La nature, ça le connaît. Directeur d'un centre équestre, Fabrice a le sens de "la débrouille", du "système D". Cavalier expérimenté et apte à la survie, il brille également sur les épreuves de dextérité. Mais dans ses dix premiers jours d'aventure, le candidat de 40 ans, qui a toujours rêvé de faire "Koh-Lanta", a surtout souffert face à Lola, personnalité forte, à l'opposé de son tempérament, et finalement éliminée ce mardi 9 septembre. Pour Puremedias.com, il a accepté de se livrer sur son ressenti.
Propos recueillis par Bruna Fernandez
Puremédias : Cela faisait 23 ans que vous postuliez à "Koh-Lanta", qu'est-ce qui vous a motivé à ne jamais lâcher l'affaire ?
Fabrice : Depuis très jeune, je rêvais de vivre, dans un cadre extraordinaire, une aventure à la manière de Robin Crusoé. Se dire qu'on quitte une vie où tout va bien pour aller tester ses limites sur une île déserte et voir si on arrive à subvenir à ses besoins, etc.. Et c'est vrai qu'en vieillissant, ce projet fou ne m'a jamais quitté. Me dire 'si du jour au lendemain je partais sur une île déserte', je ferais quoi ? Pour moi c'était une aventure très complète. Avancer côté sportif, avancer en gardant le moral, la tête sur les épaules, et jongler avec les relations humaines. C'était tout ce mélange-là qui me plaisait, en fait, se challenger à tous les niveaux.
Comment avez-vous réagi lorsque vous avez su que vous étiez enfin pris, après tout ce temps ?
J'ai été très content, très étonné. Un mélange de toutes sortes d'émotions, entre excitation et étonnement. Et voilà, après tout s'enchaîne très vite, on apprend qu'on est sélectionné rapidement avant le départ. Donc juste le temps de mettre les affaires en ordre pour que la vie au centre équestre continue. Et puis hop, c'était parti ! On prend sa valise et on part sans se retourner.
"J'ai vraiment eu l'impression que le sol se dérobait sous mes pieds. Ça a été un gros choc"
Dans le premier épisode, vous êtes le premier à finir la toute première épreuve, en individuel. Vous n'aviez pas le stress du départ ?
Si, le stress du départ, il était extrêmement violent. Quand Denis nous dit que les deux moins bonnes filles et les deux moins bons garçons ne prendront pas part à l'aventure, pouf ! Là, moi, j'ai vraiment eu l'impression que le sol se dérobait sous mes pieds. Et ça a été vraiment un gros choc. On arrive à peine, on a eu le temps d'échanger quelques mots sur la plage et boum ! Peut-être que ça fait quand même un risque sur cinq de ne pas être pris.
Je trouvais ça très, très dur. Donc si, si, j'étais sur le coup complètement abasourdi. Et puis une fois que j'ai eu la planche dans les mains, la première boule, elle tourne parce que je me rends compte que je suis allé un petit peu vite. Et à partir de là, j'avais visualisé mon parcours sur la planche. Je sais faire preuve de dextérité parce que j'ai l'habitude d'avoir des reines dans les mains et la bouche d'un cheval au bout. Donc, qui mieux qu'un cavalier peut avoir du tact entre les mains ? Du coup, c'est une épreuve qui m'a bien convenu.
Lors de la première épreuve d'immunité en équipe, vous ratez les paniers et vous assumez la responsabilité de la défaite. Mais après, vous faites un petit épingler par votre équipe pour avoir exposé vos faiblesses aux rouges. Est-ce que vos émotions vous ont submergées ?
Oui, complètement. Après, je suis comme ça, quand je réussis en compétition, je suis très bon gagnant. Quand je perds, j'ai besoin de verbaliser, de tirer le constat de l'échec et de savoir pourquoi, de l'assumer pour rebondir. Et je n'ai pas fait attention qu'à 'Koh-Lanta', il ne fallait pas le faire, que ça pouvait être considéré comme un aveu de faiblesse, que la franchise, la clairvoyance sur sa non-performance ou contre performance pouvait me porter préjudice. Je ne m'en suis pas rendu compte sur le coup, j'ai été comme je suis, vrai, honnête, spontané. Et avec le recul, je n'aurais pas dû agir comme ça.
On a remarqué que vous avez le sens de la formule, notamment pour parler de Lola, qui vous agaçait sur le camp. Par exemple en disant qu'elle "aussi utile que le 'H' de Hawaï". C'était réfléchi ?
Ça, ça m'est venu sur le coup parce que la situation était particulière. J'étais en train de faire mes petits poissons pour que tout le monde ait quelque chose à manger, en plus des oursins ou des arapèdes que pas tout le monde aime ou arrive à digérer. Et à ce moment-là, elle était en train de se baigner, de discuter, de rire. Et c'est vrai que j'en avais gros sur la patate. Là, ça m'a rappelé un cousin qui parlait de quelqu'un un jour et qui m'a dit ça : 'Cette personne est comme le H de Hawaï'. Et ça m'est revenu en flashback et je l'ai sorti à ce moment-là. Je n'avais pas du tout la référence "Brice de Nice". J'ai découvert ça avec les internautes, tout ça, à la diffusion.
Lors de l'épreuve des radeaux, vous êtes mis avec Lola et Frédéric sur la pirogue. Est-ce que vous avez réussi à mettre vos tensions de côté à ce moment-là ?
Dans le choix de la composition des équipes, une fois arrivés sur la plateforme, on se concerte un petit peu tous. Et Frédéric oriente beaucoup sur la stratégie, comment répartir sur les deux embarcations. Et il dit, 'moi je me mettrai à la barre, Fabrice devant, Lola au milieu. Moi, sur le coup, je me dis,' très bien', ça va justement pouvoir permettre peut-être enfin que Lola voit quelque chose en moi qu'elle n'avait pas vu. Et que moi, je vois quelque chose en elle de bénéfique, de positif. Et donc, on fait l'épreuve.
Ça ne se voit pas, mais l'épreuve a duré très longtemps avant que les rouges posent la pagaie. De toute façon, on était à quelques mètres d'eux, donc ils posent la pagaie parce que, ils n'avaient pas envie de mettre les derniers coups de rame en s'épuisant, mais on avait beaucoup donné. Et à ce moment-là, je suis très content parce que je me dis, Lola et moi, on a fait le taf ensemble. Après, plus tard, je me rends compte par des "on dit" qu'elle a pas tant donné que ça. Les critiques c'est normal, on est fatigués. On parle de tout le monde. Mais c'est vrai pendant la première manche, elle disait qu'elle voulait être à la place de Charlotte et Sophia. Mais bon, c'est futile en fait, dans une aventure.
"Après plusieurs jours à ruminer contre le comportement de Lola, j'ai enfin pu m'exprimer"
Après l'épreuve de confort perdue, plusieurs membres de l'équipe, dont vous, votez contre Lola pour l'envoyer en duel. Vous avez une explication avec toute l'équipe, et c'est l'occasion aussi pour vous de dire ce que vous pensez à Lola. Pourquoi avoir fait ce choix d'être honnête avec elle ?
Dans la vie, moi, je suis quelqu'un de droit, d'honnête, qui dit ce qu'il pense et qui pense ce qu'il dit. Et après plusieurs jours à ruminer contre le comportement de Lola et de ne pas pouvoir lui dire à elle, parce qu'elle était dans une alliance majoritaire, et que je sentais bien stratégiquement que ce n'était pas le moment d'afficher mon ressenti à son égard, je pouvais enfin m'exprimer. Donc je dis la vérité. Et à ce sujet, je suis très content d'avoir pu le faire, parce qu'au reflet des premiers épisodes, on peut à juste titre se dire "En fait, Fabrice pense beaucoup de choses, mais il ne va pas lui dire". Mais j'attendais juste le bon moment.
Vous la sentez réceptive ?
Pas du tout. Il n'y avait aucune remise en question à ce moment-là.
Lors de l'épreuve d'immunité du quatrième épisode, vous prenez le lead avec Frédéric. Mais après la défaite, Lola se met en mauvaise posture en laissant entendre qu'elle les femmes du groupe étaient moins écoutées. Ça vous a agacé ?
Elle fait une remarque pseudo-féministe alors qu'il n'y a pas du tout eu de choix d'écarter une fille. Il n'y a vraiment pas eu de réflexion fille/garçon dans le choix de cette épreuve.Vraiment, moi je ne me suis pas proposé. C'est l'équipe qui a dit "Fabrice, tu te sens ?" J'ai dit "ben oui, oui, je me sens, il n'y a pas de souci". C'était une épreuve de tact et d'agilité comme la première que j'avais réussi, c'est pour ça. À aucun moment, Lola ne s'est proposée, elle n'a jamais candidaté. Et c'est tellement facile de dire une fois que l'épreuve est perdue "non mais moi je l'aurais bien fait".
Est-ce que les filles ont été un peu mises de côté chez les jaunes ?
C'est totalement faux que les filles n'étaient pas écoutées. J'ai toujours eu l'impression que chez les jaunes, à part Lola qui n'écoutait personne, tout le monde s'écoutait. Les garçons écoutaient les filles, les filles écoutaient les garçons. Il n'y a personne qui était mis de côté. Il y a le jeu et il y a la personne. Moi, dans 'Koh Lanta', j'essaye de distinguer le joueur de la personne. Le joueur peut jouer d'une certaine manière, ça n'empêche que la personne qui joue, elle a des valeurs ou elle n'a pas qu'on partage. Et moi, j'ai toujours partagé des valeurs avec Sophia et avec Charlotte, au même titre qu'avec Michel, qu'avec Thibault ou qu'avec Ilyesse. Donc, me concernant, il n'y avait pas de garçons d'un côté et de filles de l'autre. Je n'ai jamais senti et je n'ai jamais pensé. Il y avait des joueurs qui pouvaient jouer différemment à un moment donné parce qu'on se retrouvait sur des valeurs et peut-être qu'ils pouvaient changer d'idée de jeu. Ça aurait été Janine et Colette, ça aurait été pareil que Fabrice et Thibault.
"Moi, dans 'Koh Lanta', j'essaye de distinguer le joueur de la personne"
Qu'est-ce qui a fait que Jacques et Frédéric se sont retournés contre les filles avec qui ils avaient une alliance ?
J'étais comme d'habitude en train d'ouvrir des oursins et de casser des coquillages dans mon coin des rochers. Je crois que j'étais avec Michel aussi. Frédéric vient nous voir et il nous dit 'ben voilà, je me rends compte que j'ai fait une erreur, j'ai voulu me rapprocher un petit peu de Lola et des filles en général, et en fait, vous êtes tellement plus méritants, donc voilà, je m'en excuse, je tenais à vous le dire'. Et à partir de là, je me dis 'ben c'est bien, ça veut dire que tout le travail, toute l'énergie que je fournis au quotidien, ça a montré la construction des embarcations aussi'. J'étais beaucoup avec Frédéric, ça lui a montré ma valeur et ça lui a permis de changer un petit peu son fusil d'épaule.
Est-ce que vous étiez un peu ravi quand même de voir Lola partir ?
Non, je n'étais pas ravi parce qu'à ce moment-là, ça faisait deux, trois jours que Lola cherchait à arrondir les angles et était beaucoup moins désagréable. Je me disais que peut-être j'allais pouvoir exister un petit peu plus franchement au sein de la tribu jaune parce que Lola prenait beaucoup sur mon mental et mon moral. Mais c'est vrai qu'il faut lui rendre ça, les dernières 48 heures avant le conseil, elle avait quand même fait beaucoup d'efforts.
Quels sont vos objectifs à vous en ce début d'aventure ? Est-ce que vous avez la réunification en tête ou la finale ou vous avancez au jour le jour ?
Quand vous postulez à "Koh-Lanta" depuis plus de 20 ans, vous vous dites qu'il faut aller au bout. Et dès le premier épisode, je le dis, ma fille, quand elle m'a quittée, elle m'a dit "Papa, tu ne lâches pas, tu ne lâches rien, tu vas au bout". Aller au bout, ce n'est pas forcément être sur les poteaux, pour elle. Mais c'était "tu vas au bout de tout ce que tu peux faire. Tu ne lâches rien, tant que ce n'est pas fini, tu continues". Donc pour moi, c'était vraiment chaque jour qui passe est un jour de plus dans l'aventure. Profiter du jour qui passe à fond, profiter des moments qu'on vit à fond, et avancer marche après marche.