite au licenciement de la numéro 2 de l'hebdomadaire, Aude Lancelin, une motion de défiance contre le directeur de la rédaction, Matthieu Croissandeau, avait recueilli près de 80% des voix chez les salariés de "L'Obs" en mai dernier.