
À quelques jours de la grande finale de l'Eurovision 2025, qui se tiendra ce samedi 17 mai, la tension monte à Bâle. Si la ville suisse a donné le coup d'envoi des festivités avec un défilé haut en couleurs et en sons, elle a aussi été le théâtre de manifestations pro-palestiniennes dénonçant la participation d'Israël, en pleine guerre à Gaza. Au même moment, une nouvelle règle du concours pose question : les artistes n'ont désormais plus le droit de monter sur scène avec un autre drapeau que celui de leur délégation. Une mesure qui vise explicitement les symboles politiques, et donc, entre autres, les drapeaux palestiniens ou arc-en-ciel.
Le règlement a été révélé le 28 avril par la télévision danoise DR, rapporte "20 minutes". Il précise que si les spectateurs pourront brandir le drapeau de leur choix tant qu'il respecte la loi suisse – incluant donc les bannières de l'Union européenne, de la Palestine ou encore de la communauté LGBT+ – les artistes, eux, sont soumis à une interdiction stricte. Seul le drapeau de leur délégation sera toléré. Et pas question de choisir : les drapeaux officiels seront fournis par le diffuseur suisse SRG SSR, y compris pour la parade d'ouverture de la finale. Un encadrement rigide, que l'UER justifie par un souci de "clarification" et d'"équilibre".
Cette décision intervient dans un contexte particulièrement sensible. Dimanche 11 mai, lors du lancement officiel de la semaine de l'Eurovision, plusieurs manifestants ont brandi des drapeaux palestiniens le long du parcours du "tapis turquoise", tandis qu'une banderole appelait Israël à "ouvrir les frontières de Gaza". La représentante d'Israël (dont le maintient dans le concours avait déjà vivement été critiqué l'an dernier), Yuval Raphael, qui dit vouloir porter un message de paix avec sa chanson "New Day Will Rise", a salué la foule sous haute sécurité, drapeau israélien à la main. Mais sur les trottoirs, d'autres slogans évoquaient un "génocide" et fustigeaient le silence du concours.
La réglementation touche aussi les artistes qui souhaitent mettre en lumière des identités ou des origines multiples. Fini le drapeau ukrainien, brandi par solidarité, ou le "rainbow flag", porté l'an dernier par Nemo, vainqueur suisse de l'édition 2024 avec "The Code", un titre sur sa non-binarité. Même les artistes qui représentent un pays autre que le leur devront taire toute appartenance secondaire : ainsi, le duo autrichien Abor & Tyna, en lice pour l'Allemagne, ne pourra pas arborer la bannière autrichienne. Idem pour le DJ italien Gabri Ponte, représentant Saint-Marin avec "Tutta l'Italia", qui ne pourra même pas hisser le drapeau de son pays natal.
Seule la chanteuse Sissal, d'origine féroïenne, a réagi publiquement. Elle défendra le Danemark, mais regrette de ne pas pouvoir montrer ses racines. "Je serai toujours Féroïenne", a-t-elle écrit sur Instagram, rappelant que les îles Féroé font partie intégrante du royaume danois. Malgré les critiques, l'UER persiste. Elle affirme compter sur la "bonne foi" des artistes pour respecter ce règlement, mais souligne que des sanctions sont possibles en cas de non-conformité. Un paradoxe pour ce concours musical, très axé sur des messages d'union et de paix, et porté par des artistes et un public alliés aux causes de la communauté LGBTQIA+.