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"Elles condamnent les journalistes au silence à vie" : D'anciens salariés du groupe Bolloré dénoncent des "clauses contractuelles sans limites"
Publié le 18 mars 2025 à 11:36
Par Nastassia Dobremez | Journaliste
Née à Paris l’année de la sortie de "Dracula" de Francis Ford Coppola, le septième art a guidé son parcours professionnel jusqu’à devenir journaliste spécialisée dans le cinéma. Passionnée aussi par la télévision et les séries, elle peut parler des heures de "Friends", "Desperate Housewives" et du regretté "Grand Journal" de Michel Denisot sur Canal+.
Un documentaire de Reporters sans frontières (RSF), mis en ligne ce 18 mars 2025, révèle l’existence de clauses de confidentialité à durée illimitée, empêchant des centaines de journalistes de s’exprimer après leur départ de certains médias parmi lesquels ceux du groupe de Vincent Bolloré.
Vincent Bolloré, Président du conseil de surveillance de Vivendi, lors d'une audition devant la commission d'enquête parlementaire sur les procédures d'autorisation des services nationaux de télévision à l'Assemblée nationale, à Paris, le 13 mars 2024. Vincent Bolloré, Président du conseil de surveillance de Vivendi, lors d'une audition devant la commission d'enquête parlementaire sur les procédures d'autorisation des services nationaux de télévision à l'Assemblée nationale, à Paris, le 13 mars 2024.© Stephane Lemouton / Bestimage
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Ce mardi 18 mars 2025, "Reporters sans frontières" (RSF) a mis en ligne une vidéo sur sa chaîne YouTube dans laquelle la journaliste Haïfa Mzalouat enquête sur les clauses de confidentialité signées par des journalistes lorsqu’ils décident de partir de certains médias détenus par de puissants actionnaires. Intitulé "La loi du silence : ces clauses qui font taire les journalistes", ce documentaire réalisé par Robin Grassi recueille des témoignages de plusieurs anciens salariés du groupe Bolloré qui ont décidé de parler pour briser cette "omerta". Il rappelle qu’en France, désormais, le droit des entreprises de protéger leur image l’emporte sur le droit à l’information.

Le journaliste ne peut rien dire sans prendre un risque juridique

Ainsi, après avoir signé des clauses très larges de "non dénigrement" ou de "loyauté" à la suite d’une rupture conventionnelle par exemple, "le journaliste ne peut rien dire sans prendre un risque juridique", explique Benoît Huet, avocat spécialisé en droit de la presse. "Elles les obligent de manière illimitée dans le temps à ne pas parler de leur ancien employeur", ajoute-t-il. 500 professionnels seraient concernés, apprend-on.

Un constat révélé précédemment par le site d’investigation "Arrêt sur images" : Ces clauses "dites de silence" ont affecté les médias rachetés par le groupe Bolloré comme Canal+, i>Télé devenue CNews, "Paris Match", Europe 1, "Le JDD", Prisma Media. C’est pourquoi Jean-Baptiste Rivoire, ancien rédacteur en chef adjoint de l’émission de Canal+ "Spécial investigation" a été condamné après avoir dénoncé les pressions éditoriales au sein du groupe. Le journaliste a été attaqué aux prud’hommes car il ne devait rien dire "qui porte atteinte à l’honneur ni de lui, ni de ses entreprises, ni de ses cadres et sans limite de date".

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De son côté, Caroline Fontaine, qui a passé vingt ans à "Paris Match", témoigne elle aussi à visage découvert. Contrairement à son confrère, elle n’a signé aucune clause. "On est sur le terrain de la démocratie. Le devoir de témoigner doit primer sur ces clauses qui sont faites pour que l’on ne sache pas ce qui se passe à l’intérieur des rédactions", explique-t-elle dans l’enquête de "RSF". Avant de souligner ce paradoxe : "Notre profession a pour but de révéler et on demande aux journalistes de se taire." Une salariée confirme ces dires anonymement : "On ne peut rien dire, on est complètement muselés, ce qui est complètement fou pour des journalistes. Ça suscite la crainte, je pense que c’est l’objectif de Vincent Bolloré, donc c’est réussi", admet-elle.

Une menace pour la liberté de la presse ?

Selon ces intervenants, les pratiques du groupe de Vincent Bolloré illustrent les dérives de ces clauses de confidentialité. Pour avoir dit que l’homme d’affaires "régnait par la terreur", il demande à Jean-Baptiste Rivoire de payer 150.000 euros. Pour ce dernier, "il s’agit d’une atteinte à la liberté d’expression des journalistes qui sont les chiens de garde de la démocratie mais n’osent plus s’exprimer par peur de devoir rembourser". Autre difficulté : les anciens collègues de Caroline Fontaine ne peuvent, d'après elle, pas témoigner en sa faveur par peur de représailles juridiques : "On est dans un achat massif du silence", dénonce-t-elle, soulignant "la profonde inégalité entre un actionnaire immensément riche et le salarié". Ça marche à 99%."

De ce fait, le reportage alarme sur "une menace insidieuse qui pèse sur la liberté de la presse". Ses journaux se transforment en organe de propagande. "Aujourd’hui, on peut faire de la désinformation mais personne ne peut dire que tout ça est faux", souligne Caroline Fontaine. "En achetant le silence des journalistes, (Vincent Bolloré) empêche la population d’être informée de ce qu’il se passe. Il prend en otage la démocratie", conclut Jean-Baptiste Rivoire. "Chaque citoyen a le droit à une information libre, indépendante et plurielle", rappelle à la fin de son documentaire "Reporters sans frontières".

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