Europe 1 ne redresse pas (encore) la barre. Malgré une grille presque intégralement renouvelée, la station du groupe Lagardère enregistre sa pire rentrée historique. Sur la période septembre/octobre, la station affiche 7,2% d'audience cumulée. Sur un an, la radio lâche près de 1 point mais se stabilise en comparaison à la vague avril/juin. puremedias.com s'est entretenu avec Frédéric Schlesinger, directeur général du pôle radio du groupe Lagardère.
Propos recueillis par Pierre Dezeraud.
Europe 1 signe sa pire rentrée historique. Les effets de la relance ne se font pas sentir, en tout cas pas de manière vertueuse. Contrairement à ce que vous espériez, les auditeurs ne vous ont pas suivi ?
Non, je n'espérais pas qu'après quarante jours de rentrée et 90% des émissions changées sur la grille, les auditeurs nous suivent spontanément comme un seul homme. Il est impossible de tirer un quelconque jugement. J'ai toujours dit qu'il faudrait très longtemps pour parvenir à redresser cette radio qui est en chute importante depuis plusieurs années. Nous savons tous que cela se fera dans un temps très long, d'autant plus que la concurrence est structurée et efficace. Nous avons toujours dit que le sondage qui paraîtra en avril sera celui qui est vraiment significatif pour nous. Les audiences qui tomberont en janvier ne seront pas beaucoup plus pertinentes que celles-ci. C'est difficile, notamment pour notre collectif qui en souffre psychologiquement, mais c'est la règle quand on souhaite s'inscrire dans un temps long.
Ce n'est pas forcément une fatalité que de devoir s'inscrire sur le long terme pour relancer une station. À la rentrée 2008, la relance imaginée à l'époque par Alexandre Bompard avait immédiatement porté ses fruits...
Si vous regardez bien, vous verrez que le phénomène est beaucoup moins fort que ce que vous dites. D'autre part, là, vous ne parlez que de la matinale de Marc-Olivier Fogiel. À l'époque, Europe 1 avait gagné quelques dixièmes de points sur une vague (la station avait gagné 0,5 point à la rentrée 2008 par rapport à la rentrée 2007, à 9,5% d'audience cumulée, ndlr) et l'essentiel de la réforme d'Alexandre Bompard avait concerné le changement d'incarnation de la matinale. Vous pourriez me dire aussi que, lorsque je suis arrivé à France Inter en 2006, la radio avait immédiatement repris 0,5 point d'audience en une seule vague. Mais dans ce cas précis, la chute n'avait que six mois et était liée à un contexte précis, celui du référendum européen de 2005. Là, la chute d'Europe 1 date de trois ans ! Mais je ne suis pas étonné que nous nous fassions amender parce que les résultats ne sont pas immédiatement au rendez-vous...
Il ne s'agit pas de vous amender mais de commenter des résultats qui, pour le coup, sont très décevants.
Lorsque nous sommes arrivés à Europe 1 avec Patrick Cohen et Emmanuel Perreau, tout le monde disait que cela annonçait un succès immédiat. Depuis, j'ai toujours tempéré en disant que ce ne serait pas le cas. Très honnêtement, il n'y a aucune surprise aujourd'hui. Nous manions exactement la stratégie que nous voulions manier. Nous avions le choix entre replâtrer simplement l'antenne pour avoir un résultat immédiat mais sans souffle ou opérer une reconstruction complexe et inscrite dans un temps long. Nous poursuivons donc dans cette optique, je ne suis pas inquiet.
La mauvaise dynamique que l'on perçoit sur les audiences intermédiaires - Europe 1 a été en baisse d'audience continue sur la période septembre/octobre - ne vous inquiète pas non plus ?
Non, pas du tout. Il y a eu un effet de curiosité sur la toute première période. Ensuite, il y a eu des effets différents selon les émissions. En l'occurrence, la plupart ont bien progressé, notamment en parts d'audience, tout au long de la période de quarante jours. Dans le même temps, nous n'avons pas communiqué non plus puisque notre campagne a été déployée le 2 novembre. Encore une fois, il ne faut pas oublier que nous avons une concurrence très organisée face à nous. Par exemple, Nicolas Demorand sur France Inter. Je n'ai jamais douté une seule seconde du fait qu'Inter resterait première radio de France sur la matinale. Nous partons de loin, il n'est pas question pour l'instant de challenger Nicolas Demorand ou Yves Calvi. Encore une fois, nous reprenons une station qui sort d'une période janvier/juin qui a été celle d'une grande hémorragie.
Si je prends votre raisonnement au long terme, c'est "les audiences baissent par l'ascenseur et remontent par l'escalier" ?
C'est ce qu'on a toujours dit de la radio généraliste. Vous savez, Jacques Rigaud disait : "La radio musicale est une planche à voiles, la radio généraliste est un pétrolier géant". Cela veut dire que quand on change de cap sur une musicale, cela peut aller très vite, car le public est jeune et volatile. En revanche, sur une généraliste, ce n'est pas le cas. En d'autres termes, il ne faut pas regarder la photo instantanée.
Compte tenu des résultats de cette vague, est-ce que vous maintenez votre objectif d'atteindre la barre des 9% de parts d'audience d'ici trois ans ?
Absolument. Cela signifie qu'il faut gagner 0,6 point d'audience chaque année. Les deux premiers seront plus simples à prendre que celui de la dernière année. Cet objectif est évidement toujours en vigueur.
Le temps des ajustements de grille après les mauvaises vagues est révolu à Europe 1 ?
Aujourd'hui, on ne change absolument rien. Maintenant, on continue à travailler tous les jours même si cela s'entend moins. Mais si vous écoutez Europe 1 le 5 septembre 2017 et Europe 1 aujourd'hui, vous vous apercevrez qu'il y a eu un tas de modifications et de réglages. Pour l'heure, en ce qui concerne les incarnations, nous sommes contents de notre grille, de nos éditorialistes et de nos chroniqueurs.
La vague est mauvaise. Est-ce que vous pouvez toutefois identifier quelques motifs de satisfaction ?
"Y'a pas péno !" de Thomas Thouroude, qui est un véritable pari, s'installe bien. De la même manière, "Circuits courts" enregistre un démarrage encourageant tout comme le quart d'heure des figures libres, à 7h45, dans la matinale. La pré-matinale de Raphaëlle Duchemin débute correctement tandis que "Bonjour la France" de Daphné Bürki n'a eu de cesse de progresser tout au long de la période. Matthieu Noël, qui incarne vraiment l'humour sur Europe 1, est aussi en train de s'affirmer. Il y a des signaux satisfaisants mais encore une fois, il est trop tôt pour tirer des leçons. Nous sommes exactement au niveau du mois de juin. Notre grosse crainte, c'était de baisser. C'est quand même la première fois depuis fort longtemps que nous nous stabilisons sur une vague. Je suis peut-être optimiste mais je le perçois comme le signe de la fin de l'hémorragie.
Finalement, le vrai motif de satisfaction pour vous aujourd'hui, c'est l'audience de RFM et Virgin Radio, vos stations musicales ?
C'est vrai que cela se passe bien. En AC, RFM se maintient dans un marché très baissier de la radio musicale et progresse bien sur ses cibles de référence, les 25-49 ans, qui sont par ailleurs des figures rémunératrices en termes de régie. Autre satisfaction, RFM conserve la durée d'écoute la plus longue de toutes les radios musicales. Sur Virgin Radio, Camille Combal se porte toujours très bien. La station progresse de manière substantielle sur les 15-34 ans grâce notamment à la rentrée spectaculaire de Cauet. Il enregistre une progression de 55% de la part d'audience sur les 25-34 ans. Vous voyez, c'est cela la réactivité des radios musicales.