John Slattery : "Si on essaie de plaire au plus grand nombre, on ne fait rien d'original"

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John Slattery : "Si on essaie de plaire au plus grand nombre, on ne fait rien d'original"
Par Charles Decant Rédacteur en chef

Rédacteur en chef de puremedias.com, Charles Decant est diplômé de Sciences Po Paris. Après un passage chez Universal Music, il a rejoint l'aventure puremedias.com en 2007 et se spécialise notamment dans...

Crédits : Abaca
Crédits : Abaca © John Slattery
Alors que la série événement "Mad Men" arrive jeudi soir sur Sundance Channel, John Slattery, qui y incarne Roger Sterling, évoque pour puremedias l'avenir de la série, sa pertinence culturelle ou encore le sort parfois décrié de ses personnages féminins.

Jeudi soir, la chaîne Sundance Channel - disponible sur les bouquets Free, Numéricâble et SFR - entamera en première partie de soirée la diffusion de la première saison de Mad Men, en VO et en HD. Cette série événement, qui accumule depuis quatre ans les récompenses outre-Atlantique, est centrée sur une agence de publicité dans les années 60, époque où la télévision prend son essor, les modes de consommation évoluent et la femme commence petit à petit à se faire une place dans le monde du travail.

A l'occasion de l'arrivée de la série sur la chaîne, le créateur de la série Matthew Weiner et deux des acteurs principaux de Mad Men, John Slattery et Christina Hendricks, étaient récemment de passage en France.

Dans cette interview, John Slattery évoque la pertinence de la série même si son action se déroule il y a près de cinquante ans et y trouve des parallèles avec notre société actuelle. L'acteur, que les fans de séries ont notamment pu voir il y a quelques saisons dans Desperate Housewives, s'exprime sur la qualité de l'écriture à la télévision américaine, sur les personnages féminins dans la série ou encore sur l'opportunité de faire de la publicité pour payer ses factures. Entretien.

« Les gens prennent un certain plaisir à regarder les personnages mal agir »



Comment expliquez-vous qu'une série dont l'action se passe dans les années 60 ait pu devenir aussi culturellement actuelle aujourd'hui ?

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Je pense que c'est arrivé à un moment où les modes de consommation de la télévision ont changé, avec notamment l'enregistreur numérique, ça a joué un vrai rôle dans le succès de la série. Les gens ne sont plus obligés de regarder les séries en direct, au moment où elles passent. Et puis aux Etats-Unis, les conservateurs ont le vent en poupe et notre série est tout le contraire. Je pense que les gens prennent un certain plaisir à voir les personnages dire et faire des choses qu'on ne peut plus dire ou faire aujourd'hui sans avoir des ennuis. On ne peut plus parler aux femmes de la même façon, on ne peut plus boire la journée, coucher à droite à gauche ou fumer.

Pensez-vous qu'il y a des éléments de la série qui sont toujours d'actualité aujourd'hui, qui reflètent notre société… ?
Je pense qu'il y en a deux : le premier c'est la peur, ce que les gens ressentent aujourd'hui à cause du terrorisme notamment. On monte dans un avion et on espère que personne ne le fera sauter. Dans les années 60, il y avait la Guerre froide et la crise des missiles de Cuba. Il s'agissait de nouveaux problèmes, de nouvelles peurs pour l'époque et ça se retrouve aujourd'hui. Et puis la deuxième ressemblance, c'est que dans les années 60, les conservateurs étaient en vogue. Tout était propre et contrôlé. Pourtant, la psychanalyse venait de commencer, Bob Dylan faisait ses débuts, on commençait à prendre de la drogue. Aujourd'hui, tout semble très ouvert et sexuellement plus libéré et pourtant, après une petite vague libérale avec Barack Obama, les conservateurs sont de retour au pouvoir au Congrès.

« Si on essaie de plaire au plus grand nombre, on ne fait rien d'original »



Le côté politiquement incorrect de la série, le fait que vous disiez des choses qu'on ne peut plus dire aujourd'hui, c'est ce qui vous plaît le plus dans votre personnage ?
Je pense que c'est la qualité de l'écriture en général. C'est probablement le meilleur niveau d'écriture aujourd'hui à la télé. J'ai fait de la télé, du théâtre, du cinéma et à chaque fois, c'est en fonction de la qualité de l'écriture que je choisis mes projets. Matthew Weiner, le créateur de la série, a une vision très précise de la série et des personnages et ça rend le travail de tout le monde beaucoup plus simple. Les scripts se jouent presque tout seuls. Et puis ils adaptent les scénarios en fonction des acteurs. Mon personnage a aujourd'hui un sens de l'humour qu'il n'avait pas au début. La télévision, c'est risqué parce que quand on s'engage dans une série, on ne sait pas forcément ce qu'on aura. Matthew Weiner, lui, m'avait promis que le personnage serait bon. Donc j'ai dû le croire sur parole et je n'ai pas été déçu.

A propos de qualité de l'écriture, aux Etats-Unis on continue à opposer les chaînes hertziennes et les chaînes du câble. C'est une dichotomie qui vous semble toujours pertinente ?
Je pense qu'à partir du moment où on essaie de plaire au plus grand nombre, on court le risque d'arrondir les angles et de diluer le contenu. Si on essaie de plaire au plus de gens possible et de choquer le moins de monde, ce n'est pas comme ça qu'on fait quelque chose d'original. A la télévision mais aussi au cinéma, si on propose un projet avec un parti pris très précis, très original, on n'essaie pas de raconter une histoire qui plaît au plus grand nombre. Mais, c'est ça qui est amusant, c'est que si vous racontez une histoire humaine sur une personne très précise, elle devient universelle. Ce que Matthew Weiner a réussi à faire avec Mad Men, c'est proposer une vision très spécifique de ce monde. Il se moque d'ailleurs de savoir si certains détails passent au dessus de certains téléspectateurs ou non.

Et la distinction entre cinéma et télévision. On dit parfois que la télé est devenue plus créative que le cinéma ?
Je pense que pour beaucoup de personnes qui travaillaient dans le cinéma indépendant, quand il a été difficile de trouver de l'argent pour financer des films, ils sont passés sur le câble. C'est un mini-âge d'or sur le câble américain parce qu'ils n'essaient pas de faire ce que font les grandes chaînes.

« La propriété du contenu, c'est là qu'est l'argent »



Que pensez-vous des personnages féminins dans la série ? Leur représentation a-t-elle évolué au cours des saisons ?
Oui, bien sûr. On a mis en lumière plusieurs aspects de leurs vies et il y a une vraie évolution de la perception qu'on en a. Mais le plus intéressant, c'est qu'il y avait un seuil que les femmes ne pouvaient pas dépasser à cette époque. A un moment, au niveau professionnel, elles ne pouvaient pas monter plus haut. Le traitement misogyne des femmes rend les choses intéressantes dans la série : les femmes ne sont pas moins compliquées en tant que personnages mais ces obstacles font qu'elles sont peut-être encore plus intéressantes en termes dramatiques. Elles sont enfermées dans des cases et pourtant, elles ont énormément de choses à dire.

La série n'a pas encore été renouvelée pour une cinquième saison parce que Matthew Weiner, le studio et la chaîne n'ont pas encore trouvé d'accord. Que pensez-vous de toute cette dimension financière qui prend finalement beaucoup de place dans la vie d'une série et d'un acteur ?
Ce qui se passe c'est effectivement une discussion entre le studio et la chaîne, j'avoue que je n'en sais pas beaucoup plus…

Mais de manière plus générale ? Vous êtes dans ce milieu depuis une vingtaine d'années…
Je pense que la propriété du contenu est la question centrale. Si tu possèdes le contenu, c'est là qu'est l'argent. Dans notre cas, la chaîne AMC et le studio se partagent les coûts et la question qui se pose aujourd'hui et à chaque renouvellement, c'est qui paie quoi et du quoi, et c'est là le plus important, qui touche quoi. Qui va toucher les bénéfices liés à la vente des DVD, notamment ? On ne sait pas combien de temps va durer l'incertitude, et c'est vrai que parfois ça n'aide pas beaucoup pour nous en tant qu'acteurs.

La série suit des personnages qui travaillent dans une agence de publicité, et aujourd'hui elle est elle-même un objet publicitaire. Comment expliquez-vous que la réalité rattrape la fiction ?
Je fais des pubs aux Etats-Unis inspirées par la série effectivement. Au début, je me suis demandé si j'avais vraiment envie de faire ce genre de choses mais aujourd'hui, tout le monde fait de la pub. Des stars de cinéma américaines font des pubs pour du café en Europe, ou des lunettes. Et il faut bien vivre. J'habite à New York, j'ai des enfants et j'ai des factures à payer. En fait, c'est assez difficile de vivre dans un monde réel et de payer des vraies factures quand on travaille dans un monde irréel. Donc on saisit certaines opportunités tout en essayant de garder sa dignité !

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