On ne peut nier que Dans ses yeux mérite son Oscar de meilleur film étranger. Le réalisateur Juan José Campanella signe un film très intense et qui n’a pas froid aux yeux, tout simplement parce qu’il regarde bien en face à la fois une affaire extrêmement sordide et l’injustice de l’Argentine des années 1970.
Dans ses yeux a tous les atouts qui contribuent à faire d’un film une expérience hors du commun plus qu’un simple passage de pellicule. Pour la forme, le drame ressemble étrangement aux films de Pedro Almodovar, où la vie paraît plus vivante, gaie, colorée, humaine, et pourtant, il ne s’agit vraiment pas d’une comédie. C’est avant tout une grande histoire, comme a pu l’être [film%]L'amour au temps du choléra[/film%].
Le film démarre au quart de tour : on est tout de suite plongé dans une atmosphère exotique et étouffante, a priori loin de nous et pourtant étonnement proche. Il pose des questions existentielles, tout aussi passionnantes les unes que les autres : jusqu’où peut-on aller par amour ? Comment peut-on se libérer de son passé ? Doit-on chercher à tout prix la vengeance ? Le mari qui a perdu sa femme, guettant le meurtrier dans les gares de façon méthodique, est un cas qui marquera les esprits.
Interprétation juste, montage astucieux et questions qui hanteront longtemps
L’interprétation parfaite ajoute beaucoup à l’intrigue déjà efficace et bien pensée. Soledad Villamil, belle, sympathique et sérieuse, nous fait croire en Irène, cette greffière en chef qui agit sincèrement pour la justice. Ricardo Darin interprète Benjamin Esposito, et [personnalite_ozap%]Pablo Rago[/personnalite_ozap%], le mari dont on a assassiné la femme, trois personnages à la crédibilité parfaite. Certes, le film s’embrume et devient très sombre par moments, quand l’affaire devient trop compliquée, mais l’effet de pesanteur est vite rattrapé.
Même si certaines scènes sont un peu forcées (les deux protagonistes dans l’ascenseur avec le meurtrier relâché), la tension dramatique ne faiblit jamais. Et si l’histoire racontée est terrible, le dénouement l’est tout autant : le montage très intelligent nous renvoie par flashback au passé, aux actes du mari qui a recherché obsessivement le meurtrier. Qu’a-t-il vraiment fait ? Horrible ou juste ? Qu’aurions-nous fait à sa place ? Qui sommes-nous pour le condamner, de toute façon ? Pas forcément de réponse, mais un mot qui reste à l’esprit. Fascinant.