Le conflit entre TF1 et ses distributeurs ne doit pas déplaire à Patrick Bruel. En bon amateur de poker, celui qui aime nous "casser la voix" ne peut qu'apprécier le tour pris par la partie en cours.
Depuis 18 mois, le bras de fer engagé par TF1 pour augmenter la blind des opérateurs (Orange, SFR, Free, Bouygues et Canal+) se résumait ainsi à une succession de coups de bluff sur le mode du "retenez-moi ou je fais un malheur !". Tout le monde imaginait alors qu'un gentlemen's agreement allait bien finir par clore cette bataille déclenchée par TF1 pour s'extirper d'un modèle publicitaire au souffle court. Le groupe de Gilles Pélisson y croyait d'autant plus que SFR puis Bouygues avaient fini par "'se coucher" tôt, plutôt que de continuer une partie potentiellement ruineuse. Pour les quatre joueurs restants, le jeu des algarades médiatiques devait continuer encore quelques semaines, jusqu'à que chacun estime avoir sauvé l'essentiel de ses jetons.
C'était sans compter sur la présence autour de la table d'un corsaire breton... Le Canal de Vincent Bolloré a ainsi préféré faire all in et couper le signal de TF1 au moment qu'il jugeait le plus opportun : avant plusieurs des plus gros évènements de l'année pour la Une ("Les Enfoirés", "Koh-Lanta" et la Coupe du monde de foot) et avant que TF1 n'ait conclu un accord avec une majorité des distributeurs. Si son tapis de cinq millions d'abonnés s'est un peu élimé ces dernières années, il demeurait une carte maîtresse que Vincent Bolloré n'a pas hésité à abattre.
"Black day !"
"Black day" pour TF1 comme dirait le Bruel des "Guignols". Le coup de Canal a mis le groupe de Gilles Pélisson au pied du mur. Depuis lors, la Une observe ses audiences s'effriter publiquement quand Canal+ ne sera obligé de divulguer l'étendue des dégâts que dans plusieurs semaines. De l'art du timing... Soumis à la pression des marchés boursiers et publicitaires, TF1 doit donc faire vite pour sauver sa main et ne pas prêter le flanc à une offensive coordonnée des autres joueurs restants.
Dans la crise actuelle, d'aucuns se demandent déjà si Gilles Pélisson n'a pas été trop gourmand d'entrée de jeu avec ses adversaires, là où M6 a su ruser en affichant des prétentions moindres pour conclure plus rapidement. Il est encore trop tôt pour l'affirmer tant le gain d'une partie se mesure à sa fin. Cette dernière déterminera en tout cas qui, des contenus ou des tuyaux, est définitivement le "boss" du secteur des médias. D'ici là, chacun devra garder en tête qu'au poker, on n'est jamais aussi bien battu que par soi-même.
