France Ô : "On ne veut pas être considéré comme une chaîne de niche"

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France Ô : "On ne veut pas être considéré comme une chaîne de niche"
Par Charles Decant Rédacteur en chef

Rédacteur en chef de puremedias.com, Charles Decant est diplômé de Sciences Po Paris. Après un passage chez Universal Music, il a rejoint l'aventure puremedias.com en 2007 et se spécialise notamment dans...

Gilles Camouilly, directeur de l'antenne et des programmes de France Ô.
Gilles Camouilly, directeur de l'antenne et des programmes de France Ô. © France Ô
A l'occasion du tournage de la nouvelle série quotidienne "Cut !", dont l'arrivée est prévue à la rentrée sur la chaîne, rencontre avec Gilles Camouilly, directeur de l'antenne et des programmes de France Ô.

La rentrée de France Ô se prépare déjà et la plus grosse nouveauté de la chaîne est actuellement en préparation... à la Réunion ! C'est là que se tourne depuis quelques semaines "Cut !", une nouvelle série qui arrivera sur la chaîne du groupe France Télévisions. Un pari doublement ambitieux pour France Ô : d'une part, la chaîne a commandé à ALP et Terrence Prods 70 épisodes de 26 minutes de cette série portée par Julie Boulanger ("Lea Parker", "Sous le soleil") et Ambroise Michel ("Plus belle la vie"), et qui sera diffusée en pré-access ou access à la rentrée. Un vrai pari tant sur le format que le nombre d'épisodes produits. De l'autre, "Cut !" se présente comme une série transmédia, qui proposera une deuxième narration, complémentaire, sur les réseaux sociaux, afin de fidéliser un public jeune.

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Ce projet d'envergure était l'occasion pour puremedias.com de rencontrer Gilles Camouilly, directeur de l'antenne et des programmes de la chaîne. Il évoque ainsi la stratégie de France Ô par rapport à ses concurrentes de la TNT. mais aussi des autres chaînes du groupe France Télévisions, du pari "Cut !", bien sûr, mais aussi de l'identité de la chaîne et des défis qu'elle doit relever.

Propos recueillis par Charles Decant.

puremedias.com : Quel est le défi numéro un de France Ô aujourd'hui ?

Gilles Camouilly : C'est de devenir la chaîne généraliste la plus ouverte possible. Qu'on n'ait pas l'impression que c'est une chaîne de niche mais bien une chaîne accessible au plus grand nombre.

Et comment on arrive à réaliser cet objectif ? C'est un mélange entre la communication et la programmation ?

Ca fonctionne par les achats de programmes, par la communication, par la production de nouvelles séries de fiction longue. Et puis avec des marqueurs forts pour la chaîne. On a des magazines forts, des séries, qui rentrent dans l'ADN de France Ô pour qu'on identifie rapidement la chaîne.

"On a le plus petit budget de la TNT"

A priori, l'identité de la chaîne, pour le public, est qu'elle s'adresse d'abord à l'outre-mer...

Ce qu'on essaye de montrer c'est que France Ô est une chaîne issue de l'outre-mer, et qui réconcilie l'outre-mer, le métissage des cultures, et la notion d'ouverture sur le monde qui est une démarche naturelle pour une chaîne issue de l'outre-mer. Le principe est, depuis deux ans, de continuer à revendiquer les origines ultra-marines, et d'essayer d'ouvrir vers le public métropolitain et ne pas lui laisser penser que la chaîne est réservée à l'outre-mer.

Ce qui est un vrai défi en soi...

Le Ô, quand il a été créé en 2004, au moment du premier cahier des charges de la chaîne, qui était sur le câble et le satellite, signifait "ouverture sur le monde". La bible marketing, c'était ça. La logique étant que l'outre-mer est situé aux quatre coins de la planète, et que du coup vous avez une capacité de captation des cultures qui ne sont pas des cultures traditionnelles métropolitaines.

En gros, vous devez aller à l'encontre de ce que le nom évoque chez beaucoup de téléspectateurs...

Tout à fait. Le principe étant, y compris sur les programmes dits de création documentaire, de les rendre populaires en essayant d'abord d'aller chercher, à l'extérieur de l'Hexagone, des valeurs qui font déjà partie de notre société et de mélanger les genres et les cultures pour en faire un précipité média de nouvelle génération. Il n'y a pas de dimension trop intellectuelle dans cette démarche-là. Ca peut être du divertissement, du jeu, de la fiction...

Et en termes de budget, par rapport aux autres chaînes du groupe, où se situe France Ô ?

En gros, on a un peu plus de la moitié du budget de France 4. On a le plus petit budget de la TNT.

Encore un défi, en fait...

Il est clair que pour aller chercher de la puissance d'audience rapidement, forcément, ce n'est pas l'idéal. Maintenant, pour construire une relation avec le téléspectateur sans remise en cause immédiate et établir une ligne éditoriale, ce n'est pas si mal. On ne gaspille pas l'argent du contribuable !

"On a fait des erreurs dans la compréhension des chaînes de France Télé"

Qui sont vos téléspectateurs, justement ?

On n'a pas d'étude Médiamétrie mais on a d'autres types d'études. Nos téléspectateurs sont essentiellement métropolitains, on a un coeur de cible qui, assez naturellement, a des affinités avec l'outre-mer ou en est issu, parce qu'il y a une tranche d'information tous les jours, et en réalité, on a découvert qu'on était la chaîne la plus jeune du groupe. Je fais partie des gens qui pensent qu'on a fait depuis dix ans des erreurs dans la compréhension des chaînes, en ne parlant que de cible, et pas de ce qu'on proposait à la cible. Moi, je ne cherche pas à revendiquer une cible. Je m'en fous. Je la travaille, mais je ne la revendique pas particulièrement. Ce qui m'intéresse, c'est d'avoir un produit éditorial identifiable.

Ayant cette cible jeune, c'est dans ce contexte que s'inscrit la série "Cut !", où vous allez développer des éléments de narration sur les réseaux sociaux...

Si on la réussit, ce qui a l'air plutôt bien parti, elle va devenir un marqueur important de la chaîne. Elle est tournée en outre-mer, avec des acteurs qui viennent de métropole et d'outre-mer, avec des logiques de métissage des cultures très fortes, et la notion d'ouverture sur le monde est induite dans l'histoire-même de la série. Tous les codes de valeur qu'on a essayé d'instruire depuis deux ans sont dans la série. Le choix de la série a été fait parce qu'elle rencontre dans le code génétique de la chaîne.

On a l'habitude de penser aux marqueurs d'une chaîne par ses programmes de prime time. Pourquoi lancer un marqueur en access ?

On a construit la chaîne comme ça : on a des marqueurs en journée et en prime time. En prime time, ce qui identifie assez immédiatement la chaîne, c'est la soirée du vendredi soir, quasiment consacrée exclusivement à la danse et la musique. On a le talent show "Dance Street", animé par Fred Musa de Skyrock et Audrey Chauveau puis un magazine musical et des lives tous les vendredis. C'est une ambition forte, qui n'est pas simple, parce qu'en termes d'audiences, la musique n'est pas plébiscitée aujourd'hui. Mais on invente des nouveaux magazines, une nouvelle façon de traiter. C'est de plus en plus plébiscité, on a une audience sur les réseaux sociaux qui est énorme à l'occasion de ces soirées-là.

C'est primordial, les réseaux sociaux, pour une chaîne qui a un petit budget ?

Oui. On construit aujourd'hui notre audience avec les réseaux sociaux, avec le community management. On ne propose pas juste un programme au milieu de toutes les chaînes de la TNT. A côté de ça, on a aussi une émission d'enquêtes le mercredi, présentée par Samira Ibrahim, qui a une petite coquetterie : les enquêtes ne sont jamais réalisées en France. Et puis vous avez des séries : le samedi soir, on est allé chercher des séries d'action qui viennent d'Amérique du Sud. En ce moment, on diffuse une série qui s'appelle "Eskobar", par exemple. Et en deuxième partie de soirée, il y a les séries américaines ou anglaises très quali comme "Treme", "The Wire", "Luther"...

"On ne veut pas être considéré comme une chaîne de niche"

Et en journée ?

On a une spécificité, ce sont les séries d'Amérique latine, qui progressent à une vitesse incroyable, qui arrivent à suivre le rythme de fiction quotidienne. La qualité des séries est vraiment exponentielle en termes de réalisation et de narration. L'info a aussi une grande place dans la grille.

Tout ça s'inscrit dans votre démarche de faire de France Ô une chaîne généraliste...

Absolument. Je me suis battu aussi pour qu'on ait des événements sportifs, comme les championnats du monde d'athlétisme, de natation, où la France brille grâce à la variété de ses origines, tout ça a sa place sur France Ô. Depuis deux ans, on a travaillé de rentrer dans la cour des chaînes nationales. On ne veut plus être considéré comme une chaîne de niche. Ce qui ne signifie pas qu'on ne respecte pas cette cible qui fait partie des racines de la chaîne.

C'est un choix qui peut étonner finalement. Pourquoi vouloir faire d'une petite chaîne une chaîne généraliste, dans un univers si concurrentiel ? Faire de France Ô une chaîne de niche n'aurait-il pas été plus logique, justement ?

Ma volonté, c'est de faire une chaîne généraliste dans le sens où tout le monde peut venir à la chaîne. Ce n'est pas une chaîne généraliste au sens de TF1, par exemple, en essayant d'avoir de la puissance tout le temps. Pour moi, c'est couvrir tous les gens de programmes et n'exclure personne du public. Personne ne doit se dire "cette chaîne n'est pas pour moi".

"L'Amérique du sud est un nouvel eldorado audiovisuel"

La scripted reality, c'est un genre qui ne coûte pas très cher, et qui marche parfois. Pour une chaîne au budget limité comme France Ô, c'était une option ?

On est plus intéressés par des fictions longues avec des types de production proches des séries d'Amérique latine que par la scripted reality.

Mais ça coûte plus cher...

Pas du tout. C'est une question de process de production. Il faut qu'on apprenne à regarder les autres pays - ce que font d'ailleurs les équipes d'ALP et Terrence Prods sur "Cut !" - pour voir quels sont les dispositifs qui permettent d'avoir des coûts de production qui sont acceptables. Mais je ne crois pas que ça soit moins cher.

On a longtemps encouragé les producteurs et scénaristes français à se tourner vers les Etats-Unis. Vous pensez que c'est plutôt en Amérique latine que se trouve la solution pour la fiction française ?

Il faut aller voir en Amérique latine, en Afrique du sud, oui. Ce sont des nouveaux eldorados audiovisuels. Il faut savoir que sur une telenovela aujourd'hui, une société comme Telemundo met 200.000 dollars par épisode. On n'est plus du tout en train de faire cheap.

"La scripted reality n'apporte rien à la chaîne"

C'est cinq à dix fois moins qu'une série américaine, malgré tout...

Oui, mais il y a cinq ans, ils mettaient 20.000 dollars. Le niveau augmente, les histoires sont intéressantes, la réalisation a changé, il y a des intrigues policières... Les processus de production ont changé aussi. C'est une source d'inspiration. Pour revenir à la scripted reality, France Ô n'a pas de vocation à aller là-dessus. Ce n'est pas des valeurs qu'on revendique particulièrement. Ca n'apporte rien à la chaîne.

Vous pouvez donner un ordre d'idée de combien coûte la production d'une série comme "Cut !" ?

Je ne peux pas vous donner de chiffre mais pour fonctionner par analogie, c'est à peu près le même budget que les fictions précédentes, sauf qu'on a réduit le nombre d'épisodes.

Et même si vous ne souscrivez pas au Médiamat, vous savez à combien s'élève l'audience de la chaîne, plus ou moins ?

On ne peut pas communiquer dessus mais on a les chiffres des boîtiers SFR. Il faut être très précautionneux avec ces chiffres, ne pas les extrapoler aux audiences nationales, mais ça donne un vrai ordre d'idée de ce qui marche ou non, par rapport aux autres. C'est comme ça que je sais que la soirée investigation marche bien. Les films du lundi soir aussi.

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