Radio
Laurent Guimier (franceinfo) : "Il faut garder cet esprit de 'start-up trentenaire'"
Publié le 19 janvier 2017 à 12:43
Par Benjamin Meffre
puremedias.com analyse les bonnes audiences de franceinfo avec Laurent Guimier, son patron.
Laurent Guimier, le patron de franceinfo Laurent Guimier, le patron de franceinfo© franceinfo
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Bonne vague d'audience pour franceinfo. Profondément remaniée depuis deux ans par son patron, Laurent Guimier, la station du service public s'impose comme la quatrième radio de France, devant Europe 1. La station tout info enregistre ainsi sur la vague novembre-décembre une nouvelle hausse de plus de 250.000 habitués sur un an pour intéresser au quotidien 4,76 millions de Français, son plus haut niveau depuis huit ans. Elle signe aussi une très forte hausse sur une vague où franceinfo gagne 507.000 curieux. puremedias.com analyse ces bons résultats avec le patron de la station, Laurent Guimier.

Propos recueillis par Benjamin Meffre.

puremedias.com : Il y a deux ans, on disait que l'info en continu à la radio était condamnée à disparaître. Aujourd'hui, vous êtes au plus haut depuis huit ans. Comment expliquez-vous ce retournement ?
Laurent Guimier : C'est la preuve que ceux qui disaient cela se sont trompés ! Je suis extrêmement tranquille pour répondre à cette question puisqu'en arrivant à la tête de franceinfo il y a deux ans, j'ai dit exactement le contraire ! Les gens disaient qu'à cause du web et de la télé, l'info en continu n'avait plus sa place à la radio. J'ai dit qu'on allait prouver le contraire et on est en train de le faire. Il y a deux ans, nous étions partis d'un constat simple : celui que le problème de franceinfo n'était pas celui de sa rédaction ou de ce qu'elle faisait mais résidait plutôt dans sa manière de faire et de l'incarner. Notre projet a reposé sur deux piliers : la réaffirmation d'une identité et d'une vocation très forte : l'info en continu; et d'autre part le choix de l'innovation. Je pense que c'est ça qui fait que franceinfo marche bien aujourd'hui alors même que le contexte n'est pourtant pas très favorable avec un média radio qui est particulièrement faible notamment.

Vous avez pris à rebours tout le monde en retournant justement à l'actu chaude...
Oui, je pense que ces bons résultats récompensent un projet clair. Celui qui est de dire : "On joue le match de l'info en continu et on se redéfinit par ce que nous n'aurions jamais dû cesser d'être : la référence de l'information en continu en radio, mais aussi sur les autres supports". C'est la V30 de cette radio qui fête ses 30 ans d'une certaine façon. Nous avons mis encore plus de moyens sur ce qui constitue notre identité et notre culture : la qualité, le sérieux, la rigueur et la réactivité. C'est ainsi que nous avons lancé des chantiers comme l'agence de certification de l'information créée au sein de franceinfo il y a un an et qui a déjà produit près de 15.000 dépêches.

"Il n'y a qu'un seul franceinfo !"

Vous imposez la même rigueur dans le traitement de l'info à la radio et sur le digital ?
Bien sûr ! J'ai toujours dit que le projet de franceinfo était le même pour tous les supports. Le problème n'est pas le support. Il n'y a qu'un seul franceinfo !

Vous passez devant Europe 1 sur cette vague. Est-ce un motif de satisfaction supplémentaire ?
Le premier instrument d'analyse, c'est notre dynamique propre. Nous sommes la seule radio qui connaît une progression à deux chiffres depuis deux ans, avec 10% d'auditeurs en plus. Ca, c'est important. La deuxième chose, c'est la distance qui nous sépare de nos concurrents. Effectivement, elle augmente puisque c'est le plus grand écart avec RMC depuis quatre ans et avec Europe 1 depuis 10 ans. Donc oui, nous sommes contents d'avoir distancé nos concurrents. Mais après, c'est plutôt à eux qu'il faut demander ce qu'ils pensent du score de franceinfo. Ca m'intéresserait de le savoir ! (Rires)

La situation actuelle d'Europe 1 que vous connaissez bien vous attriste ?
Non, je n'ai pas de commentaires à faire sur Europe 1. J'ai des amis à Europe 1 et vous me permettrez de garder ce que j'ai à dire à mes amis pour mes amis.

Vous progressez fortement sur un an alors que la vague novembre-décembre 2016 était marquée par une actualité particulièrement forte liée au 13 novembre 2015. C'est d'autant plus rassurant ?
La période à laquelle on se compare est, il est vrai, une période de très forte activité avec une actualité particulièrement dramatique liée aux attentats. Ces bons résultats sur la vague 2016 soulignent donc d'autant plus la réussite de notre projet, même si nous avons cependant aussi connu deux gros évènements avec l'élection de Donald Trump et les primaires de la droite et du centre. Je pense tout simplement qu'il y a un effet amplificateur du projet lancé il y a deux ans et demi. Ca prend toujours du temps de revenir dans le match, de faire redécouvrir ou découvrir franceinfo. Ce qui me rassure par exemple, c'est qu'il y a deux ans, jamais aucun taxi que je prenais n'écoutait franceinfo, aujourd'hui, ça recommence. On peut me dire que c'est une analyse au doigt mouillé. Je pense malgré tout que cela montre que des gens reprennent goût à franceinfo.

"Je suis incapable de vous dire la part du média global dans notre succès d'audience à la radio"

On a l'impression que vous êtes les premiers bénéficiaires du lancement de l'offre globale d'information franceinfo en septembre dernier. Vous l'analysez comme cela ?
Je suis incapable de vous dire la part du média global dans notre succès d'audience à la radio. Si cela lui profite, tant mieux ! Comme je l'ai déjà dit, les fondations de ce succès remontent selon mois à deux ans et demi avec le recentrage de notre radio sur sa vocation. Après, l'empreinte globale de franceinfo est réaffirmée depuis septembre avec un projet télé et un projet numérique extrêmement puissant. Cela ne peut pas faire de mal à la radio. Ce qui est amusant, c'est qu'il y a un an, vos confrères me reprochaient exactement le contraire. On me disait que je risquais de tuer la radio...

Ces bons résultats radio contribuent-ils à calmer les craintes qui se sont exprimées au moment du lancement de cette offre globale ?
Je pense qu'objectivement, ça va être de nature à calmer les dernières craintes.

Le climat s'est-il amélioré depuis la grève de décembre ?
Nous continuons les discussions avec les organisations syndicales sur les garanties qu'on donne aux salariés sur les modalités de collaboration avec la télévision. Pour faire simple, chaque collaborateur pourra ne pas faire de télévision s'il ne le souhaite pas. C'est très clair et j'en suis le garant. Les garanties formelles sont maintenant sur la table. C'est désormais aux organisations syndicales de se prononcer.

"On travaille sur deux ou trois idées assez marrantes pour la présidentielle"

Des modifications sont-elles encore à attendre du côté de la grille ?
Non, très peu. Franchement, on a installé une grille qui fonctionne très bien. La nouvelle mécanique de septembre avec des rendez-vous d'info toutes les 10 minutes est un succès. Il n'y a donc aucune raison de la remettre en cause. Il y aura sans doute des petits changements dans la grille du fait de l'élection présidentielle. Cela va nous permettre de proposer des projets nouveaux entre février et mars.

Quels seront-ils ?
On est en train de travailler avec la rédaction sur deux ou trois idées assez marrantes. Je ne peux pas encore vous en dire plus car elles ne sont pas encore définitivement validées.

Quelle est la philosophie générale alors ?
Toujours la même chose : la qualité, une rigueur totale mais qui n'empêche pas la décontraction. Depuis que je fais de la radio, je pense qu'il n'y a pas de contradiction entre la rigueur et la réactivité ou entre la rigueur et la décontraction.

"Nous sommes 'la' radio du reportage"

Y'aura-t-il plus de terrain comme certains médias semblent vouloir le faire pour contrer le procès en déconnexion qui leur est fait régulièrement ?
C'est déjà le cas sur franceinfo ! C'est la radio sur laquelle il y a d'ores et déjà le plus de reportages et c'est le cas depuis 30 ans ! Nous sommes "la" radio du reportage. Nous allons simplement appliquer cette culture de l'information à l'élection présidentielle. Nous, nous n'avons pas à amender notre projet car on est en permanence sur le terrain. Je ne pense pas que nous soyons déconnectés. Si on l'était, je pense que notre audience s'en serait ressentie.

Quel sera la V32 de franceinfo ?
Je ne sais pas. Je pense que la recette du succès actuel et à venir de franceinfo est celle d'un moteur hybride avec de l'identité et de l'innovation. C'est cette identité enrichie d'une super rédaction qui continuera à faire le succès de franceinfo. Il faut continuer à bouger, ne surtout pas "s'embourgeoiser". Je ne sais pas ce que sera l'innovation dans deux ans, ni quels nouveaux territoires nous devrons conquérir ou comment sera l'offre d'information dans deux ans. Ce que je sais, c'est que si franceinfo continue d'oser, d'inventer, d'être audacieuse comme nous le sommes actuellement, cela marchera. Il faut garder cet esprit de "start-up trentenaire".

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