Motion de défiance adoptée. A la question "Faîtes-vous confiance à Laurent Guimier pour diriger l'information de France Télévisions ?", les journalistes de la rédaction nationale du groupe audiovisuel public (France 2, France 3, franceinfo: et franceinfo.fr) ont massivement répondu "non", à près de 80% des suffrages exprimés (plus de 69% des votants), ce jeudi. Plus de sept journalistes sur dix (71,09%) ont pris part au vote. Laurent Guimier suscite ainsi encore davantage la défiance de sa rédaction que Michel Field, soumis à une motion similaire en 2016. Il avait finalement démissionné un an plus tard, alors qu'une seconde motion de défiance s'annonçait.
Dans le détail, la rédaction nationale de France 2, avec 344 votants sur un total de 482 sur l'ensemble du groupe, donne le ton. 87% des journalistes de la première chaîne du service public* ont affirmé, à travers ce vote, ne pas faire confiance à leur patron. Plus de 59% des journalistes de France 3 sont allés dans ce même sens.
La défiance est plus importante encore chez les journalistes de franceinfo.fr. Près de 93% d'entre eux ont voté la motion. Cette saison a été marquée au sein de cette rédaction par deux mouvements de grèves très suivis. 93% des journalistes de franceinfo.fr avaient cessé le travail le 30 novembre dernier pour protester contre leurs conditions de travail et revendiquer le maintien de deux postes, dont celui de journaliste vidéo. Les journalistes du service des sports de la rédaction web leur avaient emboîté le pas le 19 mars dernier pour dénoncer leur précarité.
La confiance a, en revanche, été accordée à Laurent Guimier par les journalistes de franceinfo:. Sur les 47 votants du canal 27, 24, soit un peu plus de 53% d'entre eux, ont voté en ce sens. Pour rappel, l'ancien vice-président d'Europe 1 avait été un éphémère directeur de la chaîne d'information en continu entre juin et septembre 2020.
Les rédactions de France Télévisions ont connu "une exceptionnelle mobilisation", a indiqué, ce jeudi, dans son communiqué le bureau de la SDJ de France 2. "Nous ne pouvons pas imaginer que ce message, sans équivoque, soit ignoré par la présidence de France Télévisions", espérait-elle. Ce vendredi matin, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, douche - au moins temporairement - leurs espoirs de changement.
Si elle qualifie, dans un mail que puremedias.com a pu lire, "le message" que les journalistes lui ont adressé hier de "signal important qui doit être pris en compte", Delphine Ernotte dit avoir "confié" dans le même temps à Laurent Guimier et à l'équipe de la direction de l'information "le soin de proposer et de mettre en oeuvre au plus vite une méthode nouvelle, une organisation et des actions concrètes pour répondre à ces attentes".
"Ils auront tout mon soutien dans cette nouvelle démarche qui doit permettre de rétablir rapidement la confiance au sein de la rédaction", conclut-elle. Selon l'analyse d'un grand reporter de France Télévisions, recueillie par puremedias.com, "Delphine Ernotte temporise, elle dit : 'Laissez-moi du temps, on verra plus tard...'". Selon cette source, "Laurent Guimier n'en sort pas relégitimé".
Ces derniers mois, le ressentiment des journalistes de France Télévisions envers leur patron, jugé trop absent de la vie de la rédaction, a été exacerbé par l'incertitude - finalement levée - autour du renouvellement de 16 CDD jusqu'à la fin de l'année. Mais aussi par le manque de considération de l'Elysée pour la rédaction nationale de France Télévisions, récemment écartée du déplacement d'Emmanuel Macron en Ukraine au profit de Mohamed Bouhafsi et du talk d'infotainment "C à vous" diffusé sur France 5.
Ce vote survient en outre deux jours après un fort mouvement de grève dans l'audiovisuel public contre la suppression de la redevance voulue par le gouvernement dès cet automne et dans un contexte plus large de craintes pour leur avenir.
*Il est question ici de suffrages exprimés, seuls les votes "oui" ou "non" ont été comptabilisés. Dans ce ratio, les votes "Ne se prononce pas" ne sont pas pris en compte.