Les 15 jours qui ont ébranlé Canal+

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Les 15 jours qui ont ébranlé Canal+
Par Julien Bellver Rédacteur en chef

Co-rédacteur en chef de puremedias.com, Julien Bellver est diplômé de l'Institut Pratique de Journalisme (IPJ). Passionné par les nouvelles technologies et les médias, il a collaboré à plusieurs émissions...

Le récit de 15 jours de crise à Canal+.
Le récit de 15 jours de crise à Canal+.
De la menace sur "Les Guignols" à la sortie du "Grand Journal" de la grille, retour sur quinze jours de tsunami médiatique.

La Croisette, où Canal+ avait installé son "Grand Journal" à Cannes, comme chaque saison depuis plus de dix ans, était exceptionnellement ensoleillée cette année. En coulisses pourtant, le temps est à l'orage : audiences en berne, festival ennuyeux, palmarès décevant et Canal+ attaquée sur tous ses métiers. C'est au "patio", à deux pas du palais des festivals, que tout se joue. Les animateurs y descendent pour quelques jours, invités par leur employeur. Ne pas recevoir son carton est souvent synonyme de disgrâce.

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Cette année-là, ils étaient à peu près tous présents, peut-être conscients qu'une page de l'histoire de leur chaîne allait se tourner un mois et demi plus tard. Le vaisseau amiral qui les réunit pendant la quinzaine prend l'eau mais aucun n'a l'intention de tenter un sauvetage d'urgence. Renaud Le Van Kim, producteur historique de la case, calme les ardeurs des troupes : il a obtenu de Rodolphe Belmer l'assurance de rempiler une saison supplémentaire avec son "Grand Journal", réorienté "show et info".

Maïtena Biraben et Ali Baddou, descendus pour tenter de récupérer quelques miettes de l'access, repartent bredouille. La saison prochaine ne sera pas la leur tant que KM tirera les ficelles. L'agacement des protégés de Laurent Bon (Bangumi) est palpable quelques jours plus tard dans la presse : Yann Barthès regrette de ne pas avoir obtenu une rallonge pour son "Petit Journal", Maïtena Biraben annonce qu'elle ne veut plus être le joker d'Antoine de Caunes.

30 juin. "Les Guignols" menacés

Quand puremedias.com révèle la tentative de putsch des "Guignols", au lendemain du décès d'Alain de Greef, personne n'ose y croire. Pas ce programme emblématique de l'esprit Canal, pas maintenant, six mois après la manifestation monstre pour défendre la liberté d'expression. Le message-hommage adressé le soir-même par Antoine de Caunes, informé depuis plusieurs jours déjà de la crise qui couve, est subliminal : "En fait, on ne dit pas chef des programmes, on dit directeur, mais il y a tellement de directeurs aujourd'hui et si peu de chefs que je continuerai à l'appeler chef".

Une dépêche AFP et un tweet de l'un des auteurs achèveront de convaincre les plus sceptiques. La menace qui pèse sur les marionnettes en latex est réelle et déclenche une vague de mobilisation sur la toile. En coulisses, on comprend que le nouveau proprio Bolloré, qui prend ostensiblement contact avec animateurs et producteurs, a décidé de faire le grand ménage. La fin des Guignols, l'industriel l'a en tête depuis plusieurs mois déjà et s'en est ouvert auprès des dirigeants de Canal+ juste après la fin de la saison. Mais la discrétion qui leur est demandée ne tiendra qu'un week-end. Tout le monde comprend alors que "Les Guignols" ne seront pas sa seule victime.

1er juillet. Maïtena Biraben en approche

Mercredi matin, Belmer est convoqué par Bolloré. Le premier met sa démission dans la balance si "Les Guignols" sautent. Bolloré refuse, l'entretien tourne court. Le soir-même, puremedias.com révèle qu'il a jeté son dévolu sur Maïtena Biraben pour reprendre l'access de la chaîne. Sortir Antoine de Caunes de cette case n'est pas la seule idée du breton qui compte aussi sur un KMexit. Il a mis son nez dans les comptes du producteur : la vitrine du clair, qui coûte trop cher malgré des audiences en chute libre, ne suffit plus à retenir les abonnés tentés par la concurrence.

Bolloré exigeait en coulisses depuis quelques mois une remise en concurrence sur cette case, qu'il n'obtiendra pas de Rodolphe Belmer, proche de Le Van Kim. Le futur ex-PDG avait pourtant tenté de débaucher le producteur éditorial de "C à vous" en cours de saison pour remplacer l'actuel et relancer "Le Grand Journal". Sans succès. En fin de saison, le patron de la rédaction et Antoine de Caunes ne se parlent plus. Les concurrents du producteur ne comprennent pas le maintien de KM pour une saison de plus. En coulisses, les langues se délient et les tractations se poursuivent : Bolloré verrait bien le producteur du "Petit", Laurent Bon, reprendre le 19-20h. Mais à six semaines de la rentrée et quelques jours du départ en vacances des équipes, il hésite. D'autres producteurs sont contactés.

3 juillet. "Les Guignols" sauvés, Belmer écarté

Vincent Bolloré n'a pas résisté à la pression médiatique et politique. Vendredi, lors d'un comité de groupe, il annonce le maintien des "Guignols" et assure n'avoir jamais voulu couper leurs têtes. Il ne dit pas quelle case occuperont les marionnettes à la rentrée mais parvient à étouffer la polémique. Bolloré débarque en revanche Rodolphe Belmer, qu'il accuse de ne pas avoir mené les réformes nécessaires tout en ayant soufflé sur les braises de l'incendie causé par la possible sortie des Guignols. Il est prié de quitter l'entreprise le soir-même.

Maxime Saada, son adjoint, le remplace. Deux heures plus tard, LePoint.fr annonce la fin du "Grand Journal" mais la chaîne ne commente pas. Bolloré prend pour la première fois la parole dans les médias : "C'est vrai que la grille du soir, en clair, pose un problème. Ça fait deux ans que l'audience s'érode un peu. Les émissions coûtent trois fois plus cher que celles de la concurrence et elle nous a battus". Le message est on ne peut plus clair.

6 juillet. Le patron, c'est Bolloré

Aux cadres qui en doutaient encore, Vincent Bolloré leur confirme : le boss, c'est lui. Face à une centaine d'entre eux, il justifie la mise à l'écart de Belmer trois jours plus tôt. Comme le raconte Le Point, Bolloré confirme à mots à peine couverts la mise hors jeu de KM, le producteur historique du "Grand Journal" depuis 2004. Mais il n'a pas encore trouvé son successeur. "Il a sous-estimé le bordel provoqué par sa méthode brutale. Mais pour Bolloré, rien n'est impossible, même à six semaines de la rentrée, il déteste qu'on lui dise non", témoigne un acteur des discussions. En coulisses, Renaud Le Van Kim s'active pour sauver les autres programmes qu'il produisait pour la chaîne, comme "Conversations secrètes" avec Michel Denisot ou les soirées événementielles. Mais Bolloré n'a qu'une idée en tête, sortir KM de Canal+.

9 juillet. Laurent Bon dit non

Comme puremedias.com l'écrit, le nouveau producteur de la case du 19-20h ne sera finalement pas Laurent Bon et sa société Bangumi, sous pression depuis dix jours pour pondre un projet ad hoc avec son animatrice du "Supplément". Il dit non mais Bolloré a une autre idée, confier la tranche à Flab Prod. Les producteurs de "La Nouvelle Edition", du "Tube" et du "Canal Football Club" ne sont pas franchement emballés à l'idée de construire une émission en urgence mais ils n'ont pas le choix ! Flab est devenue une filiale de Vivendi il y a peu, chargée de fabriquer des formats quand son principal client le demande. La rentrée du clair de Canal+ est décalée.

12 juillet. Les adieux d'Antoine de Caunes

Quand Antoine de Caunes avait rendu l'antenne fin juin, il était assuré de rempiler fin août. Un tweet de Maxime Saada début 2015 qui assurait que rien n'était décidé pour la rentrée aurait dû l'inquiéter. Victime collatérale du clash Bolloré/Belmer/KM, De Caunes perd son siège mais reste silencieux. C'est par un élégant tweet qu'il annonce sa retraite forcée du "Grand Journal" deux ans après avoir succédé à Michel Denisot. Il sera finalement remplacé par sa concurrente d'il y a deux ans pour le poste, Maïtena Biraben. "C'est une guerrière, elle savait qu'un jour son tour viendrait, commente une source à Canal+. Et elle estimait qu'elle devait être récompensée après une saison où elle a été la seule capable de décrocher une interview de François Hollande".

13 juillet. Une rentrée sous haute tension

Le dossier "Grand Journal" à peu près bouclé, c'est toute la grille de Canal+ et le management qui seront bousculés ces prochains mois. Dominique Delport d'Havas devrait remplacer Bertrand Méheut, le président du groupe. En attendant, tout le monde est prié de reporter à plus tard ses vacances. Les dossiers urgents du moment sont tranchés par Maxime Sadda : la nouvelle place des Guignols à l'antenne et le nouvel animateur pour "Le Supplément". Sont pressentis selon nos informations Michel Denisot et Ali Baddou. Si le second est choisi, Thomas Thouroude pourrait reprendre les commandes du midi. Quelle sera la nouvelle ligne éditoriale de la chaîne en septembre ? Le sacro-saint "esprit Canal" est en sursis. Vincent Bolloré veut plus de divertissement et moins de politique.

Septembre. Le jour d'après

L'aspect social de ce coup de balais n'est pas à sous-estimer. Le producteur KM se retrouve sans contrat avec de nombreux salariés sur les bras. Un dédit financier pourrait être négocié sur les contrats signés qui ne seront pas honorés par Bolloré. De nombreux journalistes et chargés de production se retrouvent sur le carreau la veille de leurs vacances.

Vincent Bolloré entend mener avec sa nouvelle équipe une série de réformes tambour battant une fois l'été passé. La grille en clair remise à plat, il compte s'attaquer à des dossiers autrement plus stratégiques, comme l'investissement de Canal+ dans le cinéma et les droits sportifs pour lutter contre les nouveaux acteurs, beIN et Netflix.

L'industriel breton pourrait aussi s'attaquer à iTELE, la chaîne d'informations du groupe, déficitaire et toujours largement devancée par BFMTV. Vincent Bolloré dispose d'un trésor de guerre après la revente de SFR à Numericable, de quoi faire des acquisitions pour renforcer la place de Canal+ sur le marché mondial des droits et de la production internationale.

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