Le Woody Allen nouveau est arrivé ! Mais une question s’impose avant tout : peut-on demander à Woody Allen de faire autre chose que du Woody Allen ? Non, ce serait absurde. Et ça, le cinéaste américain l’a bien compris. Avec Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, le prolixe réalisateur américain (un film par an, quand même !) nous offre le cinéma qu’il aime : névrosé, mordant, narratif, bavard. Mais un ton en dessous de la moyenne de son immense filmographie…
Pour la quatrième fois, le natif de Manhattan a choisi de planter sa caméra en Angleterre. Et comme à son habitude, Woody Allen a soigné son casting (Antonio Banderas, Anthony Hopkins, Naomi Watts, Josh Brolin, excusez du peu). Mais il manque sans aucun doute à ce cru 2010 ce petit plus, ce supplément d’âme et cette indéniable singularité qui font la signature du metteur scène dont le dernier film, Whatever Works, nous avait enchantés. Parce que Woody Allen ressort sans forcer ses vieilles combines, la magie n’opère plus. Mais que les fans (les ultras) se rassurent. Pour eux, même un Woody Allen mineur a toujours quelque chose à défendre.
Notre plaisir de retrouver Woody Allen confine parfois à l’indulgence...
A 75 ans, Woody Allen a encore des choses à dire, même si ça ne l’empêche pas de reprendre une énième fois ses thèmes fétiches (l’amour, le sexe, l’amitié). Mais l’homme fait partie de cette caste de réalisateurs à qui on pardonne beaucoup. Notre plaisir de partager 1h30 avec lui confine parfois à l'indulgence. Malgré ses défauts liés à ses baisses de rythme et à ses lourdeurs scénaristiques, sa nouvelle comédie (très légère) remplit quand même son cahier des charges made in Allen. Sans plus. Et c’est bien ce qu’on lui reproche.
Mais que nous raconte ce diable de Woody cette fois-ci ? Tout commence une nuit, lorsqu’Alfie se réveille, paniqué à l’idée qu’il ne lui reste plus que quelques précieuses années à vivre. Cédant à l’appel du démon de midi, il met fin brutalement à quarante années de mariage et abandonne son épouse Héléna. Une tentative de suicide ratée plus tard, celle-ci se réfugie dans les « bienfaits » de la voyance. On lui prédit alors une histoire d’amour avec un « bel et sombre inconnu »...
Le trio Brolin-Watts-Jones, le véritable point fort du film
Si vous pensez qu’Alfie n’est qu’un personnage de fiction dans lequel se substituent les névroses de Woody Allen, c’est que vous le connaissez bien. Dommage malheureusement que ce Alfie soit le personnage le moins intéressant de tous ceux qui peuplent son film. Qu’est venu faire Anthony Hopkins dans cette galère ? Alfie est un cliché tellement éculé qu’il en est presque une insulte au talent du brillant cinéaste américain. S'attacher les services d'Anthony Hopkins pour incarner un homme vieillissant qui décide de tout plaquer pour une blondinette manipulatrice aux mœurs légères est véritablement la fausse bonne idée.
De ce nouveau long-métrage, on retiendra seulement le trio savoureux formé par l’excellent Josh Brolin (le mari), l’irrésistible Naomi Watts (la femme) et Gemma Jones (en géniale belle-mère). La scène où Josh Brolin apprend devant sa femme que son livre a été refusé par son éditeur pendant que sa belle-mère l'assène de ses délires surnaturels innocents prouve que Woody Allen peut être encore inventif et créatif dans sa mise en scène. Moins cyniques et névrosés qu'à l'accoutumée, ses dialogues peinent malgré tout à faire mouche. Au contraire de sa réflexion intelligente et bien menée sur les dérives de la voyance que le cinéaste assimile quasiment à la dépendance d'une secte.
En attendant de retrouver Woody Allen dans les rues de Paris l’an prochain, on prendra son Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu comme un apéritif qui nous laisse un peu sur notre faim. Et si le cinéaste pourra toujours légitimer la fin très (très) ouverte de son film par sa volonté de laisser libre cours à l'imagination du spectateur, on évitera de dire qu'il s'agit peut-être tout simplement là d'une paresse scénaristique. Allez, on l’aime tellement Woody qu'on lui pardonnera bien ça.
