Salto : De sa création à sa dissolution, l'histoire tourmentée du "Netflix à la française"

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Salto : De sa création à sa dissolution, l'histoire tourmentée du "Netflix à la française"
Par Tom Kerkour Journaliste
Ayant grandi à l'heure où YouTube empiète sur le petit écran, Tom Kerkour savoure autant un épisode de "Cauchemar en cuisine" que du Joueur du Grenier. Captivé par le bouleversement des médias à l'ère digitale/numérique, il intègre la rédaction de Puremédias en décembre 2022.
Le lancement de Salto le 20 octobre 2020 © Salto
De sa première mention en 2018 à ses derniers moments incertains, la chance n'a jamais souri au service de streaming tricolore.

La promesse initiale de Salto était simple. Une plateforme pour les réunir tous. Une plateforme devant permettre aux leaders de l'audiovisuel français d'unir leurs contenus et mener de front la bataille face aux plateformes américaines. Cette ligne était claire lorsque, le 15 juin 2018, France Télévisions, TF1 et M6 ont annoncé s'allier pour créer ce que la presse appellera un "Netflix à la française". Un doux oxymore.

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Dès le départ, les choses étaient mal embarquées. Pour aboutir, le projet des trois chaînes devait obtenir une ribambelle d'autorisations. Ainsi, le dossier est passé entre les mains de la Commission européenne, puis du CSA (devenu l'Arcom) avant d'atterrir sur le bureau de l'Autorité de la concurrence. Une lenteur qui avait courroucé Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions. La patronne du groupe public devenait même "dingue" à force d'attendre l'ensemble des autorisations. Chaque mois où Salto n'était pas sur le marché, les fondateurs laissaient des abonnés potentiels Netflix ou Amazon.

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Le dernier feu vert, l'accord de l'Autorité de la concurrence, a fini par arriver en août 2019. L'organisme, dirigé à l'époque par Isabelle de Silva, devait s'assurer que cette joint venture ne permettrait pas aux trois poids lourds de s'entendre pour faire pression lors de l'achat de droits de diffusion. L'autorisation du régulateur a donc finalement été assortie d'engagements stricts, qui, plus tard, porteront préjudice à l'entreprise. Les trois actionnaires se sont par exemple engagés à limiter la possibilité d'acheter des droits de diffusion linéaires et non linéaires entre leur chaîne et la plateforme. Dans le même temps, ils ont accepté de "limiter les possibilités de promotion croisée entre leurs chaînes et la plateforme Salto". Une condition qui réduira la visibilité de la plateforme auprès du grand public.

Aucun mariage, un enterrement

Les freins ne se sont pas arrêtés aux pépins réglementaires. Alors que le service devait enfin voir le jour en juin 2020, une épidémie (le Covid-19) est venue rebattre les cartes. L'arrêt brutal des productions audiovisuelles que ce soit en France ou à l'étranger ainsi que la mauvaise santé du marché de la publicité avaient convaincus la direction de revoir sa feuille de route. Le lancement fut donc repoussé à l'automne 2020, le 20 octobre plus précisément. Un départ des plus mous.

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Pour les premiers abonnés au service - 200.000 en 3 mois selon "Les Echos" - l'offre était des plus brouillonnes. Alors qu'il se vendait comme une plateforme mettant en avant les contenus tricolores, le service de Thomas Follin a voulu marquer le coup en captant les films "Harry Potter", la suite de "Sex and the city" ou l'épisode spécial retrouvailles de "Friends". Or, avec le budget dont il était doté, quelques dizaines de millions d'euros par an, le service ne pouvait absolument pas rivaliser avec Netflix et ses 17 milliards d'investissements dans les contenus en 2021. Seule solution : s'appuyer sur les contenus issus des catalogues de TF1, M6 et France Télévisions, en jouant tantôt sur des petites exclusivités, tantôt sur de la rediffusion. Une béquille qui lui a porté préjudice plus tard, lorsque chacune des entreprises a recentré sa priorité sur son propre service, au détriment de l'offre commune.

Le coup qui a le plus blessé la "plateforme française de divertissement" est arrivé plus tard. En mai 2021, la nouvelle tombe : TF1 met la main sur M6. Dans la même logique que celle qui a poussé à la création de Salto, les deux poids lourds de l'audiovisuel français ont souhaité s'allier pour devenir un acteur de taille européenne et résister à la pression des plateformes. Si le projet avait été mené à bien, France Télévisions, la cinquième roue du carrosse, avait annoncé "cesser sa participation". Sauf que... Le mariage ne s'est pas fait. Les deux groupes audiovisuels ont annoncé en septembre 2022 renoncer à leur projet de fusion.

Dissolution

Deux mois plus tard, le couperet est tombé pour Salto. Selon la "Lettre A", TF1 et M6 ont acté le 17 novembre le retrait de l'entreprise, pour privilégier leurs offres maison MyTF1 Max et 6play Max. France Télévisions demeurait le seul actionnaire encore motivé, pourtant, le service était à vendre. Plusieurs acquéreurs auraient montré leur intérêt, avant de faire demi-tour.

Seul l'espagnol Agile s'était finalement porté acheteur de l'entièreté de l'entreprise. Pourtant, selon nos informations, l'accord n'a pas abouti. Ainsi, Delphine Ernotte annoncera vendredi la "dissolution" de Salto lors d'un Comité social économique (CSE) central extraordinaire. Une information cruciale, le groupe public étant jusqu'ici le seul à ne pas avoir communiqué sur l'avenir de la plateforme. Et maintenant ? Le plus probable est qu'avec la dissolution, les actifs de Salto soient mis en vente pour éponger ses dettes. Des acteurs comme Canal+ ou Amazon pourraient se manifester. Si des inconnues demeurent, le service de vidéo à la demande tel que ses abonnés l'ont connu ne devrait plus faire long feu.

Au Sénat on s'interroge déjà sur les conséquences à tirer de cet échec. Dans un communiqué intitulé "Salto arrière", Roger Karoutchi, le rapporteur spécial des crédits dédiés à l'audiovisuel public au sein de la commission des finances demande des comptes à France Télévisions. Le groupe "n'était finalement là que pour combler les pertes, soit 42 millions d'euros fin 2021. Il est aberrant que le groupe public se trouve en position de combler les pertes d'un service mettant notamment en vente des séries produites initialement pour le service public et financées à ce titre par la ressource publique". Il exige désormais que les équipes de Delphine Ernotte communiquent "le coût de cet investissement absurde" au Parlement "dans les plus brefs délais". Le dossier est donc loin d'être clos.

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