Interview
Marion Solletty (Politico France) : "Nous avons franchi la barre des 40.000 abonnés à notre newsletter Playbook Paris"
Publié le 16 janvier 2023 à 10:00
Par Tom Kerkour
Dans un entretien à puremedias.com, Marion Solletty, la directrice de la rédaction française de "Politico" fait le point sur une année charnière pour le pure player. Sa newsletter politique a connu une croissance de 60% sur un an, portée par la présidentielle, les législatives et la guerre en Ukraine.
Clip de promotion de "Politico". © "Politico"
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Grâce à "Politico", les rouages confidentiels du pouvoir ne le sont plus vraiment. En 2021, la branche française de Politico Europe lançait une newsletter politique gratuite : "Playbook Paris". Un contenu destiné au monde politique et globalement au milieu de l'influence francophone. Fort du succès rapide de sa première offre, le bureau doté d'une quinzaine de journalistes a mis sur pieds, à l'automne dernier, "Paris Influence", un service d'information payant destiné aux professionnels.

Depuis, porté par une actualité politique riche mêlant les législatives, la présidentielle et les retombées de la guerre en Ukraine, le pure player continue de se développer sereinement. Marion Solletty, la directrice de la rédaction française expose pour puremedias.com les enjeux et les perspectives du média "devenu un indispensable à Bruxelles".

Propos recueillis par Tom Kerkour

Puremedias : Comment résumeriez vous la promesse éditoriale de "Politico" France ?
Marion Solletty : Notre objectif est de délivrer de l'information exclusive sur la politique, au sens de la vie politique d'un pays mais aussi de la politique publique, la fabrique des lois et le travail législatif. Nous le faisons pour deux audiences. À la fois pour les passionnés de politique sur l'audience gratuite, et les professionnels sur notre partie abonnés. À chaque fois, il s'agit de fins connaisseurs qui attendent une information avec une vraie valeur ajoutée.

Vous faites le choix d'une offre payante (Paris Influence) et d'une offre gratuite (Playbook), est-ce une formule qui fonctionne ?
Nous nous développons sur les deux jambes, que ce soit à Bruxelles, Londres ou Paris. On croit beaucoup à la complémentarité des deux couvertures. C'est un positionnement un peu unique par rapport à des médias concurrents qui choisissent souvent, soit l'un, soit l'autre. Notre particularité est que les deux couvertures se nourrissent l'une et l'autre. C'est la manière de faire de "Politico". Comme à Bruxelles et à Londres, on lance toujours un produit phare qui est Playbook, cela nous donne côté pile une visibilité très forte et une légitimité. Et, côté face, un accès à des sources politiques de haut niveau. Nous venons de franchir la barre des 40.000 abonnés pour notre édition parisienne de Playbook, soit une croissance de 60% de notre audience en tout juste un an sur notre newsletter politique.

Avec déjà une dizaine de verticales centrées plutôt sur l'échelon européen en anglais, on a, dans la foulée de Playbook, voulu lancer une offre pro dédiée à un public français et francophone de professionnels des affaires publiques. C'est ce que nous avons fait à l'automne dernier avec l'offre "Paris Influence". Nous ne communiquons pas sur le nombre d'abonnés à nos offres mais, à l'échelle de l'Europe, on est à près d'un millier d'entreprises abonnées. Notre service est vraiment devenu un indispensable à Bruxelles.

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Quels ont été les moteurs de cette année 2022 ?
Ce n'est pas très original mais, au-delà de la présidentielle, il y a bien sûr eu les législatives et tout ce qu'il se passe au Parlement. Nous suivons aussi avec intérêt ce qu'il se passe aux États-Unis avec "L'inflation reduction Act" et sa réponse européenne. On s'intéresse à ce qu'il se passe à Bercy et ce qu'il se passe à la Commission, et surtout, on fait le lien entre les deux, ce qui n'est pas toujours lorsqu'on est un média français et qu'on manque de force de frappe à Bruxelles.

Et la guerre en Ukraine, le retour de la guerre aux portes de l'Europe a dû être un défi ?
Ça a été un défi pour nous sur la zone gratuite, nous n'étions pas une rédaction organisée pour suivre le conflit sur le terrain, ce n'est pas notre point fort. Nous, c'est plus les débats géopolitiques que cela engendre à Bruxelles ou ailleurs. Sur la partie abonnés, sans être un peu cynique, je dirais que ce type de crise, comme on l'avait vu avec le Covid, joue plutôt à notre avantage. Ce sont des contextes où l'industrie a énormément besoin de l'intervention de l'État, on recherche un certain soutien à l'économie. Et donc, il y a un besoin d'information sur ce qui se passe au coeur du gouvernement, au coeur de l'État, que ce soit à l'échelle française ou européenne. Ces types d'événements sont donc des véritables moteurs pour notre partie abonnés.

"Aujourd'hui, à l'échelle de l'Europe, nous dégageons des bénéfices" Marion Solletty

Vous notez aussi une montée des enjeux liés à l'énergie et à l'environnement ?
À Paris, nous sommes encore au tout début de notre développement, notre produit est horizontal et doit s'adresser à tous les acteurs de l'influence. Donc, on privilégie des thèmes qui sont pertinents pour tous ces gens-là. C'est notamment le cas de la transition énergétique, on s'occupe beaucoup des sujets énergie parce qu'aujourd'hui les prix de l'énergie, le mix énergétique et l'impact carbone sont des sujets pour toutes les industries.

Les enjeux d'énergie et de climat, contrairement à ce qu'a pu dire le président de la République, je pense qu'on peut dire qu'on l'avait vu venir. Mais il y a une vraie accélération évidemment ces derniers mois avec la guerre en Ukraine qui a rendu l'enjeu financier extrêmement important. Et ça, on le voit dans l'intérêt très marqué de nos abonnés sur ce sujet.

Est-ce que Paris reste un lieu de pouvoir ?
Paris est une locomotive pour l'Europe. Tout le monde regarde énormément ce qu'il s'y passe, une attention centrée sur la personne d'Emmanuel Macron qui fascine toujours nos lecteurs, y compris anglophones. D'autant plus qu'il y a un questionnement sur le leadership du chancelier Olaf Scholz.

La France est vue comme un leader, avec ce que ça comporte de fascination et d'agacement. C'est aussi pourquoi il était très important pour "Politico" d'investir Paris et de couvrir la ville comme la place de pouvoir européenne qu'elle est.

C'est justement un reproche qu'on peut vous faire, être "Politico" Paris plutôt que "Politico" France ?
N'étant pas parisienne d'origine, j'adorerais vous dire qu'on va développer très vite des "Politico" Marseille ou "Politico" Lyon, mais ce n'est pas aujourd'hui une priorité pour nous. On cherche d'abord à avoir une place forte dans la capitale et au sein des institutions nationales. C'est notre priorité, nous ne sommes cependant pas sourds à ce qu'il se passe dans les régions où il y a évidemment des sujets intéressants. On pense évidemment à Strasbourg qui est un lieu dans lequel on se rend beaucoup.

Comment voyez-vous, par exemple, l'arrivée d'un média comme "L'Informé" ? Est-ce un nouveau challenger ?
Nous restons toujours humbles lorsque nous voyons des concurrents arriver sur des sujets que nous couvrons depuis longtemps. J'ai regardé avec intérêt "L'Informé" en particulier pour leur mantra de se concentrer sur l'information exclusive, l'enquête et du scoop. Ce qui est notre créneau aussi depuis le départ. On croit beaucoup au fait qu'il y a toujours pour une info à haute valeur ajoutée. On ne se bagarre pas pour une audience de masse, on se partage une audience très sophistiquée, qui veut lire ce qu'on ne lit pas ailleurs. De ce que j'ai vu de "L'Informé", je trouve qu'ils sortent de l'info de bonne qualité, mais ils sont plus axés sur le business que nous, là où nous sommes vraiment centrés sur la politique.

"Emmanuel Macron fascine toujours nos lecteurs, y compris anglophones" Marion Solletty

Vous cherchez toujours à vous étendre ? Vous avez récemment débauché des plumes venues de grandes rédactions comme Anthony Lattier ou Océane Herrero...
Nous avons un recrutement ouvert actuellement pour continuer de développer notre couverture gratuite. Nous réfléchissons à étendre cette franchise qui marche bien. Nos nouvelles embauches viennent effectivement de rédactions bien identifiées. Pour moi, la première nécessité est de trouver des gens qui ont le goût de l'information exclusive. Des gens qui ont la capacité d'aller enquêter, trouver des sources. Je cherche également un esprit entrepreneurial, nous cherchons donc des gens qui ont le goût du nouveau et peuvent bousculer les codes.

C'est un signe de votre bonne santé économique ?
Aujourd'hui, à l'échelle de l'Europe, nous dégageons des bénéfices. En France, spécifiquement, nous avons trois sources de revenus. D'abord, la partie abonnement qui représente plus de la moitié de nos revenus. Ensuite, la partie publicitaire que ce soit sur politico.eu ou des placements publicitaires au sein de la newsletter. Et enfin, la partie événementielle où nous organisons des événements centrés sur des débats de politique publique à haute valeur ajoutée. Par exemple, traditionnellement, à Paris, on tient un sommet "Finance" où Bruno Le Maire est intervenu plusieurs fois. Évidemment, cette partie événementielle a souffert pendant le Covid, mais elle a très bien rebondi.

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