
Communiqué, petit déjeuner presse : le Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) a ouvert les hostilités fin juin en réclamant un encadrement "renforcé" de la publicité segmentée en TV, cette technologie qui permet de diffuser des publicités ciblées selon les caractéristiques de chaque foyer. Une offensive qui intervient alors que les radios indépendantes peinent à retrouver leurs revenus publicitaires d'avant-Covid, malgré une légère reprise du marché de la pub locale en 2024.
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"Ce recul est d’autant plus préoccupant que la publicité locale représente en moyenne 50% du chiffre d’affaires des radios indépendantes, et garantit leur ancrage dans les territoires," explique le syndicat dans son communiqué de presse.
"La publicité locale, ce n’est pas un simple levier économique : c’est un garant de la diversité et de la vitalité démocratique dans les territoires. La radio indépendante fait vivre une information de proximité à travers tout le pays. Elle a besoin d’un cadre équitable pour continuer à remplir cette mission", rappelle quant à lui Christophe Schalk, le président du SIRTI, se faisant ainsi le porte-voix des 170 radios privées membres du syndicat. A elles toutes, celles-ci rassemblent plus de 9 millions d’auditeurs chaque jour, et emploient plus de 2500 salariés, dont 500 journalistes.
Mais pourquoi cette attaque en règle contre la publicité TV segmentée, autorisée en France depuis 2020 ? Pour les radios locales, "les conclusions de l’étude d’impact publiée en 2022, en pleine crise sanitaire, sont aujourd’hui obsolètes." Et de détailler : "le marché a depuis profondément évolué : la couverture a fortement augmenté (plus de 11 millions de foyers éligibles), le nombre d’annonceurs s’est accru, tout comme le volume des campagnes — dont plus de la moitié repose sur des données de géolocalisation. Et enfin, les profils des annonceurs en télévision segmentée sont désormais quasi identiques à ceux qui investissent en publicité locale".
Chiffres à l'appui, le SIRTI souligne que la part de marché de la télévision a progressé de 13,5 % en 2024 sur le marché publicitaire local, "alors que les télévisions ne proposent aucun contenu local."
Par ailleurs, les radios locales dénoncent "un manque de transparence sur les spots diffusés" : "Le SIRTI s'inquiète en particulier de la conformité de l’identification locale, qui selon ses observations, représenterait aujourd’hui la moitié des spots adressés. Or, sans contrôle efficace et sans respect du principe “à programme local, publicité locale”, la radio subit une distorsion de concurrence qui pénalise l’ensemble de son modèle économique."
Ces attaques n'ont pas manqué de faire bondir l'Alliance Des Médias TV et Vidéo (ADMTV), qui dénonce une focalisation sur un "micro-marché" dérisoire. Dans un communiqué cinglant, l'ex-SNPTV balaie d'un revers de main les accusations des radios locales : "le SIRTI semble confondre publicité géolocalisée (ciblage par zone géographique) et publicité locale (annonceurs locaux)" tacle-t-il.
Ainsi, selon le syndicat des régies TV, la TV segmentée ne représenterait qu'entre "0,1 et 0,2%" du marché publicitaire local en France, un chiffre qui "reste dérisoire face aux plateformes numériques qui captent l’essentiel de ce marché", même s'il est "en progression".
"S'attaquer à un sujet aussi marginal relève du mauvais procès et détourne l'attention des véritables enjeux", assène encore l'ADMTV, qui préfère pointer du doigt les vraies distorsions de concurrence. L'Alliance cite notamment l'interdiction de la publicité pour la distribution (100 à 200 millions d'euros de manque à gagner annuel selon le syndicat) ou encore l'impossibilité de mentionner l'adresse de l'annonceur dans la publicité locale, contrainte qui aurait "bridé fortement le développement du marché".
Paradoxalement, les deux camps convergent sur un point : la nécessité d'une étude d'impact. Mais pas sur le même objet. Quand le SIRTI souhaite se concentrer sur la TV segmentée, l'ADMTV appelle à élargir "considérablement" le périmètre pour analyser "l'ensemble des asymétries concurrentielles entre les médias producteurs de contenus et les plateformes de partage de vidéo et les réseaux sociaux".
Pour l'ADMTV, l'étude devrait évaluer le "manque à gagner global pour la télévision", l'impact sur le financement de la création audiovisuelle et les pertes fiscales pour l'État. L'Alliance - qui a intégré récemment Netflix, Amazon et Disney, mais pas Google, Meta ou TikTok - estime que les géants du numérique "opèrent sans contraintes, sans transparence et sans contribution au modèle culturel français". Et de conclure : "Face aux plateformes qui ne font qu’héberger du contenu sans responsabilité et qui captent plus de 10 milliards d’euros de recettes publicitaires en France sans contribuer au financement de la création et de l’information, tous les médias producteurs de contenus doivent s’unir."
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