Voilà typiquement le film qu'on aurait aimé... aimer. Pour son titre, original : Les Chèvres du Pentagone. Et son histoire, surréaliste : des expérimentations de l'armée américaine visant à développer des unités spécialisées dans le paranormal pour lutter contre le terrorisme. Car a première vue, tout porte à croire que Grant Heslov s'est piqué d'une folle envie de faire de son premier film un OVNI déluré dans la veine de ceux des frangins Coen. Et pourtant. Oui, pourtant, il n'est que l'adaptation du livre éponyme écrit par le journaliste Jon Ronsom. Tout y est donc véridique. Mais là où le bât blesse, c'est que toutes ces vérités – aussi loufoques soient-elles - ne suffissent pas à la longue à donner une cohérence et un rythme à son histoire...
Clooney enseigne l'art des chevaliers Jedi à Ewan "Kenobi" McGregor
Le toujours impeccable Ewan McGregor se glisse pour l'occasion dans la peau de Bob Wilton, un journaliste désespéré qui fait l'heureuse rencontre de Lyn Cassady, un soldat aux pouvoirs paranormaux combattant le terrorisme. Ensemble, ils décident de se rendre en Irak ou ils rencontrent Bill Django, le fondateur de l'unité, et Larry Hooper, soldat de l'unité qui dirige une prison. Et c'est peu dire que les pérégrinations de Bob et Lyn vont s'avérer périlleuses...
Certaines scènes sont irrésistibles (la tentative de Stephen Lang, regard imprégné d'une conviction sacro-sainte, persuadé qu'il peut traverser un mur avant de se ramasser). Et certains clins d'oeil se révèlent particulièrement savoureux (comme voir George Clooney enseigner l'art des chevaliers Jedi à un Ewan "Kenobi" McGregor médusé et incrédule). Mais cette accumulation de scènes drôles et décalées épuise à la longue, et le film trace souvent sa route en nous laissant sur le bas-côté. Avec cette frustration qu'on rêverait pourtant de faire partie du voyage.
Hollywood s'éclate en Irak pendant que les aiguilles de notre montre s'arrêtent
En plongeant dans le grand bain de la réalisation, Grant Heslov s'est entouré d'un cast à rendre jaloux les cinéastes les plus réputés. Car hormis Ewan McGregor, le metteur en scène américain s'est offert les services de George Clooney, Kevin Spacey et Jeff Bridges (chacun un Oscar au compteur). Et c'est bien leur interprétation qui permet au réalisateur de tenir sa barque contres les vents (mauvais de l'ennui) et les marées (sans saveur de sa mise en scène). Dans Les Chèvres du Pentagone, le gotha d'Hollywood semble s'éclater en Irak, mais force est de constater que sur notre fauteuil, les aiguilles de notre montre semblent s'être arrêtées.
Bien sûr, on ne peut s'empêcher de sourire devant le cynisme de l'inflexible Kevin Spacey, en (re)découvrant un Jeff Bridges pris sous les effets de la drogue ou en assistant à un face-à-face tendu et cérébral entre une chèvre et George Clooney. Toutes ces saynètes sont suffisamment absurdes pour rendre cette galerie de personnages attachante. Mais Grant Heslov n'a pas le regard acéré des frères Coen et ses pieds-nickelés modernes finissent par nous ennuyer. Cette comédie est soit trop barrée, soit pas assez. Et parce qu'elle reste coincée dans cet entre-deux, elle finit par nous rendre chèvre. Un comble.