Interview
Adèle Van Reeth : "France Inter reste une chaîne extrêmement puissante alors que la radio faiblit"
Publié le 12 janvier 2023 à 16:00
Par Ludovic Galtier Lloret | Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
La directrice de la radio généraliste publique de référence commente, pour puremedias.com, les résultats des audiences de la vague novembre-décembre 2022.
Le premier billet de Matthieu Noël sur France Inter. © Abaca
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Elle règne sans partage sur le paysage radiophonique. France Inter confirme, en dépit d'une perte moyenne de 108.000 auditeurs sur un an, son statut de première radio de France, en novembre-décembre 2022. Avec une audience cumulée de 6,85 millions d'auditeurs et une part d'audience de 14%.

À LIRE AUSSI : Audiences radio : France Inter plie le match avec RTL, France Info en grande forme, Europe 1 doublée par RFM

Sur ces deux indicateurs, elle creuse l'écart sur son premier poursuivant, la radio privée RTL (12,8% de part d'audience). Pour puremedias.com, Adèle Van Reeth, directrice de France Inter depuis le début de cette saison, a accepté de faire le bilan de cette deuxième vague de la saison.

Propos recueillis par Ludovic Galtier

puremedias.com : France Inter a-t-elle plié le match avec RTL ?
Adèle Van Reeth : On a gardé la Coupe à la maison ! (sourire).

Je rappelle les chiffres : 1,1 million d'auditeurs d'avance et 1,2 point de part d'audience d'avance sur RTL sur la vague novembre-décembre 2022... Considérez-vous qu'il y a Inter et le reste du monde ?
Non, je ne peux pas considérer cela. Ce que je peux constater c'est que France Inter reste une chaîne extrêmement puissante dans un contexte, malheureusement, où l'écoute de la radio faiblit et change de nature. La stabilité de la puissance d'Inter est quelque chose qui est à souligner.

Vous faîtes allusion à la baisse constante du nombre d'auditeurs...
Disons qu'ils changent leurs habitudes d'écoute. Au fond, avant, on avait un transistor à la maison. On appuyait sur 'On' et on choisissait la chaîne. Aujourd'hui, on écoute la radio aussi sur le numérique, on réécoute la radio, on écoute des podcasts. On essaie d'adapter nos offres à ces nouvelles habitudes. France Inter a très tôt investi le podcast (France Inter reste la radio la plus podcastée en décembre 2022 avec 45 millions de podcasts écoutés ou téléchargés, ndlr). Ce tournant-là a été pris. C'est comme si on passait de la radio à l'audio et c'est cette transformation là qu'il faut à la fois initier et suivre.

"L'élargissement de la matinale jusqu'à 9h30 a été plébiscité" Adèle Van Reeth

Parmi les motifs de satisfaction, il y a le prolongement de la matinale avec l'arrivée de Sonia Devillers entre 9h et 9h30. L'interview de "L'invité de 9h10" a gagné 121.000 auditeurs sur un an. La greffe a pris ?
Exactement. Le changement que l'on a apporté en début de saison, cet élargissement de la matinale jusqu'à 9h30, a été plébiscité. C'est cela que je retiens de cette vague : une puissance maintenue et un accroissement de cette puissance par les nouveautés qui ont été apportées.

Quel espace, selon vous, Sonia Devillers est-elle venue combler sur cette tranche ?
Sonia Devillers a compris une chose : pour que France Inter continue à parler à autant d'auditeurs, il fallait aussi leur donner la parole. C'est ce qu'elle fait en invitant à son micro des acteurs de la société civile. Une à deux fois par semaine, elle donne la parole à des gens que personne ne connaît et qui ont accompli quelque chose, qui ont un parcours qu'elle relate. C'est du récit de vie, du témoignage et cette parole là n'existe quasiment pas ailleurs.

La matinale (7h-9h) passe, en revanche, sous le seuil symbolique des deux millions d'auditeurs en moyenne : 1,93 million d'auditeurs (-154.000 sur un an). C'est quelque chose qui vous affecte ou l'on parle là d'un caprice de riche ?
La matinale reste très puissante en nombre d'auditeurs. C'est quand même l'équivalent de la quatrième radio de France (en audience cumulée, ndlr). Je suis loin d'être inquiète pour cette matinale, qui réalise une part d'audience de 17% et une audience cumulée à 7,9%. C'est la troisième meilleure part d'audience de son histoire.

Aucun ajustement n'est donc prévu pour l'instant ?
Non, on ne lâche rien ! On continue !

"Les auditeurs qui ont découvert 'Zoom Zoom Zen' sont restés" Adèle Van Reeth

La situation est plus compliquée l'après-midi. "Zoom Zoom Zen", la nouvelle émission de Matthieu Noël, voit s'échapper 17.000 auditeurs sur un an (en quart d'heure moyen). "C'est encore nous" en perd 59.000 par rapport à la même période l'an passé. Vous faîtes le même constat ?
L'an dernier, France Inter a réalisé une performance historique. Les chiffres étaient inhabituellement hauts. Quand on atteint de tels sommets, c'est assez normal que par la suite, la comparaison fasse apparaître des résultats un peu plus faibles. Cela reste de très bons résultats. "Zoom Zoom Zen", effectivement c'est moins 17.000 auditeurs sur un an, ce qui reste dans la marge d'erreur d'ailleurs par rapport à l'an dernier. Mais depuis le début de l'année, c'est +82.000 auditeurs (+77.000, selon le critère du quart d'heure moyen, ndlr). Cela signifie que les auditeurs qui ont découvert cette émission, qui n'existait pas, sont restés. C'est par ailleurs, une émission qui cartonne en podcast puisqu'elle a atteint le million de podcasts mensuels. Donc ce ne sont pas des résultats qui m'inquiètent du tout.

Pas d'inquiétude non plus au sujet du "Téléphone sonne", émission plus installée qui perd 57.000 auditeurs sur un an ?
Ce type d'émission capte énormément d'auditeurs en période présidentielle. Là, on compare deux années qui n'ont rien à voir...

"La nouvelle technique d'audience Médiamétrie a ses limites" Adèle Van Reeth

Un petit mot pour finir sur la nouvelle technique d'audience de Médiamétrie, "EAR > Insights", que l'on a vu apparaître au début du mois de janvier 2023. Contrairement à l'EAR classique, celle-ci comptabilise le nombre d'auditeurs qui entendent au moins une fois par mois une station de radio. RTL s'est revendiquée, à ce titre-là, première radio de France devant Nostalgie, France Inter et NRJ. Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne cette mesure ?
En fait, ce sont deux mesures très différentes. 'L'EAR Insights' est davantage une étude de comportement, sur 5.000 auditeurs, qu'une unité de mesure. Concrètement, c'est un boitier (audiométrie individuelle portée, ndlr) qui comptabilise chaque radio entendue. Ce sont aussi des audiences passives, ce n'est pas forcément telle personne qui choisit d'écouter telle radio. C'est-à-dire que dans un centre commercial, dans un taxi, ce boîtier permet de mesurer quelles sont les radios que l'on est amené à rencontrer.

Quel est son intérêt ?
Cette étude-là, qui est plus automatique, a un intérêt : elle permet de quantifier le nombre de personnes qui vont écouter même une seconde la radio sur un mois. Elle a aussi pour l'instant des limites, c'est-à-dire qu'elle ne permet pas de comptabiliser l'écoute au casque. Donc ça, c'est un problème. Elle ne permet pas de comptabiliser non plus de manière fidèle les matinales puisque le boîtier est automatique mais encore faut-il l'allumer ! Or, ceux qui écoutent la matinale au réveil n'allument pas forcément le boîtier. Pour des radios comme Inter, où la matinale est très puissante, c'est un problème pour nous qu'elle ne puisse pas être correctement comptabilisée. Cette unité de mesure qui a été lancée va être amenée à se perfectionner.

La cohabitation de ces deux techniques ne va-t-elle pas brouiller les cartes, quand on voit qu'elles ne donnent pas les mêmes résultats ?
Pour l'instant, il y a une mesure de référence, la 126.000. 'L'EAR Insights' va essayer de s'adapter pour être encore plus précise et peut-être à terme se substituer à la 126.000 (ancien nom de l'EAR Médiamétrie). Mais on n'en est pas encore là. Si je dois néanmoins retenir un fait majeur de ces deux études, c'est la fidélisation des auditeurs. C'est-à-dire que quand on écoute une fois France Inter, généralement on y reste, on y revient. On est la chaîne qui capitalise le plus sur cette fidélité. Ce qui est vraiment un encouragement (la fidélité des auditeurs, déterminée grâce au nombre moyen de jours où l'auditeur écoute la station, est en effet à l'avantage de France Inter, ndlr).

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