Une nomination qui interroge le métier. Le 27 août dernier, Radio France annonçait l'arrivée d'Agnès Vahramian à la tête de France Info. La correspondante de France 2 à Jérusalem a en effet été choisie par Sibyle Veil pour succéder dès ce lundi 16 septembre 2024 à Jean-Philippe Baille, qui s'apprête, quant à lui, à prendre ses fonctions de directeur général délégué à l'information de RMC BFM après le départ d'Hervé Béroud pour le groupe M6.
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Selon une enquête étayée de "L'informé", publiée ce lundi 9 septembre 2024, la promotion de la journaliste de terrain chevronnée, ancienne co-pilote de David Pujadas au "20 Heures" de France 2, provoque un certain malaise dans les étages de la Maison de la radio mais aussi à France Télévisions qu'elle quitte après 32 ans de carrière.
Témoin de cette enquête, un ancien collaborateur d'Agnès Vahramian s'étonne. "Ce n'est pas normal de nommer quelqu'un qui fait souffrir les gens, on a l'impression que rien n'a de conséquences...", regrette-t-il de manière anonyme. Un cadre de France Télévisions, interrogé lui aussi, ne dit pas autre chose. "Ça me paraît anachronique qu'en 2024 une telle personne soit nommée à ce poste."
Qu'est-il reproché à Agnès Vahramian ? On parle ici d'actes susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral, écrit "L'informé". "Je n'ai jamais connu un tel climat de terreur. Elle broie les gens", se remémore ainsi une ancienne collaboratrice. Comme elle, d'anciens journalistes font état de propos rabaissants tenus par Agnès Vahramian, notamment auprès des plus jeunes. "Un jour, à la suite d'un malentendu, elle a commencé à m'incendier en disant que j'étais un moins que rien et que je n'allais jamais aller nulle part", se souvient un stagiaire. "J'ai vu des collègues pleurer au travail, ça devenait la normalité", ajoute un ancien collaborateur.
Agnès Vahramian "est odieuse, humiliante, cassante", se souvient à visage découvert Daniel Wolfromm, grand reporter à France 2 aujourd'hui à la retraite, qui raconte avoir "déjà fait un malaise après une altercation avec elle, quand elle était sa supérieure au '20 Heures'". "Elle est d'humeur changeante : elle peut être très enjôleuse, très gentille, et deux heures après vous casser net", souligne le même reporter. Ce témoignage fait écho à celui d'une autre salariée placée sous la responsabilité d'Agnès Vahramian à l'étranger, qui assure à "L'informé" avoir fait "plusieurs malaises" en raison du stress généré par son management.
Un management qu'Agnès Vahramian a justifié malgré elle dans un enregistrement réalisé à son insu et écouté par 'L'informé" : "Quand je suis en colère, je suis très en colère. Donc si tu considères que ça ne te convient pas c'est comme ça. (...) Si tu n'es pas capable de passer au-dessus de ça, laisse tomber", avait-elle déclaré à un journaliste après un coup de sang.
Que savait la direction de France Télévisions de ce comportement ? À l'époque du "20 Heures", un audit avait bien été mené par Alain de Chalvron, ancien correspondant à l'étranger et membre de la rédaction de France 2. "Ce rapport, qui mentionnait des journalistes 'terrorisés', travaillant dans une 'tension permanente', ponctuée d'humiliations, de mépris et d'insultes a bien été remis à Delphine Ernotte, présidente du groupe public, en 2017, sans avoir réellement de suite", a appris "L'informé".
Une enquête interne a été lancée à la suite du passage d'Agnès Vahramian au bureau de Washington de 2017 à 2021. Elle serait elle aussi restée sans suite. Contacté par "L'informé", France Télévisions affirme simplement aujourd'hui que "le dossier d'Agnès Vahramian aux ressources humaines est vide". De son côté, Radio France n'a pas souhaité faire de commentaire. Dans un article du "Monde" daté du 28 août 2024, Nicolas Chateauneuf, rédacteur en chef adjoint à France 2, avait salué, de son côté, la "créativité et (l')énergie absolument débordantes (d'Agnès Vahramian, ndlr), c'est un bulldozer". "Quand on a sa confiance, c'est un bonheur de bosser avec elle", avait-il déclaré.
Interrogée par le journal d'investigation en ligne, Agnès Vahramian, elle, a fait part de son "immense surprise". "Je n'ai jamais entendu ça en 35 ans de carrière. Bien sûr, je suis quelqu'un d'exigeante et de déterminée, qui a dû diriger parfois dans des conditions compliquées. Je ne dis pas que je n'ai pas eu des différends, des disputes, des accrochages, mais je suis juste, à l'écoute des gens et capable d'entendre quand on me dit que quelque chose ne va pas", s'est-elle défendu.
"Je n'ai jamais été rappelée à l'ordre par ma direction ou été informée d'une enquête interne à mon encontre. J'ai énormément progressé chez France Télévisions, qui m'a offert un formidable parcours. Je suis aujourd'hui ravie de continuer ma carrière à France Info", a-t-elle conclu.
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Dans un passé récent, d'autres journalistes de l'audiovisuel public ont été sous le feu des critiques. Ce fut le cas de Marc Fauvelle. Au printemps 2023, il a été reproché en interne à l'ancien matinalier de France Info, désormais directeur de l'information de France Inter, un "comportement rugueux" ainsi que des "prises de paroles autoritaires voire brutales de sa part".
Cet été, avant d'être nommé à la matinale de RTL, Thomas Sotto s'était défendu après la publication d'une enquête de "Télérama", relatant, témoignages à l'appui, son management très critiqué dans les coulisses de "Télématin" sur France 2. "Blessé" par les critiques rapportées, il avait convenu qu'il pouvait "être exigeant, de bonne ou de mauvaise humeur". "Je suis très franc, je dis les choses les yeux dans les yeux".