Lee Daniels, créateur d'"Empire" : "Tout ce qu'il y a dans la série est vraiment arrivé"

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Lee Daniels, créateur d'"Empire" : "Tout ce qu'il y a dans la série est vraiment arrivé"
Par Charles Decant Rédacteur en chef

Rédacteur en chef de puremedias.com, Charles Decant est diplômé de Sciences Po Paris. Après un passage chez Universal Music, il a rejoint l'aventure puremedias.com en 2007 et se spécialise notamment dans...

"Empire" ce soir sur W9
"Empire" ce soir sur W9 © Fox
Le réalisateur américain, qui a co-créé la série événement dévoilée ce soir sur W9, revient sur son inspiration, le processus créatif et... l'argent.

Annoncée pour septembre, la série américaine "Empire" débarque enfin ce soir, sur W9. La petite soeur de M6 dévoilera à 20h55 les trois premiers épisodes de la série phénomène créée par Lee Daniels et Danny Strong. Elle suit la famille Lyon, emmenée par le patriarche Lucious, star du hip hop qui a créé sa propre maison de disques, Empire. Mourant, il souhaite la léguer à l'un de ses trois fils : le jeune rappeur immature Hakeem, le chanteur soul homosexuel Jamal ou l'homme d'affaires André. Des personnages inspirés par la vraie vie du réalisateur Lee Daniels, comme celui de Cookie, la femme de Lucious emprisonnée pendant 17 ans et fraîchement libérée.

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De passage il y a quelques mois à Paris, Lee Daniels avait répondu aux questions de plusieurs journalistes, dont puremedias.com, au sujet de la série, de son mode de fonctionnement et de ses inspirations.

Propos recueillis par Charles Decant.

Qu'est-ce qui vous a convaincu de passer du cinéma à la télé ?
J'ai dû avoir un accès de folie ! J'ai participé à une émission avec mon partenaire, Dany Strong, qui est le co-créateur du film "Le Majordome". Et on nous a demandé ce qu'on allait faire après ça. J'adore travailler avec lui, c'est un collaborateur hors pair. Donc on s'est demandé ce qu'on aimait tous les deux et on aime beaucoup Shakespeare, particulièrement "King Lear". C'était l'étape numéro un. Puis il a pris du recul et il a réfléchi. Et il est revenu en disant "Et si on en faisait quelque chose de hip hop ?". A l'époque, on envisageait toujours ce projet comme un film. Puis je lui ai dit "Je veux en faire une série". Il m'a dit "Pourquoi ?" et j'ai répondu "Parce que je veux gagner de l'argent !"

"J'ai fait de la télé par nécessité !"

Tout l'argent est à la télévision aujourd'hui ?
Oui ! J'étais derrière le premier Oscar décerné à une femme noire et à un scénariste noir mais à chaque fois que je commence à travailler sur un projet, je dois repartir à zéro pour trouver de l'argent. J'ai 56 ans, j'ai des enfants à l'université, une à Paris, à l'université, et ça coûte cher ! Donc il fallait que je grandisse et que je sois responsable. Je n'avais pas envie de faire de télé mais je l'ai fait par nécessité. Et j'avais parlé avec beaucoup de gens qui m'avaient dit que je n'apprécierais pas l'expérience, que beaucoup de gens étaient impliqués dans le processus créatif, que ce ne serait pas vraiment 'moi'.

Et ce n'est pas vraiment vous, au final ?
Si. Je ne peux pas écrire ce que je n'ai pas vécu. Tous ces gens sont moi. Ou mes soeurs, ou mes amis, ou ma mère. C'est ma vie ! Tout ce qui est dans "Empire" vient de quelque chose qui est vraiment arrivé.

Vous essayez de faire passer un message à travers la série ?
Je ne peux pas parler pour Danny, mais pour moi, j'essaie de leur donner un aperçu de mon monde. Dans le film, ils voient un aperçu de mon monde, mais il y a très peu de gens qui le voient. 27 millions de gens ont vu le pilote d'"Empire" aux Etats-Unis ! C'est énorme ! Du coup, il y a une certaine responsabilité. Je veux montrer l'Amérique d'aujourd'hui, sans blâmer qui que ce soit. Nous en sommes là, ces situations sont réelles - et je le sais parce que je les ai vécues - et si je peux arriver à les raconter sans être trop sérieux et qu'on s'en amuse, alors je suis content. Ca rappelle "Dynastie", ça rappelle "Dallas", à une époque où la télévision n'avait pas peur. On a tellement peur de raconter la vérité que tout semble faux.

Comment ça ?
J'ai regardé les MTV Awards parce que je ne connais rien au hip-hop. Mon éducation s'est arrêtée à Donna Summer ! (Rires) Donc mes enfants m'ont dit que je ne pourrais jamais faire une série sur le hip-hop. Donc j'ai dû comprendre le monde dans lequel j'allais, apprendre de ces MTV ou ces Grammy, je ne sais plus trop. Et ce que j'ai vu, c'est qu'il n'y avait pas de vérité. Tout était sur-commercial. Il n'y avait pas de transpiration. Où était Whitney Houston qui criait, qui suait ? Où était James Brown à genoux, en train de pleurer ? Où était Aretha Franklin avec sa voix eraillée à cause de la cigarette ? Prince qui nous montrait son cul ? Michael Jackson qui donnait tant ? Tout ça, c'est fini. Les choses ont changé. On propose de la perfection. Et moi, je voulais revenir à la vérité. Un peu old school, pas forcément tendance, mais je veux montrer les gens réels, qui suent. Mes enfants me disent "Tu es vieux !" Mais je veux ressentir quelque chose !

Lee Daniels
Lee Daniels © Abaca

"La télé, c'est la chose la plus difficile que j'aie eue à faire"

Comment avez-vous appréhendé le processus créatif de la télévision ? Les budgets, les délais, etc ?
Je suis étonné d'être encore en vie ! Sérieusement ! C'est la chose la plus difficile que j'aie eue à faire. Mais je pense qu'il y a une raison à tout. "Le Majordome" m'a préparé à ça. Ce n'était pas comme mes autres films. Ma mère m'a dit "Est-ce que tu ne pourrais pas faire un film normal ? Les gens pensent qu'il nous est arrivé quelque chose ! On me regarde bizarrement à l'église", donc je lui ai fait "Le Majordome". J'ai aimé lui faire plaisir, et je me suis dit que j'allais continuer mais à la télé. Je crois que ça fait de moi un meilleur réalisateur, parce que c'est très rythmé. Je n'ai pas de temps à perdre ! Même pas le temps d'aller aux toilettes ! Donc j'ai appris à prendre les décisions plus vite, mais je me rends aussi compte que j'ai des responsabilités, donc ça me rend plus prudent et plus conscient de ce que je fais. Avant, je me moquais de ce que les autres pensaient. Peu importe. A part mes enfants et moi... Aujourd'hui, je m'inquiète plus de ce que les gens vont penser. Je ne sais pas si c'est positif...

On les entend plus que jamais, ces gens, grâce (ou à cause) des réseaux sociaux...
Oui, mais je ne pratique pas trop les réseaux sociaux. Je suis juste sur Instagram et j'ai des gens qui tweetent pour moi. Ma fille, mon assistant et mon publiciste tweetent. Mais Instagram, c'est simple, c'est sur mon téléphone... Tous les acteurs, en revanche, ils y sont. La chaîne m'encourage à tweeter. On vit dans cette génération ! Je me rappelle - car je suis vraiment vieux - que quand j'avais une vingtaine d'années, mon assistant était venu en me disant "Patron, il faut qu'on achète un ordinateur" et que j'avais répondu "Hors de question ! Un crayon et du papier, ça suffit !" (Rires)

"Je devrais être mort, je suis une statistique"

Vous pourriez réaliser un film ou une série qui ne vous ressemble pas ?
Non. Enfin, je ne sais pas. Quand on comprend la condition humaine, je crois qu'on peut tout faire. Je ne veux pas être présenté comme un réalisateur gay ou un réalisateur noir, je veux juste être un réalisateur. Parce que c'est ce que je suis. J'adore mon métier, j'adore mon art, et j'adore mes acteurs. J'ai énormément de chance d'être en vie, déjà, avant d'être un réalisateur. Je devrais être mort. Je suis une statistique. Il y a plus d'afro-américains en prison aujourd'hui qu'il y avait d'esclaves. C'est juste une autre façon de traiter les Noirs. Je ne suis pas sûr que beaucoup d'enfants aient vu leur meilleur ami se faire tirer dessus à cinq ou six ans. Que beaucoup aient vécu le début de l'épidémie de sida et aient vu leurs meilleurs amis et leur amant mourir entre leurs bras. Tout ça se retrouve dans mon travail. Ce n'est pas une expérience personnelle, c'est une expérience universelle.

L'une des relations les plus fortes entre les personnages de la série concerne Jamal et son père Lucious, qui a du mal à accepter son homosexualité...
Je ne sais pas comment ça se passe ici mais dans la culture afro-américaine... Vous savez, je n'oublierai jamais ce que m'a dit mon père. Il m'a dit 'Tu es un homme noir. Tu as déjà un élément contre toi face à la vue. Pourquoi est-ce que tu veux être gay ?'. Il n'avait pas compris que je n'avais pas le choix. Il ne comprenait pas du tout. Il savait que ma vie serait courte. Je vous le dis, je suis surpris d'être en vie ! Il ne savait pas quoi faire et il était terrifié. Si on n'a pas vu ça, on ne peut pas le comprendre. Les gens trouvent que "Precious" est un film sombre et dur. Mais quand je l'ai projeté à Harlem, les gens l'ont pris pour une comédie ! Ils ont ri, ils ont trouvé ça drôle, que c'était une célébration. Quand je l'ai montré à Sundance, à des blancs, ils ont vu de l'art. Ils avaient l'impression que c'était insultant de rire. Ca montre le monde dans lequel on vit. Il y a plusieurs points de vue, et c'est ce qu'on essaie de montrer. Je n'essaie pas d'être trop sérieux. J'essaie d'en faire un divertissement.

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