Elle a été l'un des transferts du mercato télévisuel. Après 7 années passées dans l'émission de la mi-journée de Canal+, Anne-Elisabeth Lemoine a intégré lors de la rentrée dernière la bande de "C à vous", le talk-show d'access de France 5. Outre des chroniques médias et une participation aux interviews des différents invités de l'émission, la chroniqueuse s'apprête à prendre du galon en remplaçant dès ce soir Anne-Sophie Lapix, appelée à présenter "Mots croisés" sur France 2 une fois tous les quinze jours.
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
"Je ne voulais pas laisser passer la proposition de France 5"
puremedias.com : Après 7 ans sur Canal+, vous voilà sur France 5. Vous aviez peur de faire la saison de trop ?
Anne-Elisabeth Lemoine : Non. En fait, c'est surtout que la proposition de France 5 était trop belle, je ne voulais pas la laisser passer. Pas celle-là. Il y en a eu d'autres par le passé qui étaient séduisantes mais ce n'était pas le bon timing. Je sentais à l'époque que je pouvais encore grandir à "La Nouvelle édition". Cette fois-ci, avec ce qu'on me proposait à France 5, je gravissais un nouvel échelon. C'était plus exposé et on me proposait de remplacer Anne-Sophie Lapix régulièrement et ça, ça ne se refuse pas.
Ils fêtent leurs 30 ans cette année, vous êtes partie au mauvais moment, ils vont sans doute faire une grosse fête...
(Rires) Et oui ! Mais je préfère faire la fête à "C à vous" maintenant. Il y a plein de fêtes à venir avec cette émission.
Canal, c'était mieux avant ? La presse parle d'une "crise de la trentaine"...
J'ai connu Canal+ en 1998, à l'époque où Marc-Olivier Fogiel était à "TV+". J'ai donc bien connu Canal+ avec Alain De Greef (l'ancien directeur des programmes de Canal+, ndlr). J'ai adoré ces deux années surtout parce que je travaillais avec Marc-Olivier. Moi, je n'étais pas dans les fêtes parce que c'était avant que j'arrive. En 1998, c'était déjà la fin d'une époque. Donc, est-ce que c'était mieux avant ? Franchement, je ne sais pas. J'ai adoré toutes mes années "Canal" entre 1998 à 2000 puis entre 2007 et 2014. Mais je ne peux pas être nostalgique d'une époque que je n'ai pas vraiment connue.
Travailler sur une chaîne publique, c'est différent par rapport à Canal+ où les animateurs ont la réputation d'être choyés et protégés ?
J'ai l'impression qu'on est choyé sur France Télévisions. Sérieusement ! J'ai rencontré Bruno Patino (directeur des programmes de FTV, ndlr) avant de venir sur France 5. Rémy Pflimlin (le président du groupe audiovisuel public, ndlr) m'a envoyé un texto le jour de la première en me disant qu'il était ravi de m'accueillir sur France Télévisions. On a pris soin de moi quand même ! C'est vrai que Canal+ est très proche de ses animateurs, ils en prennent soin. Mais je n'ai pas l'impression que cela ne soit pas le cas sur France Télévisions.
L'access, c'est plus beaucoup plus de pression que le midi non ?
C'est plus regardé mais on est protégé malgré tout de cette pression par le producteur, Pierre-Antoine Capton. On n'est pas là à nous brandir les audiences comme une épée de Damoclès. Cette pression là, je ne la ressens pas. On est plus regardé, il y a plus de réaction des téléspectateurs parce qu'il y en plus. J'ai beaucoup plus de retours, c'est vrai.
"L'intégration s'est bien passée"
Les audiences de ces rendez-vous d'access sont particulièrement décortiquées. Est-ce que vous les regardez chaque matin ?
Ah oui ! On n'a pas fait 7 ans de chroniques médias sans s'en soucier. Par le passé, j'ai pas mal regardé les audiences des autres pour préparer mes questions. Donc oui, forcément, je regarde les audiences et on est très content quand ça marche bien. Et ça marche bien depuis la rentrée pour "C à vous" puisque c'est le seul talk-show d'access qui est stable (Rires). C'est une vraie satisfaction. A 9h, j'attends mon petit texto et je suis contente quand on a fait un bon score. Mais si les audiences sont moins bonnes, je ne me dis pas : "aïe, aïe, aïe, on va être virés", ou "aïe, aïe, aïe, on va me demander de tout changer, de me teindre en brune ou d'arrêter de rire". Je n'ai pas cette angoisse-là.
Dans "C à vous", on a l'impression que vous avez toujours été là... l'intégration s'est plutôt bien passée non ?
L'intégration s'est bien passée, pour de vrai. C'est bête à dire mais Anne-Sophie, je ne la connaissais pas plus que ça et on s'entend super bien. Pour le reste, ce n'est pas non plus complètement une surprise parce que je connaissais déjà une grande partie de l'équipe. Pierre Lescure pour avoir travaillé avec lui dans "Ça balance à Paris" sur Paris Première. Matthieu Noël que j'ai vu arriver chez Marc-Olivier Fogiel. Pierre-Antoine Capton, on a démarré ensemble chez Fogiel. Patrick Cohen, je partais en reportage avec lui quand j'étais jeune journaliste à RMC. Bref, ce n'était pas des inconnus. Anne-Sophie laisse de la place à ses chroniqueurs, elle a envie qu'on prenne de la place, c'est super-agréable. Elle est drôle et détendue. On se marre autant dans les loges avant l'émission que pendant.
Justement, Anne-Sophie Lapix semble vouloir donner plus de place à ses chroniqueurs cette saison ? C'est ce qui vous a convaincu d'y aller ?
Oui. Elle a vraiment dit : "Je veux que les interviews soient collégiales. J'ai envie de journalistes, qui ont un regard journalistique sur les choses et qui peuvent apporter de la bonne humeur". C'est exactement ce que l'on m'a demandé de faire pendant sept ans sur Canal+, c'est à dire être journaliste mais aussi avoir un regard, une opinion, des coups gueule et des coups de coeur.
"Ali Baddou me manque"
Vous allez être ce soir joker d'Anne-Sophie Lapix à la tête de "C à vous". Ca faisait parti du deal pour quitter Canal et accepter la proposition de France 5 ?
Oui. C'est quelque chose qui me faisait envie : pouvoir de temps en temps porter une émission.
Avant cela, vous aviez déjà été régulièrement joker le midi. Joker un jour, joker toujours ?
(Rires) Ce n'est pas non plus un destin complètement pathétique. J'aime ça, être la patronne d'une émission. Ce n'est pas être la chef ou être numéro un qui m'intéresse. C'est participer à la construction de l'émission, au choix des sujets, à la façon dont on va construire l'interview, ce qu'on veut faire dire aux invités... C'est tout cela qui est génial et hyper intéressant !
"J'ai un peu la pression pour ce soir"
Vous avez justement d'autres projets avec France 5 ?
Pas encore. Mais oui, j'aimerais bien qu'on réflechisse à quelque chose. Si on trouve une bonne idée, je serai ravie. Mais pour l'instant, je vais déjà essayer de remplacer correctement Anne-Sophie. J'ai un peu la pression pour ce soir et je n'ai pas envie de me louper. Mais je vais travailler pour ça, c'est le meilleur remède contre le stress.
Vous avez aussi été sollicitée durant le mercato pour être sur France Inter à la rentrée mais vous avez décliné. Pourquoi ?
C'est une raison qui peut étonner mais c'était uniquement personnel. J'ai un garçon de 11 ans et un bébé de 15 mois. Je ne suis pas là le soir pour les coucher et je ne me voyais pas ne pas être là pour les lever. La proposition n'était pas refusable en soi, elle était géniale. C'était une chronique médias quotidienne. Je voulais dire oui, mais je ne pouvais pas.
Vous êtes une spécialiste médias. Comment analysez-vous cette rentrée sur le front de l'access maintenant que vous êtes au coeur de la bataille. Vous regardez "Le Grand Journal" ? "TPMP" ?
Je suis juge et partie maintenant ! Est-ce que j'ai encore le droit de donner mon avis ? Je ne sais pas. Cyril Hanouna va peut-être continuer à progresser. "Le Grand Journal" a fait quand même une recrue de choix avec Natacha Polony. C'est une femme qui a une vraie colonne vertébrale, qui a une opinion et qui la défend. C'est une belle affiche aussi.
Pour l'instant, ça ne paye pas vraiment...
Oui mais alors moi, je n'ai pas l'explication.
Réussir en venant de Canal : "c'est possible !"
Après un mois d'émission, si c'était à refaire, vous le referiez, quitter Canal pour France 5 ?
Sans hésiter. Et il ne faut pas que cela paraisse ingrat aux yeux de Canal+. Mais je crois que même eux étaient d'accord. Ils m'ont dit que c'était une belle proposition et que c'était bien pour moi.
Vous pensez qu'on peut réussir en venant de Canal sur les autres chaînes ? Ils sont rares les animateurs de Canal+ à partir pour réussir ailleurs...
Moi j'ai vu un animateur de Canal partir. Je suis même parti avec lui, c'est Marc-Olivier Fogiel. Il est parti en 2000 de Canal+ et il a fait un succès sur France 3 avec "On ne peut pas plaire à tout le monde" d'abord en deuxième partie de soirée, puis en prime time. Stéphane Bern est venu sur Canal+ avec "20h10 pétante !" qui a été un succès et il est devenu incontournable sur le service public. Donc oui, c'est possible !