
Difficile de se remettre derrière la caméra après d'immenses succès critiques et publics. Steven Spielberg a tenté le coup en enchaînant les blockbusters, George Lucas a préféré se plonger dans la production, utilisant son nom pour en faire surgir d'autres tout en gardant intacte sa réputation à son sommet. Peter Jackson (la trilogie du Seigneur des Anneaux), lui, a fait le double pari, continuant de produire quelques œuvres surprenantes (District 9), tout en replongeant dans les entrailles du cinéma pour y faire sortir tout ce qu'il a encore à dire. Et après son bancal King Kong, il nous prouve ici qu'il a, finalement, toujours autant de cinéma dans la tête.
Pari risqué, puisque Lovely Bones ne peut pas jouer sur le ressort de sa chute : son héroïne meurt au début du film, une première demi-heure magistrale et surprenante. Il nous reste alors la volonté kitsch d'une retranscription visuelle du purgatoire, seventies à mort, envolées lyriques et poésie colorée. Résultat, un mix entre Big Fish de Tim Burton et Arizona Dream d'Emir Kusturica, mais un montage ingénieux et intelligent permet de casser brutalement cette poésie par des scènes à la Sixième Sens. Rien que ça.
L'ambition est autant formelle que scénaristique, et le but est de nous sortir un film qui a décidé de s'asseoir sur la construction classique du cinéma d'Hollywood, tout en reprenant avec minutie les codes de films de genre, si importants aux yeux du réalisateur geek de Bad Taste. C'est donc un nouvel exercice d'équilibriste que tente Jackson, entre thriller et poésie, entre drame et fantastique, un peu comme s'il avait voulu traverser le Grand Canyon perché sur un éléphant marchant sur un fil de soie. Toujours au bord du précipice sans jamais y tomber, il enchaîne les envolées de papillons et les courses-poursuites dans les champs.
Pour être parfait, il aurait pu développer ses personnages, dont la moitié semble faire de la figuration, et surtout être capable de tenir le rythme aussi bien qu'il le fait au début et à la fin du film. Malgré ses quelques pertes de rythme et ses personnages pas assez fouillés, Lovely Bones reste un des plus beaux drames fantastiques de ces dernières années. Et pousser le talent jusqu'à faire un happy-end intelligent sans tomber dans la niaiserie hollywoodienne relève du génie.