
Documentaires, débats et divertissement. Voici le programme de T18, nouvelle chaîne de la TNT dont l'histoire débutera ce vendredi 6 juin 2025 à 19h45. Propriété du groupe de presse CMI (Czech Media Invest), appartenant à l'homme d'affaires tchèque Daniel Kretinsky, "T18" - T pour télévision, 18 pour son canal sur la TNT - veut faire "réfléchir tout en s'amusant". Emmenée par Laurent Ruquier et Matthieu Croissandeau (ex-BFMTV), cette nouvelle offre gratuite pourra s'appuyer sur un binôme qui a déjà fait ses preuves dans les médias : Denis Olivennes (président de CMI France) et Christopher Baldelli (président de T18). Pour Puremédias, l'ancien dirigeant de France 2, RTL, Paris Première et Public Sénat revient sur la création de T18, sa promesse éditoriale et ses ambitions.
Propos recueillis par Benjamin Rabier
Puremédias : Comment se sent-on à quelques heures de lancer une nouvelle chaîne de télévision ?
Christopher Baldelli : Concentré et impatient. On a commencé à travailler sur T18 il y a un peu plus de 6 mois. On est quasiment parti d'une feuille vierge donc ça a été un énorme travail mené avec le groupe CMI et toutes les équipes. Ça nous a demandé beaucoup de concentration et d'énergie parce qu’on a monté une chaîne de télévision en partant d'un groupe qui est à la base un groupe de presse. Ce n'est donc pas tout à fait le même exercice que lancer un magazine.
Comment construit-on une grille de programmes à partir d’une page blanche ?
Avant de construire une grille, on a construit une équipe. Comme on avait un temps limité, un peu plus de 6 mois, on a recruté des professionnels qui étaient déjà expérimentés. Avec Denis Olivennes, quand on a su qu'on partait en juin, et non pas en mars comme initialement prévu, on a immédiatement pris la décision de quand même lancer notre grille de rentrée le 6 juin. On voulait lancer nos magazines et nos programmes propres dès le début pour que la chaîne ait une identité marquée à travers notamment ses animateurs.
Dans nos engagements auprès de l’Arcom, T18 doit et va proposer plus de 1.300 heures de programmes inédits par an. On sera d’ailleurs une des chaînes de la TNT qui aura le plus de programmes inédits. Comme on est une chaîne de la TNT, la part des achats de programme est importante. On a travaillé pendant des mois sur cet exercice-là, c’est-à-dire créer le fond de grille de la chaîne. Il y a un certain nombre de programmes de grand intérêt disponibles sur le marché français ou européen. On a vraiment été dans une logique de choix, même si en partant en cours d'année, un certain nombre de programmes avaient déjà été acquis par d'autres chaînes.
On fera une deuxième rentrée avec des nouveautés en août prochainChristopher Baldelli
La grille des programmes de T18 sera-t-elle la même en septembre ?
Globalement oui même s’il pourra y avoir des ajustements. On fera une deuxième rentrée avec des nouveautés en août prochain. Mais ça, on aura l'occasion d'en reparler.
Ça signifie que T18 va être présent sur le marché du mercato télé ?
Oui. Dans un degré moindre parce qu'on a déjà fait notre mercato pour le lancement en juin, mais il y a certainement d'autres animateurs ou d'autres formats que nous mettrons à l'antenne en septembre prochain.
T18 va proposer 3.000 heures de documentaires par an. Où allez-vous les chercher ?
Nous allons bien sûr en pré-acheter mais aussi en co-produire dès cette année. Puis la dynamique va s'amplifier année après année. Là encore, il y a aussi un stock mondial, français et/ou européen de documentaires importants. Donc on a été fouiller dans ces stocks et on va continuer.
Chez T18, on pense que le genre du documentaire est un genre qui n’est finalement pas si utilisé que ça à la télévision. Il y a 25 chaînes sur la TNT aujourd’hui. Elles permettent aux téléspectateurs d'avoir une offre intéressante et variée. Mais quand on regarde de plus près l'offre de documentaires, il y a le service public évidemment mais côté chaînes privées, l'offre est assez faible. Je pense qu'il y a une place pour une offre documentaire plus importante.
Le documentaire permet de traiter beaucoup de sujets, que ce soit l'histoire, la science ou les sujets de société. On est une chaîne qui veut apporter du sens, qui veut permettre aux gens de réfléchir, d'où notre signature ‘la télé qui s'amuse à réfléchir’ donc le documentaire aura une large place sur T18.
Vous avez recruté Matthieu Croissandeau pour incarner l’émission d’actualité quotidienne de T18. Pourquoi lui ?
Matthieu Croissandeau est un formidable journaliste. Il a été le patron du 'Nouvel Obs', il a fait les éditoriaux politiques chez BFMTV durant 5 ans. Il a également été rédacteur en chef du 'Parisien'. Il a un spectre de compétences extrêmement large sur l'actualité et c’est ce qu’on voulait puisque notre émission quotidienne sera une heure et demie d'actualité au sens large. Je pense qu'il va en plus apporter un style qui n’est peut-être pas le style dans lequel on l'a vu jusqu'à présent dans ses exercices de télévision.
Vous avez surpris en annonçant la diffusion de cette quotidienne en 2e partie de soirée. Pourquoi ce choix ?
On est le challenger, le dernier arrivé. Face à nous, il y a des access installés avec beaucoup de moyens financiers. La télévision, c'est l'art de faire des bons programmes, mais aussi de les diffuser à la bonne heure. Pour cela, il faut évidemment regarder la concurrence. Il nous est apparu qu'en deuxième partie de soirée, pour ce type de format, les chaînes d'info ont plutôt déserté… Quand on regarde ce créneau de 22h30, il y a peu de concurrence.
C'est une chance pour une chaîne comme la nôtre, qui démarre, de réussir d'entrée de jeu à recruter une personnalité comme Laurent RuquierChristopher Baldelli
L'autre événement de la grille, c'est l'arrivée de Laurent Ruquier que vous connaissez très bien puisque vous avez travaillé avec lui à la télévision et à la radio. Pourquoi ce recrutement ?
Pour avoir travaillé avec lui à la télévision et à la radio, j'apprécie énormément le professionnel, son talent incontestable et son expérience. Comme je le connais un peu, je me suis dit qu’en lui faisant une offre sur une thématique culturelle, ça avait des chances de le séduire. Et bingo, il a tout de suite répondu favorablement. C'est une chance pour une chaîne comme la nôtre, qui est une chaîne qui démarre, de réussir d'entrée de jeu à recruter une telle personnalité, quelqu'un qui a autant de visibilité et qui a un public qui le suit.
C'est parce que c'est une personnalité avec une énorme visibilité que vous ne lui avez pas imposé une clause d'exclusivité ?
D’abord, il avait un contrat en cours. Ensuite, T18 démarre. Nous ne sommes pas dans un rapport de force avec les autres chaînes. On cherche à tracer notre route. Ce qui nous intéresse, c'est ce qu'on met sur notre antenne, l'offre que nous faisons aux téléspectateurs, pas celle que font les autres chaînes. Donc on ne rentre pas systématiquement dans une logique d'exclusivité.
Les trois piliers de T18, c'est le documentaire, les débats et le divertissement. Où est le divertissement dans la grille que vous allez lancer ?
Nous avons un certain nombre de magazines, notamment dédiés au lifestyle. Nous aurons également du cinéma ; on va diffuser des films d'auteur tout en programmant des films très divertissants. On aura aussi des spectacles vivants, des one-man show, des pièces de théâtre qui relèvent également du divertissement.
On s'appuie vraiment sur ces deux piliers, c'est-à-dire que d'un côté on veut faire une télévision de qualité, qui a du sens, qui essaie de contribuer au débat public, et de l'autre côté, être une chaîne grand public, tout sauf élitiste.
Votre access prime-time sera dédié aux arts de vie avec deux émissions "T Déco" et "Faites comme chez eux"… Un choix étonnant ?
À l'intérieur du groupe CMI, on a des titres de presse comme 'Elle Décoration' et 'Elle à table' qui travaillent sur le lifestyle. On va s’appuyer sur leur savoir-faire. Quand vous arrivez et qu'il y a déjà 25 chaînes, vous ne pouvez pas tout faire différemment des autres, mais il faut quand même chercher à se démarquer. On a trouvé que sur le lifestyle au sens large (décoration, découverte, voyage, cuisine), l'offre existante n'est pas si importante que ça donc on y va.
"T18 aura une ligne éditoriale qui lui sera propre et qui sera incarnée par Matthieu Croissandeau"
Christopher Baldelli
Vous appartenez au groupe CMI qui détient "Marianne", "Elle" ou encore "Télé 7 jours". Y aura-t-il une synergie avec ces marques de presse ?
On est le média télévision du groupe CMI, mais on a toujours dit que la chaîne n’aurait pas vocation à être l'assemblage ou la vitrine des différents titres du groupe ("Marianne", "Elle", "Télé 7 jours", etc). On est plutôt dans des logiques d'échange et/ou de synergie. Par exemple, "Loopsider", qui est un autre acteur purement numérique du groupe, s'occupera de nos réseaux sociaux.
La rédactrice en chef de 'Elle', Ava Djamshidi, animera également une émission chez nous. Des synergies comme celle-là vont se développer au fur et à mesure du temps mais T18 demeure une chaîne avec une ligne éditoriale en soi. Pas celle de 'Franc-Tireur' ni celle de 'Marianne' mais une ligne éditoriale qui lui sera propre et qui sera incarnée par Matthieu Croissandeau.
Quel est votre objectif d'audience ?
On n'a pas d'objectif d'audience en première année pour une raison simple, notre première année ne durera que 6 mois. On va essayer de faire le mieux possible puis on regardera les chiffres à la fin de l'année. Ensuite on se fixera des objectifs, avec notre actionnaire, pour les années suivantes.
T18 va cibler les 25-49 ans et les CSP+. Pourquoi ce choix ?
Cibler, c'est beaucoup dire. On va bien sûr s'intéresser aux 25-49 ans parce que c'est une cible publicitaire importante et qu'on est une chaîne privée. Les CSP+ parce que je pense qu'on aura naturellement un certain nombre de programmes qui peuvent les intéresser mais la réalité, c'est que nous voulons que T18 s'adresse à tout le monde, ce n'est pas une chaîne élitiste. On ne cherche pas à être le Paris Première de la TNT.
Votre actionnaire, le milliardaire Daniel Krestinsky interviendra-t-il sur la ligne éditoriale et sur les contenus de T18 ?
Daniel Krestinsky a une conception très claire là-dessus. Il pense que la ligne éditoriale d'un média se détermine par ses dirigeants et par son actionnaire. Mais une fois qu'elle est établie, ce n'est pas le rôle de l'actionnaire d'intervenir quotidiennement ou au jour le jour sur ce qui est dit sur l'antenne. De ce point de vue-là, il a adressé un message très clair à l'Arcom, il a eu l'occasion de le redire et il le montre à travers les différents titres de presse qui sont dans son groupe maintenant depuis quelques années. C'est pas du tout quelqu'un qui est dans une logique interventionniste.
Lancer une nouvelle chaîne télé en 2025, quand on connaît l'économie de la TNT, n’est-ce pas un peu fou ?
Ça fait 20 ans que j'entends dire que la télévision est morte. Je constate 20 ans après qu'elle est toujours là. Je constate même que certaines télévisions ont des taux de rentabilité qui sont plutôt à deux chiffres. Donc ça montre bien que ça continue à être un bon business. Mais il est exigeant. Il y a beaucoup de concurrence, y compris celle de tous les nouveaux acteurs numériques. Donc il ne faut pas partir en se disant que la publicité va ruisseler et qu'elle va dégager des moyens faramineux. En revanche, je crois profondément, qu’il y a véritablement un passage pour atteindre un équilibre et voir même pour être rentable si on fait les bons choix de programme et les bonnes offres.
Fondamentalement, dans notre métier, la rentabilité, elle vient de l'audience, pas seulement des coûts. La contrepartie, c'est qu'on ne peut pas juste faire de l'audience à tout prix ou à contrario essayer d'être juste dans une logique d'économie et de gestion des coûts. Chez T18, on est très exigeant sur la gestion de la chaîne, sur les moyens humains, financiers que nous mettons en œuvre mais on est vraiment dans une logique que je nommerais 'tout sur l'écran'. C'est-à-dire que l'essentiel de nos moyens financiers, on les met sur nos programmes parce que fondamentalement c'est ça une télévision.
On travaille parallèlement pour des lancements successifs sur les offres de replay
Christopher Baldelli
Est-ce que T18 va à terme avoir sa plateforme de streaming et de replay ?
Vu les délais de lancement, notre priorité absolue était d'avoir un signal en linéaire. On travaille parallèlement pour des lancements successifs sur les offres de replay, que ce soit sur notre site, que ce soit chez les différents opérateurs, Orange et autres qui vont nous reprendre.
Votre coût de grille est de 30 millions d'euros par an. Est-ce qu'il a vocation à augmenter ?
Aujourd’hui, on travaille sur cette base-là. Ce qui est sûr, c’est qu’il existe des chaînes qui n'ont jamais trouvé leur équilibre sur la TNT durant plus de 10 ans ou 15 ans. Clairement, ce n'est pas la façon dont ni Denis Olivennes qui dirige le groupe, ni moi qui dirige la chaîne, voyons les choses. Moi, je pense qu’une chaîne privée, elle a nécessairement besoin à un moment donné de trouver son équilibre.