Un démenti en direct. Comme Vincent Bolloré avant lui, Bernard Arnault a été, ce jeudi 20 janvier, auditionné par la commission d'enquête du Sénat relative à la concentration des médias en France. Interrogé sur ses intentions, le PDG de LVMH, propriétaire entre autres des "Echos", du "Parisien" et de Radio Classique, a récusé l'information du journal "Le Monde", selon laquelle le géant du luxe aurait fait, avant l'été 2021, une offre de rachat du journal "Le Figaro". Une information pourtant confirmée dans l'article du 24 novembre 2021 par Laurent Dassault, l'un des enfants de Serge Dassault. La famille du capitaine d'industrie, décédé en mai 2018, est toujours l'actionnaire majoritaire du quotidien.
"Ma capacité d'influence est limitée"
"J'ai vu encore hier que 'Le Monde' disait que l'on avait fait une offre, ça c'est quand même très étonnant, ça nous montre quand même les limites de la presse", a-t-il rétorqué au sénateur du Val-de-Marne Laurent Lafon (Union centriste) qui l'a interrogé sur sa stratégie. C'est faux. Je leur ai dit à plusieurs reprises, je le confirme aujourd'hui sous serment et néanmoins ils l'écrivent, ils continuent de l'écrire. C'est quand même étonnant. Nous n'avons jamais fait d'offre sur 'Le Figaro'. Puis c'est repris systématiquement dans tous les articles comme celui que vous avez vu hier", a déploré Bernard Arnault. Après l'audition de l'homme d'affaires au palais du Luxembourg, "Le Monde" a ajouté la précision suivante : "Cet article a été amendé le 19 janvier 2022, LVMH démentant avoir fait une offre sur 'Le Figaro'". Au cours de sa prise de parole, Bernard Arnault a par ailleurs déclaré ne pas avoir étudié non plus l'hypothèse d'un rachat de M6 ni formulé de proposition à l'égard du "JDD" et de "Paris Match".
Avant de prendre les sénateurs à partie : "Vous voyez, ma capacité d'influence est limitée". Une façon de contrer aussi, par cette phrase, ses interventions supposées sur le contenu des journaux de son groupe ? "Les Echos" et "Le Parisien" n'ont, par exemple, pas relayé l'information selon laquelle la Justice a entériné un accord avec LVMH en décembre dernier, s'est étonnée la sénatrice écologiste de Gironde, Monique de Marco. Le géant du luxe a, en effet, viré 10 millions d'euros sur le compte du Trésor public pour éteindre d'éventuelles poursuites judiciaires pour "trafic d'influence".
Une "enquête a notamment mis en lumière la 'surveillance' et l''infiltration' du journal 'Fakir' de François Ruffin (réalisateur du documentaire 'Merci patron!', ndlr), orchestrées par l'ancien directeur du renseignement intérieur reconverti comme consultant de LVMH, Bernard Squarcini", résumait, en fin d'année, "Le Monde". Avant d'ajouter que LVMH reconnaissait de cette manière les faits qui lui sont reprochés. "C'est la deuxième erreur de ce journal que l'on a noté aujourd'hui, c'est faux ! On n'a absolument pas reconnu de culpabilité dans cette chose-là", a corrigé Bernard Arnault lors de son audition au Sénat.
"Si 'Les Echos' défendait demain une économie marxiste, je serais extrêmement gêné"
"Quant au fait que les journaux du groupe n'ont pas cité l'accord transactionnel, ça j'en sais rien, franchement, je ne sais pas. C'est quand même un non-événement en plus. Il faut poser la question aux journalistes. En tout cas, je ne me suis pas occupé de ça, je n'ai absolument pas de commentaires à faire là-dessus".
"Ce que je pense, en revanche, a-t-il repris plusieurs minutes plus tard, c'est que chaque journal a quand même une ligne. 'Les Echos', c'est un journal économique, qui est un défenseur, un illustrateur de l'économie de marché. En tant qu'actionnaire c'est une ligne à laquelle (j'ai) adhéré. Après ce sont les rédactions qui la mettent en oeuvre. 'Le Parisien', c'est un journal populaire, plutôt général, qui est globalement un journal de nature assez centriste, assez oecuménique. En tant qu'actionnaire, moi ça ça me va très bien".
"Ce qu'il faut éviter, a-t-il résumé en conclusion, c'est que la ligne change. Si demain, on se trouvait avec un 'Parisien' qui devient un journal sur un extrême ou sur un autre, il faut que l'actionnaire puisse réagir. Je n'ai pas envie de financer un journal qui devienne le support de l'extrême droite ou de l'extrême gauche. Si 'Les Echos' défendait demain une économie marxiste, je serais extrêmement gêné, il faut qu'il y ait des garde-fous".