"J'ai maté le '20 Heures' de France 2 hier, j'en suis peu fier". Dans ses premières "ABC" de la semaine, Bertrand Chameroy, chignon haut fixé à l'arrière de la tête, s'est amusé à parodier les paroles de "L'enfer", nouveau titre de Stromae que le chanteur belge a interprété dans un plan séquence très commenté, dimanche 9 janvier sur le plateau du "20 Heures" de TF1. De cette façon, l'artiste répondait à une question sur sa dépression, posée par la journaliste Anne-Claire Coudray.
"Je devais être seul sur mon canap' devant la Deux"
Après une question bien plus terre à terre posée par Anne-Elisabeth Lemoine - "Vous avez passé un bon week-end Bertrand ?" - le chroniqueur de "C à vous" sur France 5, regard plongé dans la caméra et dos à la table, s'est lancé : "Je devais être seul, vraiment le seul sur mon canap' devant la Deux et en face combien ils étaient ? Beaucoup, a chanté le chroniqueur dans une ambiance lumineuse et un style des plus solennels. La séquence de ce début d'année, bah je l'ai tout simplement loupée, tout le monde en parle mais je l'ai ratée car oui, j'ai maté le '20 Heures' de France 2 hier, j'en suis peu fier mais le brushing de Delahousse était vraiment super... Voilà", s'est-il arrêté tout net sous les applaudissements de ses collègues hilares.
"J'ai regardé Gilles Lellouche chez Laurent Delahousse car moi je ne regarde que les chaînes du groupe France Télévisions", a-t-il repris, souhaitant au passage une "bonne année" à Delphine Ernotte, la patronne du groupe audiovisuel public. "Très corpo", a souligné Patrick Cohen. puremedias.com vous propose de visionner cette séquence.
Une prestation qui interroge la profession
Bertrand Chameroy a donc choisi l'humour pour traiter la prestation de Stromae au "20 Heures" de TF1. Une séquence enregistrée la veille de sa diffusion qui a accouché d'un questionnement : une opération de communication, aussi réussie soit-elle, a-t-elle sa place dans une édition d'information ? Tranchants, "L'Obs" et "Libération" ont exprimé leur gêne.
"Le chanteur belge a brouillé ce qui reste de repères entre information et divertissement, écrit "L'Obs " au lendemain de la prestation de l'artiste. Soudain, nous ne sommes plus sur le plateau du journal télévisé, nous voici propulsés dans un film de Jacques Demy ! Mauvais, le film (...) Nous ne sommes pas devant 'Les parapluies de Cherbourg' ! Nous sommes censés assister au '20 Heures' de TF1, présenté par une consoeur dotée d'une carte de presse". "Marianne" parle "d'abdication éditoriale de la Une", "Libération" ne décolère pas non plus : "Avec son coup de promo bien ficelé au journal de la Une dimanche soir, le chanteur star et la rédaction brouillent encore un peu plus les pistes de l'infotainment".
Interrogée sur ces critiques par nos confrères de "20 Minutes" ce lundi, Anne-Claire Coudray élude. "Ce n'est pas un sujet", rétorque-t-elle. "Franchement, les critiques sur l'infotainement... On n'était pas du tout là-dedans, dimanche soir. On était dans un instant de vérité, qui a toute sa place dans un journal télévisé". Dans son "Edito médias" sur France Inter, Sonia Devillers a, de son côté, pris parti, ce mardi, pour sa consoeur de TF1. "Dans une période où le moindre doute sur la moindre séquence fait péter les plombs des complotistes et des vérificateurs de faits qui leur répondent, jouer ainsi avec les codes du JT, c'est faire confiance au téléspectateur, à sa culture de l'image, à sa compréhension de l'information, à sa lucidité face à un artiste en promotion".
