
Après "À quel prix ?" en février, Julien Courbet débarque à l'animation d'une nouvelle émission sur M6. Il prendra, ce jeudi 26 juin 2025 à 21h10, les rênes de "J'en connais un rayon !", un nouveau quiz autour de la consommation. Entre deux sessions de tournages, l'animateur de 60 ans a pris le temps d'expliquer à Puremédias son positionnement au sein de la chaîne qui lui confère une exposition maximale sans précédent dans sa carrière. Passé par les 4 groupes de télévision de premier plan (TF1, France Télévisions, Canal+ et M6), il analyse aussi l'évolution du marché de la télévision et raconte de savoureuses anecdotes qu'il a pu vivre avec certains de ses patrons.
Propos recueillis par Ludovic Galtier Lloret
Puremédias : Votre nom est associé à une palette d'univers sur M6, Comment définiriez-vous votre positionnement sur la chaîne ?
Julien Courbet : Aider les gens. Aider les gens à décrypter leur porte-monnaie avec "Capital". Aider les gens à retrouver une personne disparue avec "Appel à témoins". Aider les gens qui se sont fait avoir et qui sont dans la panade avec "Ça peut vous arriver". Aider les gens à consommer et ne pas tomber dans les pièges avec "J'en connais un rayon". Quand on y réfléchit bien, tout est basé là-dessus, il n'y a quasiment rien d'autre. Il m'est arrivé bien sûr de prendre quelques virages à droite, à gauche mais j'ai très vite compris que le rôle que je tiens aujourd'hui, c'est celui que les gens attendent de moi.
Le pas de côté que vous évoquez, ce sont les jeux.
Oui, j'ai fait des jeux, cela s'est plutôt pas mal passé. Il y a dix ans (2014-2015), j'ai animé les boîtes ("À prendre ou à laisser") et "Le maillon faible" sur D8 (ancien nom de C8, ndlr). Les téléspectateurs regardaient mais ils préféraient me voir dans le registre dont on vient de parler. Et cela ne me pose plus aucun problème aujourd'hui. J'ai bien sûr eu mes périodes de doutes, je me disais que comme je faisais des spectacles sur scène, il fallait que j'anime des programmes plus légers. Mais les choses sont tellement plus simples. Je le dis très modestement, je fais salle comble partout où je passe depuis que j'ai arrêté d'essayer de faire le comique. Et là, ma vie est redevenue limpide, c'est-à-dire que je sais où je vais, ce que je dois faire et ce que je ne dois pas faire et laisser aux autres.
Vous n'êtes donc pas lassé de l'étiquette de "Zorro du PAF" ?
Je préfère que l'on dise de moi que je suis le "Zorro du PAF" qu'un idiot de la télé. Pour autant, je ne veux pas laisser croire que j'ai eu un jour une mission divine. La vie a fait que je me suis retrouvé à faire ça. Je le fais avec passion. La chance que j'ai, c'est de me lever le matin pour aller faire une émission de radio.
Vous ne serez donc pas en concurrence avec Olivier Minne, animateur de jeux sur France 2 et nouvelle recrue de M6 la saison prochaine ?
Je ne suis pas du tout sur ce terrain. En plus de cela, je vous le dis, mon objectif aujourd'hui, c'est d'en faire moins que plus. Je suis au taquet du taquet de ce que je peux faire. Je lutte contre la fatigue.
À ce point-là ?
Ma vie est millimétrée du lundi au jeudi. Je démarre le lundi avec 6 heures d'antenne : ça commence par 3 heures de "Ça peut vous arriver" le matin en direct suivies de 3 heures l'après-midi, qui couvrent les jours de vacances (5 jours à Toussaint, 8-10 jours à Noël, 5 jours en février, ndlr). Je fais donc 6 heures d'antenne tous les lundis. Le mardi matin rebelote, 3 heures de direct le matin. L'après-midi du mardi est consacrée soit aux enregistrements de "Capital" ou d''À quel prix ?' soit à la préparation d''Appel à témoins'. Dans ces cas-là, nous terminons à minuit et demi. Je reprends le mercredi avec 3 heures de "Ça peut vous arriver" en direct le matin avant 3 heures d'enregistrement l'après-midi pour couvrir l'émission du vendredi, mon jour off. Je termine le jeudi avec les 3 heures de direct le matin. Il peut aussi y avoir quelques petites surprises avec, par exemple, l'enregistrement d''On n'est pas forcément d'accord !', le vendredi et le samedi de 8h à 18h. L'avantage, c'est que je m'éclate. Mais pour les gens qui pensent que la vie des présentateurs télé, c'est décapotable, boîte de nuit et compagnie... Pour ma part, c'est au lit à 21h30 parce que si je ne dors pas à 22h, je ne tiens pas. Je ne veux pas boire une goutte d'alcool avant le jeudi pour pouvoir bien dormir.
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Pourquoi ajouter alors une marque supplémentaire à votre planning surchargé avec "J'en connais un rayon !" ?
Parce qu'à un moment donné, vous avez un esprit créatif. J'ai pondu dans ma vie des tas de concepts. Du "Grand frère", aux "Confessions intimes" en passant par "Le jour où tout a basculé" et "Tous ensemble". Je déjeunais avec Guillaume Charles et je lui ai dit que personne au monde n'avait fait un quiz sur les hypermarchés. L'hypermarché, c'est un lieu de vie. Toute la famille y va. Et il y a des tas de questions à poser sur les pièges à éviter. Il m'a demandé si je voulais le produire, j'ai préféré m'associer à Studio 89 parce que je n'aurais pas eu vraiment le temps de développer le concept. Je ne suis donc pas allé voir Guillaume Charles en lui disant qu'il me fallait une émission de plus. Mais quand votre patron vous dit, "Je prends l'émission", vous n'allez pas lui dire non. Mais que l'on soit bien d'accord, nous ne sommes pas sur les 30 "Capital" par an ou les 9 "Arnaques !". Il s'agit là de deux émissions qui se tournent dans la même journée en plus.
Avez-vous pensé à arrêter ou laisser les commandes d'une émission à un autre animateur de la chaîne ?
Non non, pas pour l'instant. Je veille simplement avec M6 que la diffusion des émissions soient suffisamment espacées pour respirer un petit peu. Dans le détail, nous aurons donc au moins 6 numéros d''Arnaques' à partir de septembre. Nous avons fait 6 numéros d''Appel à témoins' cette saison, on devrait en avoir autant pour la prochaine. Je peux vous affirmer qu'il y aura au moins encore 3 ou 4 numéros d''On n'est pas d'accord !', mon émission préférée, et donc deux numéros de "J'en connais un rayon !". Nous verrons si cela marche. "À quel prix ?" revient elle aussi.
Dans votre carrière, vous avez présenté des programmes aux audiences phénoménales...
J'ai effectivement présenté une émission spéciale "sectes" le 10 janvier 1996 devant 11 millions de téléspectateurs. Cette émission a d'ailleurs une histoire qui me donne l'occasion de rendre hommage à Étienne Mougeotte (ancien numéro deux de TF1, ndlr), un seigneur de la télé. Dans "Sans aucun doute", on faisait des émissions sur les sectes deux fois par an. Un jour, je vais le voir et je lui dis qu'il faut en faire un prime parce que cela passionne les gens. Il me dit : "Cela tombe bien, mi-janvier, période où les enjeux publicitaires sont peu importants, j'ai un mercredi, tu me fais ton prime".
Quelques jours avant la date du prime, survient le drame de l'Ordre du Temple solaire. À ce moment-là, la rédaction de TF1 et Patrick Poivre d'Arvor montent au créneau en disant : "On récupère le prime de Courbet". Et Mougeotte, qui avait pourtant toute la rédaction sur le dos, a tenu bon, lui rétorquant que "Courbet avait eu l'idée avant". Et comme je ne suis pas un idiot, j'ai dit à la rédaction que j'allais faire appel pour m'accompagner au journaliste spécialiste des sectes, qui s'appelait Bernard Nicolas. Nous avons ouvert l'émission avec le père Vuarnet, qui venait de perdre sa mère et son frère (adeptes de cette secte qui prônait le transit vers Sirius grâce au suicide collectif, ils ont été retrouvés morts carbonisés dans une forêt du Vercors, à Saint-Pierre-de-Chérennes, ndlr). Nous avons fait 11 millions de téléspectateurs. J'ai également réussi à faire plus de 10 millions avec un numéro des "7 péchés capitaux".
La réalité aujourd'hui est bien différente. Comment parvenez-vous à être apaisé quand "Arnaques !" réunit à peine plus d'un million de téléspectateurs ?
Aujourd'hui, je suis beaucoup plus zen. Un jour, j'ai été convoqué chez Étienne Mougeotte pour une cellule de crise. Ils étaient 6 autour de moi. Ils ont pris leur ton le plus sérieux pour me dire "Julien, cela ne va pas du tout. C'est la crise". Je demande ce qu'il peut bien passer. Ils me répondent : "Tu as fait 5,9 millions". Aujourd'hui, au lendemain de la diffusion d''Arnaques !', je reçois des textos pour me dire : "Bravo ! Quelle résistance, Julien !" (rires). Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Mon ego n'en prend pas un coup, d'abord parce que tous les animateurs y passent. Puis parce que j'ai connu la bonne période du média TV. Aujourd'hui, son mode de consommation a évolué et les plateformes ont émergé.
En 2025, M6 a dépassé les 8 points de part d'audience en avril et en mai après trois premiers mois compliqués. Croyez-vous en sa remontée ?
Le problème, c'est que ce jargon-là n'intéresse pas ceux qui vous lisent et le grand public. On donne les chiffres bruts mais il faudrait les analyser. M6 est une chaîne commerciale qui ne vit que de la publicité. La vraie question est ailleurs. Quand un "Capital" coûte 200.000 euros, le blockbuster de TF1, lui, coûte 1 million d'euros. Le lundi matin, vous vous apercevez que le blockbuster de TF1 réunit 26% des ménagères (Femmes responsables des achats âgées de moins de 50 ans, ndlr) et Capital 20%. La plus rentable, c'est M6.
Vous avez travaillé au sein des 4 groupes télé les plus puissants, TF1, France Télévisions, Canal+ et M6. Quelle est la plus-value de ce groupe-là ?
M6, c'est le dialogue, la simplicité, l'accès aux patrons. À TF1, il y avait Étienne Mougeotte qui était vraiment l'empereur mais qui vous recevait. Je lui ai vendu un jour un prime sur les mariages en 1'40" montre en main. Je garde en revanche un très mauvais souvenir de France 2 qui représente une partie de ma vie très compliquée, très politique. On ne m'a jamais demandé sur TF1 ou M6 lorsque j'arrivais avec un projet si je connaissais un ministre qui appuyait ma démarche. À France 2, on me le demandait à chaque fois. Sans prévenir, on pouvait vous enlever votre émission. Pourquoi ? Parce qu' on doit rendre un service à untel. J'ai subi des déprogrammations à cause de ça. Ce n'est pas un secret. "Seriez-vous un bon expert ?", qui était un jeu que je présentais, a été déprogrammé et remplacé par un feuilleton venu de nulle part qui a tenu 15 jours (Le tourbillon de l'amour", ndlr). Le feuilleton en question était produit par un ami du président de France Télévisions. On m'a dit "On dégage Courbet pour mettre le feuilleton". Et c'est parce que j'ai fait un tweet qu'après, j'ai été viré. Alors peut-être qu'avec Delphine Ernotte, tout ça a complètement changé. Mais c'est le souvenir que je garde de mon expérience avec France Télévisions.
Vous l'avez dit, vous avez crée de nombreux concepts avec La Concepteria, société que vous avez lancée il y a 20 ans. La production prendra-t-elle un jour le dessus sur l'animation ?
Aujourd'hui, au contraire, l'animation a pris le pas sur la production puisque je n'ai plus une minute à moi pour me mettre derrière un bureau et écrire des idées. Je suis bien moins prolixe que je l'étais à l'époque, où je consacrais des journées entières à la création avec mon associé Nicolas Mathieu. Il en sortait de belles merdes mais nous accouchions parfois de bonnes idées. Maintenant, j'essaie davantage d'aiguiller les producteurs afin que mon idée sur le papier converge avec sa réalisation. C'est de cette façon que nous avons travaillé avec Studio89 pour "J'en connais un rayon !". J'applique les mêmes méthodes avec les sociétés spécialisées dans le reportage pour "Arnaques" et "Capital", dont je suis fier de constater qu'elle conserve ses 2 millions de téléspectateurs.