Karim Rissouli : "Si j'ai arrêté 'C Politique', c'est parce que j'allais dans le mur"

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Karim Rissouli : "Si j'ai arrêté 'C Politique', c'est parce que j'allais dans le mur"
Par Florian Guadalupe Journaliste
Passionné de sport, de politique et des nouveaux médias, Florian Guadalupe est journaliste pour Puremédias depuis octobre 2015. Ses goûts pour le petit écran sont très divers, de "Quelle époque" à "L'heure des pros", en passant par "C ce soir", "Koh-Lanta", "L'équipe du soir" et "La France a un incroyable talent".
Bande-annonce de "La fabrique du mensonge" sur France 5 avec Karim Rissouli © Romain RIGAL-FTV
Dans cette interview accordée à puremedias.com, Karim Rissouli évoque ses productions, ses émissions à venir et sa vision du débat public.

Une nouvelle émission pour la figure de France 5. À l'occasion des deux ans de "C ce soir", Karim Rissouli accorde un long entretien à puremedias.com. Dans cette deuxième et dernière partie de l'interview, le présentateur analyse l'état du débat public en France. Ancien animateur de "C Politique", il revient sur son expérience à la tête du programme dominical de la Cinq, dont il est aujourd'hui producteur. Le journaliste s'exprime également sur le format "La fabrique du mensonge" qu'il présente sur France 5 et détaille dans les grandes lignes son futur nouveau format, "Voyage en terre opposée".

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A LIRE : Karim Rissouli : "On a dépassé les espérances d'audience de 'C ce soir'"

Propos recueillis par Florian Guadalupe.

puremedias.com : Comment analysez-vous l'état du débat public en France ?
Karim Rissouli
: Si je vois le verre à moitié plein, je me dis qu'il y a quand même des émissions, comme "C ce soir", "C Politique", "28 minutes" ou "C dans l'air", qui donnent du sens à l'actualité et qui marchent en audience. Ce sont des émissions qui prennent le temps et qui ne cherchent pas à exciter la société. Il n'y a pas qu'un seul débat public. En revanche, il y a aussi des émissions et des chaînes - je n'ai pas besoin de les nommer - qui excitent le débat plutôt qu'autre chose. Je pense qu'on est à un moment charnière pour le débat public. Et je ne suis pas sûr que ça bascule du mauvais côté. Le service public a un rôle essentiel à jouer. Nous n'avons pas la pression du buzz, de la polémique gratuite et de l'audience à tout prix. Il faut qu'on joue notre rôle et je trouve qu'on le fait. Parfois le débat public m'inquiète, parfois je me rassure aussi.

Ils ont dit
"Nous devons résister à l'accélération du débat et du temps, et lutter contre nos bas-instincts"
Karim Rissouli

Comment arrive-t-on à poser un débat à une époque où tout va très vite et tout doit rapidement être consommé, à l'image des chaînes d'information, des réseaux sociaux, mais aussi d'applications comme Tiktok ou Twitter ?
D'abord, nous devons résister face à nos propres tentations de succomber à ça. Dix fois par jour, si je regarde les chaînes d'information, j'ai envie de changer le sujet du soir de "C ce soir", parce que je peux me dire qu'on va être à côté. Mais en fait, non. Il faut appuyer sur pause et se tenir à ce que nous avons décidé. Il faut avoir des convictions très profondes. Et encore une fois, il faut une chaîne qui permette de le faire. Nous travaillons dans un cocon où nous sommes libres avec une chaîne qui nous soutient. Il est nécessaire de proposer un contre-modèle à l'accélération permanente de la société. C'est ce qu'on fait avec "C ce soir" ou "C Politique" : prendre du temps pour donner du sens. Je ne pense pas qu'une actualité chasse l'autre. Par exemple, il y a quelques semaines, lors de l'annonce des mesures sur la retraite, il y a l'assaut à Brasilia des sympathisants de Bolsonaro. Finalement, on a gardé le thème des retraites le lundi soir et on a fait le Brésil le mardi, 48 heures après l'événement. Sur n'importe quelle autre chaîne, ça n'aurait pas été l'actualité. Moi, je considère que ça peut encore l'être. C'est important de changer l'approche de ce qu'est une actualité. Une actualité n'est pas une information effacée par un nouvel "urgent" de l'AFP. Nous devons résister à l'accélération du débat et du temps, et lutter contre nos bas-instincts. Nous avons tous des bas-instincts qui feraient qu'on a tous envie de débattre de la première polémique venue.

Tous les sujets sont-ils matière à débat ?
Il n'y a pas de mauvais sujets de débat. J'en suis persuadé. En revanche, il y a parfois de mauvaises questions. L'une des spécificités de "C ce soir" est de toujours poser la bonne question. La question, ce n'est pas de parler ou non d'immigration sur le plateau. J'adore parler du sujet de l'immigration. Mais je ne poserai jamais la question : "Y a-t-il trop d'immigrés en France ?". C'est une question qui va par nature exciter le débat et les camps. Toutefois, nous allons toujours nous creuser la tête pour nous poser une question différente et plus nuancée, qui va permettre de débattre du sujet de manière plus sereine. C'est l'art de poser la question qui peut nous distinguer. Ensuite, oui, je pense qu'on peut et qu'on doit débattre de tout ! De manière très schématique, je ne ferai jamais de débat : "Le réchauffement climatique est-il une réalité ?". Mais "Comment lutter contre le réchauffement climatique ?". Là, il y a plein de questions : est-ce par des actions radicales ? Est-ce contre-productif ? Est-ce utile et efficace ? Donc, tout se débat mais pas n'importe comment.

Ils ont dit
"Je suis meilleur dans 'C ce soir' depuis que j'ai arrêté 'C Politique'"
Karim Rissouli

Et du débat, vous en avez mené dans "C Politique" sur France 5. Depuis la rentrée, vous avez cédé les commandes à Thomas Snegaroff. Est-ce que ça vous manque l'animation de cette hebdomadaire ?
Non, ça ne manque pas. Je n'ai pas le temps. Puis, je suis très serein car "C Politique" est encore là. Je participe encore aux conférences de rédaction. Une fois par semaine, le jeudi, je suis présent. J'ai encore un rôle de co-producteur éditorial sur l'émission. J'y suis encore un peu, en laissant Thomas s'exprimer et s'installer. Il le fait très bien. Si j'ai arrêté, c'est parce que je pense que j'allais dans le mur. Si j'avais continué ce rythme-là avec l'exigence que demande "C ce soir" et l'exigence que demande "C Politique", physiquement, je n'aurais pas tenu. L'année dernière, ça a été difficile. J'espère que ça ne s'est pas vu. Il y a eu beaucoup de travail de nuit pour essayer de tout cumuler. C'était du sept jours sur sept. Je pense que ça aurait été une très mauvaise idée que je continue. Je suis meilleur dans "C ce soir" depuis que j'ai arrêté "C Politique". J'ai plus de temps. Mon esprit est plus libre pour réfléchir avec les équipes. Et c'est mieux pour "C Politique". Thomas est investi et me remplace très bien.
Par ailleurs, le dimanche, je suis très heureux d'être chez moi (rires). Le dimanche, je me fais encore parfois la réflexion de me dire à 14h : "Je devrais être en train de partir en plateau". Et là, ça ne me manque pas du tout. Je suis très heureux d'être chez moi avec ma famille et mes potes.
Et enfin, ça ne manque pas parce que j'ai décidé de partir. C'est une leçon de la vie, que ce soit dans les médias, le sport, tout... Quand on décide de partir, c'est quand même plus facile.

Mais vous êtes encore resté en tant que producteur éditorial. Quel est votre rôle exactement ?
Il y a un producteur qui s'appelle Benjamin Oulahcene, avec qui on produit "C ce soir" également. Lui, il est plus en pointe sur l'opérationnel et le quotidien de "C Politique". Moi, je fais part de mon expérience. C'est un rôle de conseil éditorial. Si Thomas a besoin de quoi que ce soit, je suis présent. J'interviens un peu dans la construction de l'émission et dans la façon de problématiser les angles. C'est un rôle vraiment en retrait. Tant qu'ils estiment qu'ils ont besoin de moi, d'une manière ou d'une autre, je suis là. Mais s'ils n'ont plus besoin de moi, je passerai à autre chose.

Et contrairement à l'animateur, le producteur a-t-il un regard plus prononcé sur les audiences ?
Peut-être oui. (rires) C'est vrai. En fait, il a un regard plus froid. Quand on sort de deux heures et demie de direct, comme c'est le cas de Thomas, c'est violent d'être jugé par une audience qui tombe à 9h du matin, et qui parfois ne correspond pas du tout à la qualité de l'émission qu'on a faite. Quand on est uniquement producteur, on a un regard plus distancié. C'est pour ça que c'est bien qu'on n'ait pas que des animateurs-producteurs. On a besoin du regard des autres. Je n'ai jamais été seul animateur et producteur. J'ai toujours eu quelqu'un avec moi. Mais c'est une bonne expérience. C'est possible qu'un jour je me dise que j'ai fait mon temps à l'antenne et je serai ravi d'être uniquement producteur à ce moment-là. J'apprends des choses au quotidien. C'est une chance énorme de pouvoir faire les deux aujourd'hui.

Ils ont dit
"Quand on fait des émissions politiques, on est habitués à ce que personne ne soit vraiment content"
Karim Rissouli

Quittons la production et revenons alors à l'animation. Vous êtes aussi à la tête de l'émission de prime time "La fabrique du mensonge" sur France 5.
Oui, là, je suis uniquement animateur. C'est co-produit à présent par Together et Babel Doc. Je trouve que "La fabrique du mensonge" est monté en gamme depuis que nous sommes en co-production avec Babel. Avec "La fabrique du mensonge", j'ai vraiment le sentiment d'être utile pour la société. Quand nous décryptons toute la production de fake news de Vladimir Poutine depuis dix ans, je trouve qu'on apprend des choses, qu'on remet l'histoire en perspective et qu'on remet du sens à l'actualité récente. "La Fabrique", quand ça a été lancé, on ne parlait pas autant de complotisme qu'aujourd'hui. Le projet date d'au moins cinq ans. C'est Felix Suffert Lopez qui avait ce projet et qui le produit toujours d'ailleurs.

Sur quelle thématique sera le prochain numéro ?
Alors, le prochain numéro, qui sera diffusé en février, portera sur l'histoire entre Johnny Depp et Amber Heard. On s'intéressera aux masculinistes. On est actuellement en montage.

Cette émission se penche sur les conspirations et les fakes news, qui peuvent être relayées par des personnes parfois agressives sur les réseaux sociaux. Recevez-vous des menaces sur internet ? Ou êtes-vous victimes de cyberharcèlement ?
Je n'ai jamais vécu de grandes vagues de cyberharcèlement. J'en subis un peu régulièrement de la part de certains groupes. Mais je ne suis pas le seul à vivre ça. Quand on fait des émissions politiques, on est habitués à ce que personne ne soit vraiment content. Les macronistes, les mélenchonistes et les lepénistes sont par exemple très actifs. D'ailleurs, parfois, les mêmes anonymes vont me critiquer pour une émission qu'ils vont juger anti-Mélenchon et vont me féliciter pour l'émission d'après qu'ils vont juger anti-Macron. Ensuite, il y a quelques années, j'ai subi des vagues de la part du Printemps républicain. Ils m'avaient beaucoup attaqué sur ces accusations d'islamogauchisme. Pour moi, c'était juste des accusations tout simplement racistes et discriminantes. Si je m'étais appelé Florian ou Carole, je n'aurais jamais subi ce genre d'attaques. Après, quand on fait des docs, que ce soit sur les Russes, mais aussi les partisans d'Alain Soral, il y a toujours un petit pic au moment de la diffusion. Quand on diffuse un numéro de "La fabrique du mensonge", je ne regarde pas Twitter pendant trois ou quatre jours. Ca permet de laisser passer la vague. Je ne suis pas un obsédé des réseaux et j'essaye de me protéger beaucoup de ça, pour que ça ne m'influence pas trop dans mes choix de sujets dans les émissions. On a envie bientôt de faire une émission sur le livre de Richard Malka, l'avocat de Charlie, qui a fait un texte très intéressant sur l'islam. Je sais qu'il va y avoir une petite avalanche d'attaques sur les réseaux.

Ils ont dit
"Si j'ai envie de parler au plus grand nombre, c'est sûr que ça peut passer par France 2 si la chaîne me le propose un jour"
Karim Rissouli

Vous êtes prochainement à la tête d'un nouveau format en prime time sur France 5. Le nom de code est "Voyage en territoire opposé".
Moi, j'avais envie de l'appeler "Voyage en terre opposée". Après, si le nom final est "Voyage en territoire opposé", personne n'ira au tribunal. (rires) Le nom doit encore être validé avec la chaîne. Pour l'instant, on va faire un premier numéro. J'y crois beaucoup et je pense que la chaîne y croit beaucoup aussi. J'en suis ravi. C'est la même logique que "C ce soir" : essayer de faire parler des France qui ne se parlent plus et essayer de retisser des liens, du débat et de la discussion dans ce pays. "Voyage en terre opposée", ça peut faire penser à "Rendez-vous en terre inconnue". C'est normal ! Un jour, on s'est dit qu'il fallait faire un "Rendez-vous en terre inconnue" politique, sociétal et intellectuel. Ce "Voyage en terre opposée", l'idée, c'est de prendre des hommes et des femmes, qui sont des intellectuels, des politiques, voire pourquoi pas des artistes engagés, et qui ont des convictions très profondes sur un sujet. Ensuite, c'est les emmener en "terre opposée", pour ne pas créer du clash gratuit, mais créer les conditions d'un débat différent. C'est aussi faire sortir certains intellectuels de leur "tour d'ivoire" et les amener sur le terrain, pour les confronter à la réalité. Pareil pour les politiques. L'objectif est vraiment d'essayer de créer des expériences qui vont les amener à changer de regard et à amener de la nuance dans leur propos. Ca peut être sur des sujets de débats très forts comme la laïcité.

Pourquoi ne pas l'avoir proposé sur France 2 ? Et plus globalement, aimeriez-vous animer des émissions sur la deuxième chaîne ?
C'est une question permanente. Mais pour "C ce soir", je ne pense pas que l'émission se serait installée comme ça sur France 2. France Télévisions doit aussi y penser parfois. On peut installer une émission sur France 5, puis peut-être parfois les faire migrer sur France 2. C'est arrivé. La télévision que nous proposons, est un format qui se prête bien pour l'instant à une chaîne comme France 5. Peut-être que j'aurais moins de liberté sur France 2 et la pression de l'audience, je l'aurais beaucoup plus. Ce sont des questions qu'on se pose en permanence. "Voyage en terre opposée" sera sur France 5 parce qu'aujourd'hui j'incarne la chaîne. Mais je pense que le groupe ne s'interdirait rien si c'était un énorme succès et que ça pourrait migrer sur une autre chaîne. Aujourd'hui, France 5 est la chaîne du débat. C'est la chaîne qui a aussi la plus belle cohérence du PAF.
Et pour revenir sur la question de France 2, oui, je me la pose. Si j'ai envie de parler au plus grand nombre, c'est sûr que ça peut passer par France 2 si la chaîne me le propose un jour. C'est possible. Mais ça se fait toujours au prix de quelque chose. Je pense que la liberté totale que j'ai sur France 5, je ne sais pas si je la retrouverai ailleurs. Je me souviens d'une discussion avec François Busnel à mes débuts à "C Politique" : "Tu sais moi, 'La grande librairie' aurait pu migrer sur d'autres chaînes, mais j'ai toujours gardé ma liberté en restant sur France 5". Cet échange m'avait marqué et je pense qu'il n'avait pas totalement tort. Mais j'ai cette ambivalence de vouloir parler au plus grand nombre. J'espère qu'un jour, on essayera et que ça marchera.

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