Film très fort signé Richard Berry, et véritable polar made in Marseille, L'immortel a de quoi plonger le spectateur en enfer, en lui offrant la quasi-certitude d'oublier tous ses problèmes pendant un certain temps. Mais le film souffre toutefois de certaines maladresses, même si l'ensemble reste convaincant par la réalisation soutenue. Il fait d'ailleurs penser à un autre film de Richard Berry, La boîte noire (un quasi-échec) avec José Garcia tant il nous permet de saisir la situation précaire d'un homme condamné par son passé, emprisonné par des chaînes invisibles.
L'action se double d'une interrogation philosophique sur l'identité : jusqu'où peut-on être libre de son passé et devenir quelqu'un d'autre ? Au niveau du rythme, on est happé tout de suite dans l'action qui démarre à fond et la tension qui jamais ne se relâche, mais les scènes très violentes (les 22 balles dans le corps) qui se répètent semblent inutiles et fatigantes, bien qu'inévitables dans ce genre de polar viril. Le scénario, venu d'un roman de Franz-Olivier Giesbert, inspiré d'une histoire vraie, fait planer très haut, et l'angoisse créée vient du fait qu'il n'y a pas d'échappatoire.
Jean Reno brille parmi les erreurs de casting
La prestation de Jean Reno ne souffre pas de paresse et renvoie à l'un de ses meilleurs rôles, dans Les Rivières pourpres, même s'il est décevant de voir que le personnage n'est pas aussi complexe et subtil. Il est simplement un homme qui cherche à se venger de ses poursuivants et à retrouver ses enfants en suivant une trame très classique des films noirs, classique mais efficace. En revanche, le choix de Kad Merad relève d'une erreur de casting assez plombante : l'acteur comique a maintes fois prouvé son talent mais il n'est clairement pas à sa place dans ce polar. Cerise sur le sundae des erreurs de casting, Marina Foïs en flic femme vaguement alcoolique réussit encore moins à convaincre que les policiers lâches du film Complices.
En étant trop classique, l'ensemble manque de mystère et n'a pas le mérite de créer un univers énigmatique comme le faisait Pars vite et reviens tard par exemple. Mais L'immortel a l'avantage de déplacer le polar à Marseille en l'adaptant au monde moderne, accentuant la dimension réaliste du film. Le projet ambitieux de reprendre une histoire réelle en la transposant dans un milieu inventé à 100% est donc une réussite. Le film est d'une puissance remarquable, même s'il n'évite pas certains écueils de violence en voulant imiter Le parrain. Il prouve toutefois que le polar français est loin d'être mort.