L'ancien patron du samedi soir. Après avoir évoqué sa carrière dans la publicité et son format "Hôtel du Temps" sur France 3, Thierry Ardisson se confie auprès de puremedias.com sur ses activités au sein de France Télévisions. "Je me sens un homme du service public", insiste-t-il. L'animateur en noir en profite par ailleurs pour donner sa vision des talks du PAF et des productions venant de Youtube.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
Vous plaisez-vous à France Télévisions ?
Oui... Même si l'époque a changé. On n'a plus les mêmes relations avec les patrons qu'avant. Hervé Bourges, il m'appelait. On discutait. On déjeunait souvent. Là, c'est différent. Mais je n'ai pas à me plaindre. "Hôtel du Temps", c'est Delphine Ernotte et Stéphane Sitbon-Gomez qui l'ont acheté. Et puis, il y a les docs... Mon rythme de vie actuel s'accommode plus des documentaires que d'une hebdomadaire. J'ai pu faire avec Philippe Thuillier les docs sur l'ORTF, qui ont été des cartons d'audience sur France 3. Là, France Télévisions m'a permis de faire "L'âge d'or de la pub". J'ai d'autres projets avec eux. Je suis ravi.
Vous sentez-vous comme un animateur du service public ?
Plus que jamais. Ce qu'il faut savoir, c'est que je ne suis jamais parti de France Télévisions. C'est Patrick de Carolis qui m'a viré en disant qu'il faut que j'arrête "93 Faubourg Saint-Honoré". Je ne comprenais pas pourquoi. Donc, on s'est engueulé. Il m'a viré et j'ai été 10 ans sur Canal+ où j'ai été très heureux avec Rodolphe Belmer et Ara Aprikian. Donc, je ne suis pas parti de France Télévisions, j'ai été viré. Mon retour à France Télévisions, où j'avais passé 18 ans auparavant, est tout à fait naturel. Je me sens un homme du service public. Je pense que la télévision publique n'a pas qu'une mission de divertissement ou d'information, mais aussi une mission culturelle. Ma seule ambition est de transmettre.
Aujourd'hui, vous arrivez à transmettre également à la nouvelle génération via votre chaîne Youtube, Arditube.
La plupart du temps, quand je reçois un invité, je ne dis pas : "Salut, ça va ? Il est bien ton nouveau disque ?". Je dis : "Ton père est arrivé du Chili. Il a rencontré une Française. Tu es né !". Je raconte l'histoire des gens. Je transmets la personne. Je ne fais pas que blablater. L'erreur quand tu fais une interview, c'est d'essayer de montrer à ton interlocuteur que tu es aussi intelligent que lui. Il ne faut pas être inférieur non plus, pas trop fan, parce que si tu es là, c'est que tu es digne d'être là. Il faut juste essayer de transmettre ce que le mec a à te transmettre. J'ai fait ça toute ma vie. Arditube, l'année dernière, a fait 91 millions de vues ! On a 480.000 abonnés ! C'est surréaliste !
Aimeriez-vous animer de nouveau un talk ?
Sûrement pas ! Je n'ai plus en face de moi les gens que j'ai envie d'interviewer. Aujourd'hui, il n'y a pas de quoi faire un bon plateau toutes les semaines. Et puis, les Américains ne viennent plus. J'ai eu Brad Pitt, Matt Damon, Angelina Jolie, Colin Farrell, Robbie Williams, Stevie Wonder... Aujourd'hui, ils viennent dans un hôtel faire un press junket pendant une journée et tu n'as qu'une demi-heure... Je le sais bien car Audrey (Crespo-Mara, sa conjointe, ndlr) est parfois soumise à ça. Elle se démerde pour faire une heure. Mais c'est pénible. Quand tu es arrivé, je ne t'ai pas dit que tu as une demi-heure. On discute. Si on est bien, on reste. Bref, les Américains ne viennent plus. Ca donnait du chic à l'émission. Je n'ai pas envie de m'emmerder. Je n'ai pas envie d'être mauvais. J'ai envie qu'on dise : "Il est complètement fou, maintenant il ressuscite les morts !".
Que pensez-vous du ton des talks de la télévision d'aujourd'hui ?
Il y a un problème. C'est que tu ne peux plus rien dire. Je n'avais jamais souffert des réseaux sociaux, mais les deux ans où j'étais sur C8, dès que tu disais un truc, tu avais 50.000 tweets. Les chaînes, même si elles ne veulent pas le reconnaître, sont en alerte quand il y a 50.000 tweets. Twitter n'est pas l'opinion publique, mais les chaînes, ça les gêne. Donc, aujourd'hui, tu ne peux plus rien dire. Il m'est arrivé de faire des trucs qui me semblaient tout à fait naturels dans mon émission : le lendemain matin, j'avais je ne sais pas combien de protestations sur les réseaux sociaux. Je n'ai pas envie d'être jugé par des chômeurs qui n'ont rien d'autre à foutre qu'envoyer des tweets. Twitter, c'est anonyme. N'importe quel connard peut donner son avis. On pourrait trouver ça démocratique. Moi, je trouve ça pénible.
Dans une interview que Léa Salamé nous a accordé en février, elle a confié se sentir dans "votre lignée" le samedi soir sur France 2. Que pensez-vous de "Quelle époque" ?
C'est une fille intelligente. Son producteur Régis Lamanna-Rodat aussi. Ils ont compris que le plus gros talk du samedi soir, restait "Tout le monde en parle". Ils n'ont pas eu honte de s'en inspirer. A commencer par le casting, une pute et un archevêque. Autour de la table, je mettais Marylin Manson avec Maître Capello. On avait l'impression qu'on avait deux chaînes différentes. J'aimais ça, le choc des mondes. La deuxième chose, c'est que Léa a besoin, comme moi, de se rendre sympathique. Elle a remarqué que, quand j'arrivais dans l'émission, je disais bonjour à tout le monde. J'ai déjeuné avec Régis il n'y a pas longtemps. Il m'a dit qu'il s'est inspiré de moi. Je lui ai dit : "Moi, je me suis inspiré de Philippe Bouvard, de François Chalais, de Denise Glaser, de Jean-Christophe Averty et de Daisy de Galard". J'ai même fait une conférence à la bibliothèque François Mitterrand avec l'INA sur "Qu'est-ce qu'Ardisson a piqué à l'ORTF ? Et qu'est-ce que l'ORTF a apporté à Ardisson ?".
Ce n'était pas ça avec Laurent Ruquier ?
Quand ils ont fait "On est en direct", il n'y avait pas les codes du samedi soir. Le samedi soir, l'ouvrier italien prend une douche, se coiffe et va au bal. Il faut que ça soit festif. Là, c'était un salon. Ruquier disait : "Oui, alors, page 32, vous dites...". Les gens ne savent même pas qui est le mec qu'il interviewe et ils n'ont jamais lu le bouquin. Avant ça, l'émission "On n'est pas couché" avait un mérite, c'est d'avoir créé le système de deux snipers. Lui, il fait le gentil et il envoie les deux au feu. Moi, j'ai un problème avec ça. Un mec qui a mis trois ans à faire un film ou trois ans à écrire un livre, tu ne me verras jamais lui dire que son livre ou son film, c'est de la merde. J'ai du respect. J'ai écrit des livres. J'ai essayé de faire des films, j'en ai fait deux. Je sais ce que c'est. Quand je n'aimais pas quelque chose, je ne le disais pas. Quand j'aimais, je le disais. Mais inviter quelqu'un et faire dire par Naulleau ou Zemmour, que c'est de la merde... non !
Avez-vous un regard sur les projets audiovisuels qui naissent sur Youtube et Twitch ?
Oui. Comme tous les créatifs, je cherche des idées. Je me dis que je pourrais peut-être piquer des idées à des mômes. (rires) J'ai vu le format de "l'imposteur" avec Squeezie. Ce sont des trucs qui ont été faits il y a cinquante ans par Jacques Antoine. Je ne trouve pas d'idées que j'ai envie de voler. Il y a un truc qui est rigolo mais qu'on ne peut pas faire à la télé, c'est Monsieur Poulpe qui fait boire des gens pour les faire parler. C'est incroyable ! Maintenant, il y a "Hot Ones" avec Kyan Khojandi qui donne du piment à ses invités. C'est un format américain. Mais tu ne peux pas le faire non plus à la télévision hertzienne. C'est pourtant une bonne idée. Nous, on faisait pareil. On faisait pareil. Dans leurs mugs, ils avaient du champagne ou de la vodka. Juste, on ne le disait pas.
La suite de l'interview à retrouver demain sur puremedias.com.