Interview
Hervé Mathoux ("Au micro") : "Le commentaire de football à Canal+, c'est une forme d'élégance et ne pas tomber dans les travers faciles"
Mis à jour le 10 avril 2024 à 10:09
Publié le 7 avril 2024 à 11:30
Par Florian Guadalupe | Journaliste
Passionné de sport, de politique et des nouveaux médias, Florian Guadalupe est journaliste pour Puremédias depuis octobre 2015. Ses goûts pour le petit écran sont très divers, de "Quelle époque" à "L'heure des pros", en passant par "C ce soir", "Koh-Lanta", "L'équipe du soir" et "La France a un incroyable talent".
Le présentateur de Canal+ devient juré ce mercredi 10 avril, en deuxième partie de soirée sur Canal+, d'un concours de commentaires de football.
Le générique du "Canal Football Club" de Canal+ présenté par Hervé Mathoux © Mat Ninat Studio/CANAL+
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Qui sera la nouvelle plus belle voix... du foot ? Ce mercredi 10 avril 2024, Canal+ dégainera en deuxième partie de soirée, après le choc de Ligue des champions opposant le Paris Saint-Germain au FC Barcelone, son tout nouveau format "Au micro". Ce concours du meilleur commentateur est co-produit par Canal+ et Black Dynamite Production, une filiale de Mediawan, et est présenté par l'humoriste Redouane Bougheraba. Plusieurs candidats vont tenter de devenir le nouveau commentateur vedette de la chaîne cryptée face à un jury d'experts composé de l'ex-footballeuse Laure Boulleau, l'ancienne star parisienne David Ginola et l'emblématique animateur du "Canal football club" Hervé Mathoux. Ce dernier a accepté de répondre aux questions de puremedias.com à l'occasion du lancement de cette nouvelle émission.

Propos recueillis par Florian Guadalupe.

puremedias.com : Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette émission, "Au micro", sur Canal+ ?
Hervé Mathoux :
On me l'a proposé. C'est une idée qui trottait dans la tête de Thomas Sénécal, le patron des sports, depuis longtemps. Il m'avait évoqué ce projet peu de temps après sa nomination. Il m'avait dit : "Je te verrais bien dedans". Sans savoir dans quel rôle il me voyait. Puis, Thomas a fait avancer cette idée et a réussi à transformer l'idée en réalité. Ils m'ont annoncé qu'on partait avec un jury à trois têtes : David Ginola, Laure Boulleau et moi. J'avoue que ça me plaisait bien d'être dans autre chose qu'un rôle de présentateur. J'aimais bien l'originalité du positionnement qu'on m'a proposé d'avoir.

Est-ce que ça a été dur de vous glisser dans ce costume de juré ?
Oui, parce que je suis co-rédacteur en chef de mes émissions ("Canal football club", "Canal champions club"). Je passe mon temps à guider des sujets, à donner mon avis et à corriger des angles. Finalement, c'est un peu la même chose, mais avec des gens qui ne sont pas des professionnels. Je porte un regard journalistique sur une prestation dans mon domaine. Ce n'est pas non plus extrêmement inédit pour moi.

"Avoir une capacité à parler avec aisance, un vocabulaire riche, une voix agréable. C'est un peu la base" Hervé Mathoux

L'harmonie dans le jury s'est faite naturellement ?
Je pense que c'est comme dans tout jury ! Ca se fait au fil du temps et des discussions. Après, l'harmonie s'est faite rapidement dans la mesure où on se connaît bien. On travaille ensemble depuis longtemps. On est le même trio en poste dans les émissions de Ligue des champions. On se connait par coeur. On n'avait pas les mêmes attentes les uns et les autres. Chacun a trouvé sa place dans ce qui était le plus important pour lui.

Quels sont justement vos critères de sélection dans l'émission ?
Il y a des choses qu'on attend tous. La connaissance du foot. Avoir une capacité à parler avec aisance. Avoir un vocabulaire riche. Une voix agréable. C'est un peu la base. Ensuite, on met chacun un peu nos priorités en place. Moi, j'étais le seul journaliste du trio. J'attendais les concurrents sur un aspect journalistique, une mise en perspective de l'événement, une culture générale qui aille au-delà du foot. Laure était plus focalisée sur l'aspect émotionnel de la voix, ce qu'elle transmet en émotion et en sensation. David Ginola était dans l'expérience client, à se dire : "Qu'est-ce que je ressens quand je regarde un match commenté par cette personne ? Est-ce que c'est agréable ? Est-ce que ça me rapporte quelque chose ?". C'était un tout. Chacun avait son truc. Ça donne un mix qui conduit à un jugement global sur un candidat.

"Je me suis imaginé à leur âge dans ce type d'épreuve. J'aurais été incapable de maîtriser mes émotions" Hervé Mathoux

Qu'est-ce qu'une bonne voix de commentateur ? Savoir crier ? Faire de l'acting ?
Une bonne voix de commentateur, c'est une voix qui n'accommode pas. C'est le minimum. Puis, après il n'y a pas de dogme. Bien sûr, on attend une voix chaleureuse, enveloppante... Il y a différentes tessitures chez les commentateurs. Mais il n'y a pas de règles. On le voit bien quand une voix vous enveloppe. C'est un peu une voix de chanteur ! L'air de rien, une voix qui part loin peut être amenée à naviguer dans un spectre vocal assez large. Il faut être capable de passer d'un ton à l'autre, sans dérailler.

Avez-vous été surpris par le niveau des candidats ?
Ce qui m'a le plus surpris, c'est leur résistance au stress. La culture foot, je m'attendais à avoir des gens solides. Mais ce qui m'a épaté, c'est le fait que les candidats faisaient cet exercice pour la première fois dans ce niveau de stress. Il y avait un enjeu pour eux et un décorum ! Même si tu t'entraînes à commenter dans ta salle de bain avec des images, ce n'est pas pareil sur un plateau face à des consultants, avec du public. Aucun ne s'est démonté. Ils ont tous passé les épreuves avec plus ou moins de pertinence. Je me suis imaginé à leur âge - certains étaient très jeunes ! - dans ce type d'épreuve. J'aurais été incapable de maîtriser mes émotions.

"En réalité, un commentateur n'utilise que 20% de ce qu'il a préparé" Hervé Mathoux

Pourquoi y a-t-il toujours plus d'hommes que de femmes à vouloir devenir commentateur de football ?
C'est arithmétique ! C'est le domaine. Ce n'est pas nous qui avons choisi. On a eu 10.000 candidatures spontanées. On n'a eu que 2% de femmes. Je pense que c'est spécifique au poste de commentateur. Si on avait fait une émission pour des présentateurs et présentatrices journalistes, on aurait eu un faisceau plus équilibré de candidats. Forcé de constater que le poste de commentateur est encore perçu comme un poste occupé par un homme. C'est en train d'évoluer. A Canal+, on a Anne-Laure Salvatico qui est commentatrice chez nous. Il y en a d'autres sur d'autres chaînes. Mais je pense que pour ce poste spécifique de commentateur, il faut attendre que les modèles fassent des petits et créent des vocations, pour espérer plus de candidates pour les années à venir. Encore une fois, on avait deux candidates par session (Les trois premiers épisodes commencent par des sélections à Paris, Marseille et Lens avec dix personnes, ndlr). Ça montre qu'on est quand même au-dessus de la représentation des 2%. Il ne suffit pas d'utiliser une baguette magique ou appuyer sur un bouton pour passer à une parité à 50-50 sur des métiers comme ça qui sont à 100% masculin depuis 70 ans.

Quelle est la différence entre commenter des matchs sur Canal+ et sur les autres chaînes ?
Je me refuserai à donner des leçons et adopter une position en disant qu'on est très différent. Historiquement, Canal+ a été précurseur d'une certaine forme de commentaires. Mais je pense qu'il y a des gens qui travaillent très bien sur les autres chaînes. Maintenant, je pense qu'à Canal+, ce qui nous définit, c'est une forme d'élégance et ne pas tomber dans les travers faciles. L'un des enjeux du commentaire, c'est le partage d'émotion, qui doit exister et qui est très fort. Mais il faut une certaine forme de distanciation, en ne partant pas trop loin et ne pas commenter les matchs comme s'ils étaient tous aussi importants. On ne commente pas un but d'un match de championnat comme un but de qualification en Ligue des champions. Il y a un savoir-faire dans la préparation. C'est d'ailleurs l'un des enjeux de l'émission : montrer quelles étaient nos exigences dans la préparation d'un match. En réalité, un commentateur n'utilise que 20% de ce qu'il a préparé. Puis, la grande difficulté, c'est de trouver son ton personnel. A Canal+, bien qu'il y ait une espèce de base commune, il y a la place pour que chacun ait son style. Il y a de grandes familles de commentateurs. Tout le monde ne se ressemble pas.

"'Au micro' va être très consommée via myCANAL" Hervé Mathoux

L'humoriste Redouane Bougheraba est l'animateur d'"Au micro". Est-ce que vous le connaissiez avant le tournage ?
Je l'avais croisé quelques fois dans le cadre d'opérations de Canal. C'est quelqu'un attaché à la famille Canal. Paradoxalement, on ne l'a pas énormément vu pendant le tournage. Il était avec les candidats et nous, on avait interdiction de croiser les concurrents avant de les voir face à nous. Tout ce qui se passait dans les vestiaires, on ne le voyait pas. J'ai découvert ce qui se passait entre les candidats et Redouane en visionnant les épisodes. Il a du talent pour animer ce format. Je trouve que c'est une bonne formule de ne pas avoir réellement de présentateur. Il n'est pas vraiment présentateur : il est avec les candidats, il les rassure, il les briefe et il les clashe. (rires)

Avez-vous un oeil particulier sur l'audience de vos émissions ? Allez-vous regarder celle d'"Au micro" le lendemain de la diffusion du premier numéro ?
On va le regarder par curiosité. Quand on fait une émission, on a envie de savoir si l'audience est au rendez-vous. Il y a beaucoup d'attente pour "Au micro". On va voir si cette attente s'est transformée en audience. Comme toujours à Canal, c'est sans obsession. Par ailleurs, cette émission va être très consommée via myCANAL. On a pris la décision de la diffuser en deuxième partie de soirée, dans la foulée du match PSG/Barça. C'est un très beau lancement. Pour ceux qui ne pourront pas ou n'auront pas le courage de rester aussi tard, ils auront la possibilité de le visionner sur myCANAL. C'est un format qui se consomme facilement en différé, contrairement au sport généralement.

"Tous les journalistes adaptent leur travail au média qui les embauche" Hervé Mathoux

Vous aviez déjà fait du commentaire dans le passé. En participant à "Au micro", est-ce que ça vous a donné envie d'en refaire ?
Non, pas spécialement. Je suis passé à autre chose. On ne peut pas tout faire dans la vie. J'en ai fait un peu à mon époque TF1 quand j'ai couvert des Coupes du monde et des championnats d'Europe. Un petit peu à Canal, j'ai fait quelques campagnes de Coupes d'Europe. J'ai eu la chance de commenter des Coupes du monde pour Canal+ Afrique. Maintenant, ça fait un certain nombre d'années que je ne commente plus. Je suis très heureux dans mon rôle de présentateur. Par ailleurs, je fais des documentaires. J'ai déjà plusieurs cordes à mon arc. Bien sûr qu'on peut être frustré de temps en temps. Sur de grands événements, il y a de très fortes émotions et il y a ce but qui donne un titre. C'est le moment le plus fort du sport. C'est plus fort que tout. C'est plus fort que l'émission que l'on présente après. On peut se dire : "Qu'est-ce que j'aurais aimé être là". Puis, il faut du temps pour être un bon commentateur et ça prend du temps pour le re-devenir. Donc, ça ne fait pas partie de mes projets aujourd'hui.

Comment percevez-vous cette nouvelle génération de streameurs football qui émerge sur Twitch ?
Ce sont des codes différents de la télé, mais il y a des choses communes. Ça donne une proximité avec l'exercice du commentaire, qui peut être utile. Parmi les concurrents d'"Au micro", certains avaient déjà une expérience de commentaires sur du e-sport. On peut se permettre des choses différentes quand on est sur Twitch. Tout simplement, je pense qu'il faut savoir s'adapter à son auditoire et à la ligne éditoriale du média pour lequel on travaille. En fait, c'est le propre des journalistes. Tous les journalistes adaptent leur travail au média qui les embauche. Un très bon commentateur sur Twitch peut très bien s'adapter pour la télé. Fatalement, la manière de commenter avec le temps va changer. Elle est déjà différente de ce qu'on peut entendre dans les années 70-80. A l'époque, le commentateur arrivait avec la feuille de match et égrenait les noms. A Canal, aujourd'hui, le commentateur apporte des données, des stats, etc. Il y a plein d'informations qui arrivent et qu'il faut prendre en compte. Ce métier est en constante évolution.

"Le football est un terreau facilement exploitable si on veut enflammer la société" Hervé Mathoux

Sur Twitch en mai prochain, Gerard Pique organise la Kings World Cup, une compétition de football avec de nouvelles règles et une consommation différente des matchs de football. Pensez-vous comme Jérôme Rothen, sur RMC, que ça dénature le football et la manière de voir ce sport ?
C'est difficile d'avoir une position tranchée là-dessus. Il faut que le football évolue là-dessus et se pose de bonnes questions. Il n'est plus aussi incontournable qu'il a pu l'être dans le passé. Il le sera peut-être encore moins pour les générations futures. Après, ça ne veut pas dire qu'il faut tout transformer. Faire 4 quarts temps avec des joueurs qui ont des masques de Zorro et quand ils marquent un but, ça fait deux buts... Je pense qu'il y a la place pour faire des compétitions marrantes et rigolotes. Ca ne me choque pas. Il faut tester. Le foot traditionnel doit garder ses bases, mais garder les oreilles ouvertes pour évoluer, sans se dénaturer.

Les abonnés de Canal+ vous ont vu dans votre propre rôle d'animateur du "Canal football club" dans la série "La fièvre" sur Canal+. Comme dans la fiction, pensez-vous qu'un événement lié au football peut embraser la société ?
Il y a plein d'événements qui peuvent embraser la société, mais si les scénaristes de "La fièvre" ont choisi le football, c'est parce que ça reste un domaine transversal. Eric Benzekri expliquait qu'à une époque, il y a une quinzaine d'années, vous parliez avec vos collègues, tout le monde regardait la même chose. Il n'y avait que 4 ou 5 programmes. Parmi les choses communes, que tout le monde consomme, il n'y en a plus aujourd'hui, à part les grands matchs de foot et le sport en direct. C'est pour ça que c'est un terrain de jeu qui parle à tout le monde. Par ailleurs, le foot plaît à des franges de la société extrêmement diverses. Ca parle à un public populaire, mais aussi aux élites. C'est un terreau facilement exploitable si on veut enflammer la société. Ce n'est pas le seul, mais ce n'est pas un hasard si le scénario de "La fièvre" se déroule dans le monde du foot. C'est plutôt pertinent.

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