La pression semble porter ses fruits. S'il n'est pas parvenu pour le moment à pousser Arnaud Lagardère vers la sortie comme il le souhaite, Amber Capital, premier actionnaire du groupe Lagardère avec plus de 16% du capital, a déjà réussi à infléchir une partie de ses décisions. Hier, Pierre Leroy, cogérant du propriétaire d'Europe 1, "Paris Match" et du "Journal du dimanche", a ainsi annoncé dans une interview au "Figaro" que les hauts dirigeants de Lagardère allaient réduire leur salaire en ces temps de crise.
"Les cinq membres de la gérance et du comité exécutif, Arnaud Lagardère, moi-même, Thierry Funck-Brentano, Ramzi Khiroun et Gérard Adsuar, ont décidé d'abandonner 20% de leur salaire fixe jusqu'à l'été et davantage si la situation se prolonge", a ainsi fait savoir Pierre Leroy, qui a précisé que les sommes économisées seraient reversées au fonds de solidarité Covid-19 créé par la société pour venir en aide à ses salariés.
Cette renonciation était l'une des demandes formulées par Amber Capital dans un courrier adressé à Arnaud Lagardère, le 09 avril. Le fonds créé par Joseph Oughourlian réclamait aussi que les dirigeants abandonnent la part variable de leur rémunération pour 2019, ce qu'ils ont en revanche refusé de faire, comme Pierre Leroy l'a annoncé au "Figaro". Les dirigeants de Lagardère ont également écarté la requête d'Amber Capital de reporter l'Assemblée générale de Lagardère prévue le 5 mai prochain.
"L'assemblée générale se tiendra bien le 5 mai à huis clos dans les conditions édictées par la loi et l'ordonnance gouvernementale, qui écartent par sécurité sanitaire la présence physique des actionnaires. L'AG pourra être suivie par tous sur internet", a ainsi détaillé Pierre Leroy, précisant que "compte tenu de l'impossibilité de sa présence, Amber ne pourra donc pas être scrutateur".
Guerre d'usure
La baisse de la rémunération fixe des dirigeants de Lagardère est la deuxième victoire d'Amber dans la guerre d'usure qui l'oppose à Arnaud Lagardère et ses proches depuis plusieurs mois. Le 7 avril, le fonds activiste était aussi parvenu à faire renoncer le groupe au versement du dividende. De quoi permettre à Lagardère de garder près de 130 millions d'euros dans ses caisses en ces temps de crise. De quoi aussi fragiliser la situation financière d'Arnaud Lagardère, dont le dividende sert notamment à éponger la lourde dette personnelle contractée dans les années 2000 pour asseoir son pouvoir au sein du groupe fondé par son père.
Le fonds activiste n'a cependant pas atteint son objectif principal qui est le changement de gouvernance de Lagardère, à laquelle il impute une mauvaise gestion depuis plusieurs années. Ce qu'on reproche au groupe (...) depuis maintenant 17 ans, c'est la très mauvaise gestion de la politique d'investissements et de désinvestissements. On a vendu presque 10 milliards d'actifs depuis plus d'une dizaine d'années, ça été une sorte de liquidation désordonnée du groupe pendant très longtemps", avait ainsi attaqué le fondateur d'Amber Capital, vendredi 27 mars sur "BFM Business". Le fonds a ainsi publiquement demandé la révocation du conseil de surveillance de Lagardère lors de la prochaine AG. Pas sûr qu'il obtienne gain de cause face à un système dit de commandite qui rend quasi-inexpugnable l'actuelle direction du groupe. Eléments de réponse le 05 mai prochain.