Road-movie touchant sur les coulisses d’une tournée de strip-teaseuses, le film de Mathieu Amalric révèle un réalisateur de talent, qui filme avec le cœur sa troupe d’actrices étincelantes.
On connaît plus chez Mathieu Amalric ses talents de comédien que ses aptitudes à mettre en scène. Et pourtant, si le Palmarès du Festival de Cannes 2010 peut être contestable, reconnaissons à Tim Burton et son jury son excellente inspiration d'avoir décerné à l'acteur français un prix de la mise en scène surprenant, mais mérité. Car pour son quatrième passage derrière la caméra, Mathieu Amalric livre un film à la fois personnel, touchant, simple et inspiré. En suivant cette troupe d'effeuilleuses aux formes généreuses, il nous invite à découvrir un univers méconnu. Sans fard. Sans artifice. Et avec une générosité gravée sur la pellicule.
Almaric joue l'économie des mots pour y préférer le langage du corps
Le piège était dangereux, et Mathieu Amalric l'a évité. Il nous plonge dans les coulisses d'une tournée des strip-teaseuses du "New Burlesque", mais ne bascule jamais du côté du documentaire. Amalric endosse la double-casquette de réalisateur et d'acteur. Dans son rôle de producteur fragile et partagé entre sa vie personnelle en lambeaux, son amour pour ses danseuses et les galères financières de son travail, il a la sobriété et la retenue qu'il faut. Il balaye d'un trait nos craintes de voir l'acteur s'inspirer trop fortement de son travail dans les films de son ami Arnaud Desplechin.
Mais bien sûr, l'atout majeur de Tournée, ce sont ses comédiennes ! Véritables danseuses et chorégraphes, ces actrices en forme et en chair font des premiers pas étincelants au cinéma. Elles sont vraies. Elles sont entières. Leurs blessures, leurs failles, leur solitude nous touchent, car Mathieu Amalric sait comment les mettre en valeur. Dans sa mise en scène, il joue la carte de l'économie des mots pour y préférer le langage du corps. Ses comédiennes ne sont jamais aussi justes que dans leur élément : la scène.
Des actrices parfaites, à la fois charnelles, paumées et sensibles
Jamais vulgaires, les numéros des strip-teaseuses sont (bien qu'inégaux) tous teintés d'une poésie lumineuse qui contraste avec leur vie désenchantée une fois le rideau tombé. Elles sont toutes parfaites, à la fois charnelles, paumées et sensibles. Et évidemment, en mettant en vedette une troupe entière de danseuses, Mathieu Amalric se voit dans l'obligation de sacrifier des personnages secondaires dont on aurait voulu savoir un peu plus. On appellera ça le défaut de ses qualités.
Même la fin un peu bancale de ce road-movie mélancolique n'enlève rien au charme d'une tournée dans laquelle on a aimé se glisser. A l'image de son discours à Cannes après la remise de son prix de la mise en scène, Mathieu Amalric se révèle un cinéaste pudique. Son amour pour celles qu'il filme est contagieux. Il a le cœur généreux. Sa Tournée est savoureuse. Et on attend la prochaine.