Un avis contesté. Comme le rapporte le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) sur son site, la justice vient de lui donner raison dans le bras de fer qui l'opposait depuis janvier à "Valeurs actuelles". L'hebdomadaire avait assigné en référé pour atteinte au principe de présomption d'innocence cette instance à la légitimité contestée dans le but de faire retirer un avis concernant la parution d'un dessin polémique sur la députée Danièle Obono et d'obtenir des dommages et intérêts.
Dans le numéro paru le 27 août dernier, celle-ci avait été représentée en esclave du 18e siècle avec des chaînes au cou, pour les besoins d'un récit fictionnel. Devant le tollé suscité par la caricature, le magazine dirigé par Geoffroy Lejeune avait présenté ses excuses, tout en se défendant de tout racisme. Dans la foulée, le parquet de Paris avait ouvert une enquête pour "injures à caractère raciste". Et le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), qui avait alors moins d'un an d'existence, avait de son côté publié le 10 novembre dernier un avis motivé sur cette caricature, après avoir été saisie par un requérant dont elle n'avait pas voulu dévoiler l'identité.
"Un tel acte journalistique est contraire en de nombreuses occurrences à la déontologie journalistique au sens de la Charte d'éthique professionnelle des journalistes et de l'article 8 de la Charte d'éthique mondiale des journalistes", avaient estimé à propos du dessin les membres de ce conseil présidé par Patrick Eveno, réunissant des journalistes, des éditeurs, agences de presse et des représentants du grand public.
"Une accusation de culpabilité"
Pour "Valeurs actuelles", cet avis était de nature à interférer avec la procédure judiciaire en cours, voire à l'influencer, d'où le référé pour exiger sa dépublication. "Si on laisse cet avis – dont je demande le retrait –, en l'état, il pourra être utilisé par les parties civiles", estimait en janvier dernier Basile Ader, l'avocat de l'hebdomadaire, cité par "Le Monde", soulignant que l'avis rendu s'apparentait à "une accusation de culpabilité au titre de l'article 9-1 du code civil".
"Valeurs actuelles" avait également reçu le soutien du Syndicat des éditeurs de la presse magazine auquel il adhère, qui avait rappelé dans un communiqué que le CDJM n'est "investi d'aucune autorité légale, conventionnelle ou professionnelle".
Finalement, le tribunal judiciaire a débouté l'hebdo de sa demande et l'a condamné à verser 2.000 euros au Conseil de déontologie journalistique. "Le tribunal a considéré que le CDJM se plaçait sur le seul plan de la déontologie journalistique et ne se prononçait pas sur une procédure pénale. Le CDJM se réjouit de cette décision qui affirme clairement la différence entre ce qui relève de l'éthique journalistique et ce qui relève du droit pénal", souligne ainsi le conseil, qui avait qualifié la procédure lancée par "Valeurs actuelles" de "procès bâillon".