Si on pose le contexte des chiffres, la tendance est à la forte progression : les recettes publicitaires de l'audio digital se sont élevées à 48 millions d'euros en 2021 d'après les données de l'observatoire de l'epub du SRI, soit 3 fois plus qu'en 2019. Elles devraient être proche de 70 millions d'euros en 2022 si on se fie à la tendance du 1er semestre. Pour les 9 premiers mois de 2022, Kantar quantifie 850 annonceurs et précise que l'audio digital est désormais dans les plans médias de près des 3 quarts des marques présentes en ligne.
C'est à peu près l'équivalent de 10% des investissements publicitaires de la radio qui s'élevaient à 686 millions d'euros en 2021 avec une tendance stable (la radio pesant elle-même moins de 5% des budgets publicitaires en France). On est donc, comme on dit, sur un "gros potentiel", mais le volume reste encore modeste.
Aux USA, on change de braquet, le marché publicitaire des podcasts est déclaré à 1,5 milliard de dollars en 2021, soit le double de 2019.
L'équation de la monétisation reste compliquée pour de nombreux éditeurs audio. Problème: comment financer la création, la production ou la distribution d'un podcast quand l'espace publicitaire reste restreint ? Sachant que l'on n'est pas comme en radio traditionnelle dans une logique d'écrans à plusieurs spots, mais dans un espace préservé. Tout au plus l'auditeur tolère un preroll (pub d'ouverture), un postroll (en fin de podcast), parfois un spot au milieu de la séquence ou un sponsoring de l'ensemble de la séquence.
Une forte présence des adtechs
Comme dans l'ensemble de la publicité digitale, les systèmes se sont largement automatisés. Des plateformes regroupant des éditeurs (SSP) comme Magnite, Soundcast , Xandr qui rencontrent des plateformes regroupant des acheteurs d'espace publicitaire (DSP) comme Hawk, Adswizz ou The Trade Desk (liste non exhaustive) via différentes technologies. Ces DSP s'avèrent indispensables pour les acheteurs compte tenu de la diversité de l'offre, même si toute la transaction n'est pas automatisée.
Des plateformes dédiées proposent également des solutions de diffusion et monétisation comme Audion, Ausha, Acast, Spotifiy, Audiomeans ou Edisound, proche du groupe Reworld Media, qui met à disposition une offre technologie de monétisation.
Bien entendu, des groupes radio (M6, Lagardère) et leurs régies publicitaires vendent encore directement leur espace, tout comme des régies multi-radios digitales comme Targetspot (racheté dernièrement par Azerion) ou des éditeurs pure-players de podcasts qui créent leur régie.
Un acteur atypique, Audion, adtech française spécialisée dans l'audio déploie désormais une grande partie de la chaîne de la vente d'espace : régie publicitaire de marques de certains inventaires de Spotify, Deezer, Souncloud, RTL, RMC, NRJ, Slate, Boursorama, Prisma Media ainsi que de contenus type " text to speech " de 20 Minutes ou Unify. Il intègre des solutions techniques (adserving) et un outil permettant d'adapter automatiquement des créations (DCO). Sans oublier les outils d'hébergement pour les éditeurs de podcasts et toutes les solutions permettant de renforcer la visibilité des contenus. La société vient d'annoncer récemment une levée de fonds de 6 millions d'euros afin de poursuivre ses développements et de soutenir son expansion internationale.
Extrait du panorama de l'audio digital de l'IAB France
Une fonction média bien identifiée
D'après les données de Kantar, les marques qui font de la publicité sur l'audio digital proviennent en très grande majorité du secteur de la distribution. Jugez plutôt : Intermarché, E.Leclerc, Auchan et Lidl, sont aux 4 premières places du top 10 annonceurs d'après les données de Kantar pour les 9 premiers mois de 2022. Zalando, Ebay et Grand Frais figurent également dans le palmarès. Les télécoms sont également des marques fidèles à ce levier avec Bouygues Telecom et SFR.
S'il est une marque qui a adopté le média depuis le début de la montée en puissance de l'audio digital, c'est bien Intermarché. En ce moment, la marque pèse 27% des investissements publicitaires de l'ensemble du secteur retail selon Hervé Ribaud – Shinberg, Directeur Médias, Trafic & Acquisition chez Intermarché. Pourquoi un tel engouement ? " Tout simplement parce que ça marche! " affirme Hervé Ribaud – Shinberg. Il a développé, avec CSA data consulting, une modélisation économétrique permettant de mesurer l'efficacité du média et celle-ci se montre très satisfaisante. Par ailleurs, avec Hawk, son partenaire techno d'achat d'espace opéré avec Zenith (Publicis Media), des tests qualitatifs ont été opérés et l'efficacité sur l'item " intention d'achat " est parmi les plus hautes du marché.
Critère aussi important que l'efficacité : le profil des audiences. " Comme en TV, naturellement, les jeunes générations délaissent petit à petit le support traditionnel pour aller vers les interfaces digitales. Intermarché se doit de rester en contact avec les populations les plus jeunes et, pour cela, l'audio digital est un parfait complément de la radio et du digital. C'est une stratégie pérenne de notre part et non un positionnement opportuniste " ponctue Hervé Ribaud – Shinberg qui complète : " cette stratégie est confortée par le fait que les univers audios numériques bénéficient d'une rare qualité de contexte : des contenus brand safe et, pour l'instant, préservés en termes d'encombrement publicitaire ". Pour autant, les budgets publicitaires de l'audio digital ne viennent pas ponctionner les budgets radios traditionnels. " Je considère le budget audio digital comme une composante du budget digital global, mais j'apprécie qu'il soit traité par mon agence par des professionnels de l'audio ", précise Hervé Ribaud – Shinberg.
Alors, combien coûte la pub en audio digital ? C'est très variable en fonction des types de ciblages ou d'achat mais le prix oscille pour des spots audio en preroll entre 6 euros et 20 euros pour 1000 contacts, parfois davantage. Soit des prix proches de la vidéo en ligne. Dans le cas de sponsoring exclusif d'un podcast, avec un preroll audio contextualisé pour la marque sponsor, on peut monter à 60 ou 90 euros pour 1000 contacts. Un seul petit reproche à ce marché, c'est qu'il est encore très éclaté, malgré les modèles automatisés. Les acteurs sont nombreux et disparates. Hervé Ribaud – Shinberg rêve d'un " airbus de la vente d'espace de l'audio digital ". Nicolas Thorin, Associé et dirigeant chez Audio, confirme que ce marché est actuellement structuré de façon comparable à celui de la vidéo en ligne de 2015. On sait que, depuis, ce marché s'est fluidifié et simplifié. Cela ne devrait donc pas trop tarder.
Pour être complet, n'oublions pas que la publicité n'est pas le seul moyen de monétiser un podcast. De plus en plus de marques se lancent directement dans les podcasts de marques. Une stratégie de brand content permettant d'aller au-delà du discours publicitaire et d'enrichir les contenus de marques. On peut citer, à titre d'exemple, l'opération "Le pouvoir des plantes" d'Arkopharma avec NRJ Global.
Il y a des tentatives de podcasts payants comme chez Sybel. Est-ce que ça marche (pour l'instant) ? Selon Cyril Lacarrière dans sa chronique matinale sur France Inter : non. Il détaille la tentative de Slate pour faire payer son podcast " Transfert " et l'échec de Majelan, start-up de Mathieu Gallet, ex-Président de Radio France, rachetée depuis par ETX Studios.