Le grand jour est arrivé. Inconnue du grand public il y a quelques semaines encore, Lisa Angell sera l'ambassadrice de la France ce soir à Vienne lors du 60ème concours Eurovision de la chanson. L'interprète de "N'oubliez pas", dont l'album "Lisa Angell" est disponible depuis dix jours, tentera de convaincre les jurys nationaux mais aussi les 200 millions de téléspectateurs attendus devant leur petit écran demain soir. A la veille de l'évènement, elle a répondu aux questions de puremedias.com sur le programme des 36 prochaines heures, l'engouement autour de son titre, mais aussi les critiques et son attitude de gagnante.
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Propos recueillis par Charles Decant.
Dans quel état d'esprit êtes-vous à la veille de la grande finale ?
En fait, je deviens double ! Je suis très excitée et très sereine à la fois. Sereine parce que les répétitions se sont tellement bien passées que ça me rassure. Et très excitée parce qu'il y a un challenge à assurer, parce que j'ai toujours mon état d'esprit de gagnante. Je suis euphorique !
"Je profite de tout !"
Vous ne vous attendiez pas à cette ambiance assez incroyable, quand vous êtes arrivée la semaine dernière, c'est ça ?
C'est vrai. Aux répétitions, dimanche, il s'est passé quelque chose de dingue. Je pense qu'ils n'avaient pas tous entendu la chanson, et ils ont été assez surpris de la performance vocale au départ et du fait qu'on était très professionnel. En même temps, je trouvais ça assez normal quand on vient dans un concours pour représenter son pays. On devient en quelque sorte l'ambassadrice de la musique ! Mais moi, j'ai aussi été surprise parce qu'on n'a eu aucun problème technique, tout est structuré mais se fait dans le calme et le respect de chacun. Et puis en coulisses on sait que les journalistes ont applaudi en salle de presse, c'est quelque chose qu'on ne voit pas, qu'on nous raconte. Et après, quand je suis arrivée pour la conférence de presse, tout le monde m'a applaudie... Je profite de tout. Vraiment, je m'éclate !
Qu'est-ce qui reste à faire jusqu'à demain soir ?
Cet après-midi, une répétition pour l'entrée en scène de chacun, puis une répétition filée, où on va tous chanter dans l'ordre dans lequel on va passer. On passe en deuxième position. Vendredi soir, on fait un premier Eurovision pour le jury. Samedi, une deuxième filée et samedi soir, l'Eurovision pour le public. La note se joue à 50% vendredi et 50% samedi.
Vous vous attendiez à ce que ça soit si prenant ?
J'ai toujours regardé l'Eurovision, et je pensais que les artistes arrivaient un ou deux jours avant, histoire de se mettre dans l'ambiance comme pour un concert. Mais en fait, non ! C'est une aventure à vivre, et je suis super heureuse de la vivre. J'ai beaucoup de chance !
"Les critiques de gens que je ne connais pas ne me touchent pas"
Vous devenez l'ambassadrice du pays. Quand on vous le propose, c'est forcément "oui" ou vous vous demandez quand même si vous avez les épaules pour ça ?
Ah non, c'est forcément "oui" ! Parce que j'ai une expérience de vie, je ne suis pas une jeune chanteuse. Je suis nouvelle dans le monde du disque mais je suis chanteuse depuis 30 ans. Donc je dis tout de suite "oui" puisque c'est un rêve d'enfant. Et ce n'est qu'en arrivant à Vienne que je me suis rendue compte de l'ampleur de cet événement extraordinaire. Donc je prends mes responsabilités. Il ne faut pas se planter, il faut très bien faire les choses. Je suis assez pointue, je n'aime pas les erreurs, je veux que ce soit parfait. Je ne veux pas qu'on soit critiqué à mauvais escient.
A l'approche du concours, on a fait de plus en plus attention à ce que disaient les bookmakers sur les chances des uns et des autres. Vous suiviez un peu tout ça ?
Non. J'ai eu une grande chance, c'est que Robert Goldman, qui avait aussi fait la chanson de Natasha St-Pier, connaît bien l'Eurovision, et au départ il m'a dit "Tu ne regardes pas la presse". Donc je n'ai pas regardé. Mais le problème, c'est que dès qu'on allume son ordinateur, on tombe sur des choses. J'ai vu que pas mal de gens avaient critiqué. Mais il y avait aussi des gens qui étaient heureux, donc je me suis davantage accrochée à eux. Et puis les gens qui ont critiqué m'ont permis de faire un pas dans le monde de la chanson. Aujourd'hui, je suis plus connue, que ça soit par des critiques ou pas, ça ne me touche pas. Je suis davantage touchée par des gens qui me critiquent et que je connais, que j'aime. Les gens que je ne connais pas, ça ne me touche pas parce qu'ils ne me connaissent pas... Comment peut-on juger des gens qu'on ne connaît pas ?
C'est vrai que tout le monde a un avis sur cette chanson et sur vous !
Mais pour moi c'est porteur dans ma carrière. Les gens qui me disent que ça va me desservir, je pense qu'ils se trompent. Et je compte bien le leur prouver.
"Si on avait chanté en anglais, on nous aurait taxé d'opportunisme"
Quand vous êtes arrivée, vous étiez un peu en bas dans les classements des bookmakers. Est-ce que, finalement, ça ne vous a pas un peu servi maintenant qu'il y a une dynamique plus positive ?
Complètement ! C'est pour tous les artistes pareils. Quand on achète un disque, on n'a pas le même rendu sur scène que sur disque. Il y a des choses qui se passent sur scène, il y a des émotions qui sont transmises. C'est le rôle d'un chanteur ! Je sais ce que je véhicule, sinon je n'oserais pas prendre un micro et je ne ferais pas ce métier. Après, que la chanson plaise ou non, que l'artiste plaise ou non... Ce n'est pas ce qui compte. Ce qui compte, c'est pouvoir marquer les esprits des gens et faire une belle prestation.
"N'oubliez pas" est une chanson avec un texte fort, important, et on sait que vous vous adressez à une trentaine de pays qui ne parlent pas français. Avez-vous envisagé de faire par exemple le dernier refrain en anglais ?
On s'est posé la question, mais finalement non. Très sincèrement, si je chantais en anglais aussi bien que je parle, on ne va pas me comprendre non plus, donc il vaut mieux la chanter en français. Et je pense très sincèrement que si on avait chanté en anglais, on aurait pu nous taxer d'opportunisme aussi. Donc je pense que c'est bien de rester à sa place. Et puis il y a eu un clip avec les paroles qui défilaient, et il y a un tel déferlement de journalistes ici que je pense que, maintenant, tout le monde a compris la chanson.
"Tout ce qui devient institution devient ringard"
Comment expliquez-vous l'attitude contradictoire des Français vis-à-vis de l'Eurovision : tout le monde dit que ça ne sert à rien, mais tout le monde critique le choix de la chanson... ?
Je crois que les Français - pas tous, heureusement - ont tendance à critiquer avant n'importe quel résultat. Si par bonheur, je gagne avec cette chanson, tout le monde dira "On a gagné". Dire que c'est ringard, très sincèrement... J'ai regardé les deux demi-finales, c'est super bien fait, on ne s'ennuie pas, c'est un sacré spectacle et ce n'est pas ringard du tout. Après, c'est toujours pareil : le goût, c'est subjectif. Mais c'est un peu facile : tout ce qui devient institution devient ringard. Bientôt, apprendre à nos enfants à dire bonjour, merci, au revoir et s'il te plaît, ça va devenir ringard. Au contraire, je suis un peu conservatrice.
Comment on arrive, en tant qu'artiste, à venir avec une attitude de gagnante tout en se protégeant un peu ? Il faut se protéger ?
Mon entourage et toute l'équipe autour de cette Eurovision essaient de me protéger, en me disant d'y aller à fond mais qu'on ne sait jamais. Mais je pense que c'est un peu comme quand on voit ses grands-parents vieillir et qu'on se dit qu'il faut se préparer à les voir partir. Finalement, tu ne t'y prépares jamais. Je ne me prépare jamais à l'échec. Ce n'est pas mon tempérament. Dire que je n'y vais pas pour gagner, je serais hypocrite. Tout le monde est là pour gagner ! Pour l'instant, je gagne l'Eurovision. En tous cas, je veux tout faire pour ! Quelle fierté de ramener ce titre en France ! Et pas que pour moi, mais pour la France, pour ma famille... Et ça permettrait peut-être au prochain candidat français d'être un peu plus respecté...